L’ex-commandant rebelle Kunti Kamara est jugé en appel depuis mardi à Paris après sa condamnation à la prison à vie prononcée fin 2022 pour actes de barbarie et complicité de crimes contre l’humanité pendant la première guerre civile libérienne (1989-1997).
Un croquis d'audience montre l'ancien commandant du groupe rebelle libérien de l'Ulimo, Kunti Kamara, lors de son procès à Paris en octobre 2022.
Le procès en appel de l’ex-commandant rebelle Kunti Kamara débute ce mardi 5 mars à Paris. Cet ancien commandant du Mouvement uni de libération pour la démocratie (Ulimo) avait été condamné en première instance à la prison à vie pour actes de barbarie et complicité de crimes contre l’humanité pendant la première guerre civile libérienne (1989-1997), lors d'un procès inédit en France qui s'était tenu en octobre et novembre 2022.
La cour d’assises de Paris avait alors condamné l'ancien milicien, né en 1974, à la réclusion à perpétuité pour une série d'exactions contre les civils en 1993-1994, dont le supplice infligé à un instituteur dont il aurait mangé le cœur, et pour sa passivité face aux viols répétés de deux adolescentes par des soldats placés sous son autorité.
Il avait fait appel, et se retrouve à nouveau sur le banc des accusés.
Mardi, doudoune noire et jogging gris, traits émaciés, il a écouté en bougeant nerveusement les jambes le long rapport d'exposé des faits de torture et d'actes de barbarie qui lui sont reprochés.
Arrêté en région parisienne en septembre 2018, M. Kamara est jugé à Paris au titre de la "compétence universelle" exercée, sous certaines conditions, par la France pour juger les crimes les plus graves commis hors de son sol. C’est la première fois que ce mécanisme est utilisé pour des faits commis dans un autre pays que le Rwanda.
Lors du procès en première instance, Kunti Kamara avait clamé son innocence et assuré être victime d’un "complot". Face à la cour d’assises, plusieurs plaignants et témoins avaient toutefois certifié que l'accusé était bien le "C.O Kundi" - pour "commanding officer" - qui aurait contribué à faire régner la terreur dans le nord-ouest du pays, tombé aux mains de l'Ulimo au début des années 1990.
D'indicibles atrocités avaient été relatées durant le procès en première instance: des habitants assassinés en étant contraints d'ingurgiter de l'eau bouillante, le commerce de viande humaine, des intestins utilisés en guise de checkpoints, un viol au moyen d'une baïonnette trempée dans du sel.
Pour les trois semaines du procès en appel, des témoins et plaignants viendront à nouveau du Liberia, malgré le "processus éprouvant" que représente ce nouveau procès, avec l'espoir qu'il "pourra lever un peu le voile sur ce qu'il en a été", expliquait avant l'audience l'avocate des huit parties civiles, Me Sabrina Delattre.
"La conviction est toujours là" que "le Liberia est un pays qui a été ravagé après une guerre civile pendant 20 ans et que l'impunité encore y est totale malgré les promesses récentes du nouveau président", a-t-elle ajouté.
Les crimes de la guerre civile, qui ont fait au total 250.000 morts, n'ont jamais été jugés par le pays où d'anciens chefs rebelles occupent aujourd'hui de hautes fonctions dans l'appareil d’État.
Lors de son discours d'investiture fin janvier, le nouveau président Joseph Boakai a déclaré que son gouvernement étudierait la possibilité d'ouvrir un tribunal des crimes de guerre et des crimes économiques (WECC).
Le procès doit durer jusqu'au 29 mars.