COP15 : un accord « historique », mais sans la République démocratique du Congo

La République Démocratique du Congo est le seul pays à ne pas avoir signé l’accord issu de la COP15. Kinshasa, notamment en la personne de sa vice-Première ministre et ministre de l'environnement Eve Bazaiba, a fustigé son manque d’ambition financière.

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La COP15 à Montréal, au Canada, le 19 décembre 2022.
La COP15 à Montréal, au Canada, le 19 décembre 2022.
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Le symbole d’unité des COP est-il entrain de s’effriter ? À Montréal, le 19 décembre au soir, plus de 190 pays ont adopté un accord pour tenter d'enrayer la destruction de la biodiversité et de ses ressources.

Ce "pacte de paix avec la nature", appelé "accord de Kunming-Montréal", visera donc notamment à protéger 30% de la planète d'ici 2030 et à porter à 30 milliards de dollars l'aide annuelle pour la biodiversité dans les pays en développement. 

La création d'aires protégées sur 30% de la planète est par ailleurs présentée comme l'équivalent pour la biodiversité de l'objectif de Paris de limiter le réchauffement climatique à +1,5°C. Si de nombreux acteurs s’accordent à qualifier la mouture finale « d’historique », d’autres lui reprochent un manque d’ambition, comme la République Démocratique du Congo.

Un bébé gorille joue dans les arbres dans le parc national du Virunga
Un bébé gorille joue dans les arbres dans le parc national du Virunga, dans l'est du Congo, 30 juillet 2014.
AP/Jerome Delay

Manque d’ambition

Alors que les discussions se sont poursuivies tard dans la nuit de dimanche à lundi, la délégation congolaise n’a pas cédé. La question financière était au coeur des négociations et n’a pas réussi à contenter tout le monde.

Nombre de pays du Sud demandaient de la part des pays riches une contribution à hauteur de 100 milliards de dollars par an, soit 7 à 10 fois l'aide internationale actuelle pour la biodiversité. Au final, seuls 30 milliards de dollars d'aide annuelle à la conservation ont été débloquées pour les pays en développement, une somme bien trop mince pour nombre d’entre eux.

À un pays responsable de la destruction de l’environnement, le monde lui confie la facilitation des négociations dans le mécanisme mis en place du fonds pour la protection de la biodiversité. C’est un non-sens ! Eve Bazaiba, vice-Première ministre et ministre de l'environnement  à propos du Rwanda

La création d'un fonds mondial dédié à la biodiversité était aussi fortement soutenu par ces mêmes acteurs, afin de les aider à affronter les dégâts climatiques. La Chine, à la présidence de cette COP, a cependant préféré obtenir un compromis en promettant l’établissement dès 2023 d’une branche dédiée à la biodiversité au sein du Fonds mondial pour l'environnement (FEM), crée en 1991 par la Banque mondiale.

Une concession qui ne satisfaisait alors ni le Brésil, l’Inde, l’Indonésie ou même le Cameroun, l’Ouganda et la RDC. Seulement, aux termes de longues négociations, l'ensemble de ces pays ont préféré s’associer à l’accord final… à l’exception de la RDC.

Une objection qui n’a pas empêché le président chinois de la COP15, Huang Runqiu, de marquer d’un coup de marteau l’adoption de l’accord, provoquant un torrent d’applaudissements dans la salle.
Le conseiller juridique de la Convention sur la biodiversité a confirmé  dans la foulée, selon le média canadien la Presse, n’avoir attesté aucune objection formelle juridique, mais seulement « des observations ». 


S’en est alors suivi une scène quelque peu surprenante, où le président de la COP15 est descendu remercier Eve Bazaiba, malgré son refus de s’associer à l’accord. L’échange est bref, la vice président le félicite en retour et les deux vont poser pour les journalistes, comme en témoigne le tweet du journaliste canadien Étienne Fortin-Gauthier, du média québécois Noovo.

S’il n’y a pas eu de coup d’éclat, le Cameroun a toutefois dénoncé « un passage en force » et l’Ouganda a déploré « la manière » employée. La RDC, elle, estime que ce manque d’ambition lui coûtera très cher afin de protéger sa forêt tropicale, la deuxième du monde en matière de superficie après celle du bassin de l’Amazone.

(Re)voir : Environnement : l'accord de la COP15 ne fait pas l'unanimité en Afrique

"Nous avons émis de réserve sur le texte de la déclaration finale de la #COP15 en toute souveraineté et nous restons ouvert à des négociations pour faire avancer la position de la RDC sur le mécanisme de mobilisation des ressources pour le financement de la biodiversité." a rappelé la vice-Première ministre, le lendemain de l'adoption de l'accord, sur son compte Twitter.

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Lors des négociations, un autre sujet a fait l’objet d’un point d’achoppement avec la RDC : la participation du Rwanda aux prises de décisions concernant le mécanisme de financement pour la biodiversité.

Dans une prise de parole du 17 décembre, relayée par Jeune Afrique, la vice présidente Bazaiba souligne une dissonance entre la nomination de Kigali au vu de son engagement dans le conflit de l’Est de la RDC : « Nous n’arrêterons jamais de lier la protection de l’environnement à la paix. Aujourd’hui, toute la partie Est de la RDC est le théâtre d’affrontements où les terroristes sont soutenus par un pays voisin, le Rwanda, nommé par les Nations Unies, tuent, violent, pillent. La biodiversité en pâtit. Nous sommes dans une déstabilisation totale dans cette partie du pays, déclare Eve Bazaiba.

« À un pays responsable de la destruction de l’environnement, le monde lui confie la facilitation des négociations dans le mécanisme mis en place du fonds pour la protection de la biodiversité. C’est un non-sens ! Quel est le message envoyé ? Nous appelons à ce que cet état de choses change ! » poursuit-elle.

La veille, selon le média Environews, la vice présidente aurait même quitté la table des négociations, après avoir appris la nouvelle.

Dans quelle mesure cet épisode géopolitique est venu contrarier la délégation congolaise dans sa volonté de prendre part à l’accord final de la COP 15 ? Le refus d’y apposer sa signature est-il seulement motivé par un manque d’ambition environnemental ? Des questions pour l'heure sans réponse. Contactée par la rédaction de TV5MONDE, Madame Eve Bazaiba n’a pas souhaité donner suite.