Les violences, qui ont poussé lundi des milliers d'habitants à fuir les quartiers sud de Brazzaville, ont fait 17 morts, selon le gouvernement congolais. Les autorités accusent un ancien chef de milice d'être personnellement impliqué dans ces troubles.
Thierry Moungalla, porte-parole du gouvernement congolais, a annoncé le décès de 17 personnes dont deux civils, trois agents des forces de l'ordre et douze assaillants. Tous ont été tués lundi dans "l'attaque terroriste" ayant visé les quartiers sud de Brazzaville avant "l'intervention rapide" des forces de l'ordre.
Lundi, Thierry Moungalla a accusé des ex-miliciens Ninjas Nsiloulou d'être à l'origine des tirs d'armes automatiques et détonations ayant réveillé les riverains de cette zone dans la nuit précédente. Ses accusations ont été renforcées puisqu'il affirme disposer de "preuves accablantes" de "l'implication active" de Frédéric Bintsamou, un ancien chef de cette milice.
Guy-Brice Parfait Kolélas, candidat malheureux de l'élection présidentielle du 20 mars et allié politique de Frédéric Bintsamou, ne se satisfait pas de ces explications. Il a réclamé une enquête indépendante et impartiale.
La milice Ninja Nsiloulou, aujourd'hui dissoute, a combattu le pouvoir de Denis Sassou Nguesso pendant la guerre civile dite du Pool (1998-2003). Son chef, Frédéric Bintsamou, alias le pasteur Ntoumi, a fini par se rallier au président avant de rejoindre récemment l'équipe de campagne de Guy-Brice Parfait Kolélas.
De part l'accord qu'il avait signé avec les autorités lors de son ralliement, Frédéric Bintsamou dispose d'une garde rapprochée équipée d'armes automatiques et de mitrailleuses lourdes, et constituée pour bonne part d'anciens Ninjas. Au Congo, le noms des Ninjas évoque aussi celui des milices de Bernard Kolélas, père de Guy-Brice, qui ont combattu les Cobras de Denis Sassou Nguesso pendant la guerre civile de 1997.
Une mascarade
Jugeant que le gouvernement allait "vite en besogne pour désigner les coupables", Guy-Brice Parfait Kolélas a qualifié de "mascarade" la version officielle présentant les événements de lundi comme une attaque concertée contre plusieurs bâtiments officiels. "Ma crainte, c'est qu'on retombe dans ce que le Congo a connu de pire : les faux coups d'Etat" a-t-il ajouté. Il attend qu'on lui fournisse des preuves, jugeant "bizarre" la coïncidence entre ces attaques présumées et "la proclamation des résultats définitifs" de la présidentielle par la Cour constitutionnelle lundi soir. Denis Sassou Nguesso est ainsi vainqueur de l'élection présidentielle dès le premier tour avec 60% des voix.
Guy-Brice Parfait Kolélas s'est, quant à lui, vu rejeter son recours au motif qu'il n'aurait pas été déposé dans les temps, soit cinq jours après la proclamation des résultats. "Nous étions dans les délais", mais la Cour constitutionnelle a compté "le dimanche et le lundi de Pâques fériés comme des jours ouvrés" a-t-il affirmé avant d'ajouter "c'est n'importe quoi".
Après la proclamation, des résultats provisoires de la présidentielle par le gouvernement le 24 mars, Guy-Brice Parfait Kolélas et quatre candidats d'oppposition unis par une alliance électorale contre Denis Sassou Nguesso ont crié à la fraude et appelé la population à les rejeter par des voies légales et pacifiques. Leur appel à une grève générale le 29 mars n'est cependant pas parvenu à paralyser le pays.
Mardi 5 avril dans l'après-midi, une vingtaine de policiers encerclaient la résidence de l'un de ces candidats, le général Jean-Marie Michel Mokoko, arrivé troisième du scrutin selon les résultats officiels, et qui se cacherait depuis plusieurs jours. Un bus bloquait la rue de son domicile.
Charles Zacharie Bowao, coordinateur de deux plateformes politiques soutenant la coalition anti-Sassou Nguesso, a dénoncé "l'environnement trouble, semblable à un état de siège" ayant précédé l'annonce de la Cour constitutionnelle. "L'objectif pour nous est d'obtenir, avec l'appui de la communauté internationale, la reconnaissance des résultats sortis réellement des urnes" a-t-il dit.
Mardi 5 avril en début de soirée, le quadrillage militaire des quartiers sud de Brazzaville observé dans la matinée avait été largement levé, mais la zone restait désertée par la population. Quelques dizaines d'habitants ont commencé à rentrer mais l'immense majorité de ceux qui avaient fui la veille s'apprêtaient à passer une seconde nuit hors de chez eux.