Lundi 10 août, le verdict tombe. Le journaliste et correspondant de TV5MONDE en Algérie, Khaled Drareni, est condamné à trois ans de prison ferme. Une décision "sévère" pour beaucoup et lourde de sens pour la presse indépendante algérienne, qui ne cesse depuis, de dénoncer une transgression de la liberté de la presse. Tour d'horizon des nombreux soutiens à Khaled Drareni.
"Le choc !", pouvait-on lire ce 11 août en lettres rouges, en Une du quotidien algérien
"Liberté". Car c’est en effet une onde de choc qu’a provoquée la condamnation de Khaled Drareni. La veille,
il est condamné à trois ans de prison ferme et à une lourde amende pour
"incitation à attroupement non armé" et
"atteinte à l'unité nationale".
Après le choc, la colère et l’indignation n’ont pas tardé à gagner la profession. Depuis lundi, Khaled Drareni est devenu le symbole du combat pour la liberté de la presse en Algérie.
Pour le quotidien
"Liberté", c'est un
"jour de deuil". "
La neutralisation judicaire de Khaled Drareni et son châtiment pour l’exemple viennent confirmer le recentrage autoritaire du régime et son option pour un verrouillage antidémocratique de la vie publique",
y écrit un éditorialiste.
"On croyait que le niveau maximum de répression que l’on peut développer contre la liberté de la presse avait été atteint durant la double décennie de dilapidation. Eh bien, non ! Le régime a encore de la marge en la matière et il montre qu’il compte l’exploiter", ajoute-t-il.
De nombreux journalistes algériens pointent du doigt des accusations
"fallacieuses", à l’instar du quotidien
El Watan.
"Il est impossible de croire que le jeune journaliste ait eu comme objectif d’inciter à un attroupement non autorisé, il ne faisait que son travail. Et encore moins de vouloir porter atteinte à l’unité nationale. Du pur délire ! Le harcèlement dont est victime Khaled Drareni est d’ailleurs suspect", y lit-on
le 11 août dans l’édito du jour.
Le journaliste était en effet poursuivi à la suite de sa couverture le 7 mars dernier à Alger d'une manifestation du
"Hirak", le soulèvement populaire qui a secoué l'Algérie pendant plus d'un an.
« Réprobation générale »
Le Syndicat national des journalistes algériens a
"réclamé la mise en liberté de [son] confrère Khaled Drareni".
"L’espoir vire donc au cauchemar", a déploré son secrétaire général, Kamel Amarni, en fustigeant
"un précédent grave, condamnable et qui n’augure rien de bon quant aux intentions réelles du pouvoir par rapport à la liberté d’expression et de la presse en particulier".
Dans un tweet, l'écrivain et journaliste du quotidien El Watan, Mustapha Benfodil parle, lui, d'un
"terrible séisme d'immoralité".
Le site d'information Casbah Tribune a lui aussi réclamé la libération de son fondateur et directeur.
Plusieurs pétitions y ont été partagées, elles sont aujourd'hui signées par plus d'un millier de personnes.
"Liberté pour Khaled Drareni." C'est aussi ce que demande le collectif des Journalistes algériens unis (JAU). Dans
une vidéo, ils racontent le parcours de leur confrère, depuis sa convocation par les services de sécurité jusqu'au verdict de son procès.
Ce mercredi 12 août, l’heure est toujours à la
"réprobation", comme le titrait ce matin le quotidien El Watan.
TV5MONDE demande la libération du journaliste Khaled Drareni
Voici le communiqué de presse in extenso de TV5MONDE :
"Le correspondant de TV5MONDE en Algérie, Khaled Drareni, en détention provisoire depuis fin mars, a été condamné aujourd’hui, lundi 10 août, à 3 ans de prison ferme pour « incitation à attroupement non armé » et « atteinte à l’unité nationale » après avoir couvert les manifestations du « Hirak », le mouvement de contestation initialement opposé à un cinquième mandat d'Adbdelaziz Bouteflika et à la corruption.
TV5MONDE s'étonne et s'indigne de ce jugement très lourd. Il sanctionne un journaliste reconnu qui a toujours réalisé son métier en toute indépendance et au nom du droit à informer.
Aux côtés de nombreuses organisations non gouvernementales et d’associations internationales pour la liberté d’information et la protection des journalistes, TV5MONDE, chaîne de la Francophonie qui en porte les valeurs, est engagée dans le comité de soutien qui demande la libération sans attendre de son correspondant.
La liberté de la presse dont Khaled Drareni est l’un des portes étendards est l’un des fondements de la liberté d’expression et de la démocratie. Elle ne peut être muselée, où que ce soit.Khaled Drareni, correspondant de TV5MONDE et de Reporters Sans Frontières, doit être libéré sans attendre."