Fil d'Ariane
Une guerre sans merci se déroule depuis un an dans le nord de l’Éthiopie, dans la région du Tigré. Les combats ont fait des milliers de morts. 400.000 personnes sont menacées par la famine et deux millions de personnes ont quitté leur foyer. L'ONU dénonce dans un rapport "la brutalité extrême" de ce conflit.
Un soldat du Front de libération du Peuple tigréen en (TPLF) en poste à Hawzen, dans le nord du pays, le 7 mai 2021.
« Si les habitants de Mekele ne fuient pas, il n'y aura aucune pitié ». Il y a un an, le premier ministre éthiopien Abiy Ahmed lançait un dernier ultimatum à la population tigréenne.
Le 4 novembre 2020, le Premier ministre éthiopien Abiy Ahmed, prix Nobel de la paix 2019 mettait sa menace à exécution. Il lancait une opération militaire contre les autorités régionales du Tigré, issues du Front de libération du peuple du Tigré (TPLF).
Le 28 novembre, Abiy Ahmed déclarait l'opération militaire "terminée". L'armée avait pris la capitale régionale Mekele. Mais les combats se poursuivent. Et les troupes éthiopiennes ont abandonné depuis le terrain conquis. Le 28 mars les rebelles reprennaient Mekele. Le conflit est entrée dans une forme d'impasse militaire.
Les conséquences humanitaires sont désastreuses avec plusieurs centaines de milliers de personnes vivant dans des conditions proches de la famine. Cette famine rappelle celle de 1984-85 qui fut l’une des plus marquants au monde. Actuellement, l’ONU, s’alarme de la « brutalité extrême » et de « la gravité des violations recensées » dans les deux camps dans un rapport.
Abiy Ahmed, passé de Nobel de la paix à chef de guerre, a aussitôt réfuté les conclusions du rapport onusien qu’il accuse avoir « aucun fondement factuel ». Ce n’est pas la première fois que le premier ministre éthiopien affiche son hostilité face à l’agence onusienne. Le 3 octobre, le gouvernement éthiopien a même expulsé sept représentants de l’ONU et de hauts responsables humanitaires du pays. Iles autorités éthiopiennes les accuse « d’ingérence ».
Le rapport onusien couvre la large période du 3 novembre 2020 - quand le Premier ministre avait déclenché l'offensive contre les autorités dissidentes du Tigré - au 28 juin, date à laquelle Addis Abeba avait déclaré un cessez-le-feu unilatéral. Témoignages à l’appui, le texte dénonce, des "attaques aveugles" contre les civils, des exécutions extra-judiciaires, de la torture, des enlèvements et des détentions arbitraires ou encore des violences sexuelles et des pillages.
Les enquêteurs ont rencontré des survivantes, dont presque la moitié ont été victimes de viol collectif mais aussi des cas de violences sexuelles contre des hommes. La torture serait endémique. Le texte fait état de massacres suivi de représailles qui ont coûté la vie à des centaines de civils. Le rapport met en exergue le rôle et les violences des troupes érythréennes, notamment en obligeant des réfugiés au Tigré à rentrer en Erythrée.
La présence de l’Erythrée, à travers ses forces armées, avait par ailleurs fait l’objet de nombreuses suspicions, démenties systématiquement par Isaias Afwerki, président érythréen et Abiy Ahmed. Le gouvernement érythréen, dans un courrier adressé au Conseil de sécurité de l’ONU, avait finalement reconnu, une présence militaire dans la région du Tigré en avril 2021.
La situation sur le terrain a depuis beaucoup évolué. Déclaré vainqueur des législatives de juin dernier, Abiy Ahmed a été investi une nouvelle fois pour un mandat de cinq ans le 4 octobre dernier, sous le feu des critiques. Deux semaines après, l'aviation éthiopienne menait des frappes sur Mekele, une première depuis novembre 2020. Les attaques tuaient trois enfants et en blessaient plusieurs autres personnes.
Depuis cet été, près de 400 000 personnes ont franchi le seuil de la famine depuis cet été. L'ONU estime qu'une centaine de camions d'aide devraient atteindre quotidiennement le Tigré pour subvenir aux besoins de la population, or seuls 15% de ce chiffre aurait été atteint. Le gouvernement éthiopien rend le TPLF responsable de ces difficultés d'acheminement, en raison de ses incursions dans les régions Afar et Amhara. Les autorités éthiopiennes sont cependant elles-mêmes également accusées d'entraver l'accès au Tigré.
Un nouvel état d’urgence a été instauré le 2 novembre dans tout le pays alors que le gouvernement craint que le TPLF ne marche sur la capitale. La Haute-Commissaire à l’ONU s’est dite, elle, « profondément inquiète de la situation des droits de l'homme dans le pays qui risque d'aggraver encore ». De nouvelles restrictions dans l'accès à l'aide internationale, pourraient faire basculer, pour le pire, une situation humanitaire déjà extrêmement difficile.
La situation dans le nord de Éthiopie se dégrade de jour en jour. Les combats entre forces progouvernementales et rebelles tigréens faisaient rage, mardi 2 novembre, à quelques centaines de kilomètres au nord d’Addis-Abeba. Les autorités de la capitale éthiopienne ont appelé la population à s’organiser et à se préparer à défendre leurs quartiers.