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Financements, le nerf de la guerre
Eve Bazaiba, ministre de l'Environnement en RDC, abordait aussi dans une interview sur TV5Monde la réalisation nécessaire des engagements des pays du Nord, comme « le G20, à lui seul responsable des 80 % des pollutions mondiales ». Elle évoquait un rôle différencié dans le financement de la lutte contre le changement climatique, en fonction des moyens et des responsabilités historiques.
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Ces déclarations reflètent le sentiment des dirigeants et experts africains, qui attendent un soutien financier bien plus développé de la part des pays riches dans cette lutte. « Les flux financiers internationaux pour l'adaptation aux changements climatiques dirigés vers les pays en développement sont 5 à 10 fois inférieurs aux besoins estimés, et l'écart continue de se creuser », signalait ainsi un rapport du Programme des Nations unies pour l'environnement.
Toutefois, Chukwumerije Okereke, chercheur sur les questions environnementales et directeur du Centre pour le climat et le développement au Nigeria, décrit un espoir mitigé de voir les choses évoluer à cette COP. Il pointe le climat politique défavorable dans les pays occidentaux, de l’Italie aux États-Unis. « Par exemple, aux États-Unis, les choses ne vont pas particulièrement bien pour les Démocrates, selon les sondages des "midterms". La température politique n'est donc pas favorable à une action beaucoup plus offensive en faveur des pays en développement. L'Occident traîne maintenant les pieds pour venir en aide aux pays pauvres », développe-t-il.
Plutôt que de dire "Arrêtez d'utiliser votre gaz", nous devons augmenter massivement les investissements dans les énergies renouvelables en Afrique
Chukwumerije Okereke, directeur du Centre pour le climat et le développement au Nigeria.
La manière dont ces financements fonctionnent sera aussi un enjeu lors de la COP. Par exemple, le professeur Okereke insiste sur le fait qu'ils ne devraient pas alourdir les dettes des pays africains. Chukwumerije Okereke, directeur du Centre pour le climat et le développement au Nigeria.
Andrew Amadi, ingénieur à la tête de l’Association kenyane pour les énergies renouvelables, évoque un autre problème, qui concerne le décalage d’échelle. « D'un côté, vous avez des investissements qui se chiffrent en milliards de dollars, parce que cela a plus de sens du point de vue du coût du capital. Mais les projets qui sont développés en Afrique sont très petits. Il y a donc des investisseurs qui ne veulent même pas regarder ces projets parce qu'ils sont trop réduits pour être viables ».
Une partie de la solution pourrait se trouver pour lui du côté du numérique, qui aiderait à agréger des projets locaux, pour les rendre intéressants aux yeux des investisseurs. Ces démarches permettraient aussi de décentraliser le système, et le rendre plus adapté aux besoins locaux. « Cela permettrait d'accélérer le rythme auquel les projets peuvent être déployés en Afrique », appuie-t-il.
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Vers un dispositif de « pertes et préjudices » ?
La proposition de créer un nouveau système de financement avait été bloquée à la dernier COP à Glasgow. Les pays en développement, comme les pays africains, espèrent le remettre sur la table cette fois-ci.
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Dans le processus permettant sa mise en place, le chercheur craint le manque de volonté politique des pays occidentaux, et marginalement la désunion des pays africains sur la question. Selon lui, certains pays en développement considèrent ainsi qu’il serait plus facile et rapide de se reposer sur les systèmes préexistants, sans créer celui spécifiquement nécessaire pour les pertes et préjudices. À cet égard, Paris s'est aussi dit « ouvert » à la question, tout en s'opposant à la création d'un nouveau fonds.
Qu'il s'agisse de géothermie, d'hydroélectricité, de biomasse ou d'énergie éolienne, l'Afrique dispose d'un énorme potentiel
Andrew Amadi, ingénieur à la tête de l’Association kenyane pour les énergies renouvelables.
Andrew Amadi, ingénieur à la tête de l’Association kenyane pour les énergies renouvelables.
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L'adaptation, parent pauvre en matière d'investissements

Il met ainsi l’accent sur la technologie, à rebours des solutions court-termistes comme l’aide d’urgence en cas de sécheresses. À titre d’exemple, l’ingénieur décrit le développement de pompes à eau solaires au Kenya, qui participent à la fois à la sécurité alimentaire, aux circuits économiques, à l’utilisation d’énergies renouvelables et à l’inclusion des communautés locales.
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Énergies : entre gaz et renouvelables
L'un des aspects intéressants de la lutte contre le changement climatique est que si vous êtes entreprenant et stratégique, votre voix peut être entendue
Chukwumerije Okereke, directeur du Centre pour le climat et le développement au Nigeria.
C’est un facteur problématique pour des États comme le Sénégal, le Nigeria ou le Mozambique. « De nombreux pays africains ont subi des pressions pour que le gaz ne fasse plus partie de leurs ressources énergétiques. Et ils ont le sentiment que c'est un acte de colonialisme climatique. Ils recherchent donc une diplomatie beaucoup plus nuancée, une meilleure compréhension, une souveraineté énergétique, la possibilité de prendre leurs propres décisions », explique-t-il. Chukwumerije Okereke, directeur du Centre pour le climat et le développement au Nigeria.
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« Plutôt que de dire "Arrêtez d'utiliser votre gaz", ce que nous devons faire, c'est augmenter massivement les investissements dans les énergies renouvelables en Afrique. Et, à mesure que les prix baissent et que l'innovation technologique se généralise, les énergies naturellement renouvelables pourraient finir par concurrencer les autres », poursuit le chercheur.
Le manque de développement des énergies renouvelables en Afrique sera donc aussi un sujet de cette COP. Selon le professeur Okereke, le continent ne reçoit par exemple que 2% des investissements mondiaux en termes d’énergies renouvelables solaires, malgré ses capacités importantes sur ce point.
Andrew Amadi appelle plus globalement à un changement de perspective. « On croit encore à tort que les énergies renouvelables sont plus chères, parce le coût initial est élevé. Mais si vous regardez sur la durée, alors c'est vraiment économique. Qu'il s'agisse de géothermie, d'hydroélectricité, de biomasse ou d'énergie éolienne, l'Afrique dispose d'un énorme potentiel qu'elle peut créer, développer ou industrialiser grâce aux énergies renouvelables. Et ce qu'il faut, c'est un changement de mentalité. Nous voulons donc avoir une discussion plus équilibrée et basée sur des données concernant le coût réel de l'énergie ».
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Faire entendre la voix de l'Afrique
Il est donc urgent pour les Africains que les ambitions en matière de lutte contre ce changement soient revues internationalement à la hausse. La trajectoire actuelle promet un réchauffement de 2,5°C à 2,6°C d'ici 2030, malgré l’objectif d’1,5°C de l’Accord de Paris de 2015.
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Le fait que la conférence se déroule cette fois sur le continent, et a été présentée comme une « COP africaine », pourrait aider à aller dans ce sens. Arlette Soudan-Nonault, ministre congolaise de l'Environnement et du Développement durable, l'a relevé sur notre antenne samedi 5 novembre.
COP27 : "Je suis optimiste, les 54 pays africains vont parler d'une seule voix !" @AsoudanNonault, ministre de l'Environnement, du Dév. durable et du Bassin du Congo @InterTV5 @antoinegenton @TV5MONDE @LaurenceCaramel @lemondefr #COP27 #BassinduCongo #Congo #climate pic.twitter.com/WygqLbiphT
— Internationales (@InterTV5) November 5, 2022