Conflit dans l'est de la RDC: Macron lance des mises en garde, y compris au Rwanda

Très attendu sur le conflit dans l'est de la République démocratique du Congo, Emmanuel Macron, en visite à Kinshasa, n'a pas clairement condamné samedi le Rwanda, comme le lui demandaient les Congolais, mais lancé de fermes mises en garde, y compris à Kigali. 
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Macron Tsisekedi kinshasa
Conférence de presse commune des présidents français Emmanuel Macron et congolais Félix Tshisekedi, Kinshasa, 4 mars 2023. 
(AP Photo/Samy Ntumba Shambuyi)
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La RDC "ne doit pas être un butin de guerre, le pillage à ciel ouvert (du pays) doit cesser. Ni pillage, ni balkanisation, ni guerre!", a martelé le président français, au cours d'une conférence de presse avec son homologue congolais Félix Tshisekedi.

Ce dernier venait de déplorer l'"agression injuste et barbare" dont son pays estime être victime. 

La RDC accuse le Rwanda de soutenir la rébellion du M23, qui s'est emparée depuis l'année dernière de vastes pans de territoire de la province du Nord-Kivu, région riche en minerais. Des experts de l'ONU ont corroboré ce soutien et plusieurs chancelleries occidentales l'ont dénoncé, bien que Kigali s'en défende. 

Le ministère français des Affaires étrangères a également condamné ce soutien, mais Kinshasa estime que ce n'est pas suffisant, attendant de Paris des mesures concrètes contre Kigali.

Ce que nous attendons du Rwanda et des autres (acteurs), c’est de s'engager et de respecter les rendez-vous qu’ils se donnent sous la supervision des médiateurs et s’ils ne respectent pas, alors oui, il peut y avoir des sanctions, je le dis très clairement

Emmanuel Macron, président français

Emmanuel Macron n'a pas annoncé de sanctions, mais il a appelé chacun à "prendre ses responsabilités, y compris le Rwanda".

"Ce que nous attendons du Rwanda et des autres (acteurs), c’est de s'engager et de respecter les rendez-vous qu’ils se donnent sous la supervision des médiateurs et s’ils ne respectent pas, alors oui, il peut y avoir des sanctions, je le dis très clairement", a-t-il également souligné.

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Le président français avait tenté une mission de bons offices en marge de l'Assemblée générale de l'ONU à New York, en septembre dernier, jouant les facilitateurs pour une rencontre entre Félix Tshisekedi et le président rwandais Paul Kagame.

Mais la rébellion a depuis repris de plus belle ses avancées, tandis qu'Emmanuel Macron se retrouve accusé de parti pris en faveur de Paul Kagame, avec lequel il a opéré une réconciliation après les années noires consécutives au génocide des Tutsi au Rwanda en 1994 et les accusations d'implication dans ce bain de sang portées contre la France.

Cessez-le-feu mardi prochain

Le président français "n'est pas le bienvenu en RDCongo", disaient des mouvements citoyens à la veille de sa visite à Kinshasa.

Plusieurs dizaines de jeunes qui, brandissant des drapeaux russes, avaient déjà manifesté mercredi à Kinshasa contre sa venue, se sont de nouveau regroupés samedi matin avec l'intention de marcher vers un des sites de sa visite. Ils ont été rapidement dispersés par les forces de l'ordre et leurs leaders interpellés.

Le président français a apporté samedi un soutien appuyé aux initiatives lancées en Afrique pour tenter de résoudre le conflit dans l'est de la RDC, notamment celle pilotée par le président angolais Joao Lourenço, qu'il a rencontré vendredi à Luanda.

Nous donnons la chance à la paix [...] Je demande à voir, surtout au niveau des sanctions

Félix Tshisekedi, président de la République Démocratique du Congo

Durant ses discussions avec les présidents Lourenço et Tshisekedi, ainsi qu'avec Paul Kagame, Emmanuel Macron a dit avoir constaté que tous avaient "apporté un soutien clair" à un cessez-le-feu mardi prochain, tel que prévu dans "le chronogramme". Les représentants du M23 qui sont allés voir le président Lourenço se sont aussi engagés sur ce point, a-t-il insisté.

Des cessez-le-feu ont été annoncés plusieurs fois ces derniers mois mais n'ont jamais été respectés. "Je demande à voir, surtout au niveau des sanctions", a déclaré Félix Tshisekedi, se disant "dubitatif quant à la bonne foi de ceux qui nous ont agressés". "Nous donnons la chance à la paix", déclare-t-il.

Emmanuel Macron a également évoqué la mise en place, avec le soutien de la France, d'un pont aérien humanitaire vers Goma, la capitale du Nord-Kivu, annoncé le matin même par l'Union européenne.

Un pont aérien humanitaire européen vers Goma

L'Union européenne a annoncé samedi la mise en place d'un pont aérien humanitaire vers Goma, avec le soutien de la France, pour aider les populations de l'est de la République démocratique du Congo, en proie aux groupes armés.

Le pont aérien sera mis en place "rapidement" et "permettra d'acheminer une aide humanitaire sous forme de produits médicaux et alimentaires ainsi qu'une série d'autres produits d'urgence, en collaboration avec l'Unicef et d'autres partenaires humanitaires", indique un communiqué de la Commission européenne.

La province du Nord-Kivu, dans l'est de la RDC, est touchée par la résurgence de la rébellion majoritairement tutsi du M23 ("Mouvement du 23 Mars").

Cette annonce intervient au moment d'une visite en République démocratique du Congo du président français Emmanuel Macron, qui tente d'obtenir une désescalade dans l'est du pays, mais dont les efforts de paix sont contestés à Kinshasa.

L'UE a aussi annoncé le déblocage d'une aide de 47 millions d'euros, par l'intermédiaire de ses partenaires humanitaires, afin de couvrir les besoins immédiats des populations locales en nourriture, soins de santé et installations sanitaires notamment. 

"L'UE est prête à mobiliser tous les moyens nécessaires pour soutenir les travailleurs humanitaires, y compris la logistique et l'aérien, afin de répondre aux besoins de la population en République démocratique du Congo", a déclaré le commissaire chargé de la gestion des crises, Janez Lenarcic. 

"Avec cette opération de pont aérien humanitaire organisée avec le soutien de la France et la nouvelle mobilisation de fonds, nous réaffirmons notre soutien aux plus vulnérables", a-t-il ajouté.

La RDC est la 4e et dernière étape d'une tournée d'Emmanuel Macron en Afrique centrale, qui l'a également conduit au Gabon pour un sommet sur la forêt, en Angola et au Congo-Brazzavile.

Durant sa visite à Kinshasa, qui se poursuit jusqu'à samedi soir, il va rencontrer des artistes et des entrepreneurs et voyait en début d'après-midi le professeur Jean-Jacques Muyembe, à l'origine de la découverte du virus Ebola.Un même message a marqué chaque étape de sa tournée: la France, ancienne puissance coloniale de plus en plus contestée sur le continent, veut développer une nouvelle relation avec l'Afrique, faite d'"humilité" et de partenariats "responsables et équilibrés".

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