Fil d'Ariane
Peut-être avez-vous déjà consulté votre médecin à distance ? Pour cela, vous avez eu besoin d'un ordinateur ou d'un téléphone portable et d'une connexion Internet. Inutile donc de vous déplacer jusqu'à son cabinet, un centre de santé, un hôpital, où le temps d'attente pourrait vous exposer aux microbes et autres virus des patients présents dans la salle.
Cette révolution technologique c'est ce qu'on appelle la télé-médecine, l'e-santé ou la santé numérique. En ces temps de pandémie de Covid-19 - la maladie du nouveau coronavirus particulièrement transmissible, il est devenu essentiel, voire indispensable, de pouvoir se prémunir des autres.
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Et de fait, la pandémie de Covid-19 est la première de l’histoire humaine où "les technologies et les réseaux sociaux sont utilisés à très grande échelle pour que les personnes restent en sécurité, productives et connectées sans être physiquement en contact", comme le constate l'Organisation mondiale de la santé (OMS).
Les soignants ont recours au numérique pour trier les patients, poser des diagnostics... parfois en collaboration avec d'autres médecins.
C'est ce que propose d'ailleurs le Réseau d’échange entre médecins d’Afrique (REMA). Cette application, disponible sous Android et en septembre sous IOS, fournit aux professionnels de santé un service de collaboration médicale à distance. Lancé en 2017 par le docteur Sedric Degbo, médecin béninois, le réseau est présent dans de nombreux pays d'Afrique de l'Ouest comme le Bénin (où est situé son siège social), le Burkina Faso, la Guinée, la Côte d'Ivoire, le Sénégal ou encore le Niger, le Mali, l'Algérie et la République démocratique du Congo.
La mission de REMA est "d’améliorer la qualité des décisions médicales, en misant sur la collaboration, la solidarité et l’intelligence collective des médecins du continent", précise Sedric Degbo, président de la start-up béninoise. A ce jour, plus de 2 000 cas médicaux ont été résolus. Plus de 6 000 médecins actifs - dont le profil a été méthodiquement vérifié - participent au réseau.
Dès le mois de mars, avec l'arrivée du Covid-19 sur le continent africain, la plateforme a été accessible gratuitement aux infirmiers et aux sages-femmes. REMA ne s'y est pas trompé car depuis, "70% des publications et des échanges de la communauté sont à propos du coronavirus", souligne Sedric Degbo. D'ailleurs, précise-t-il, "pour aider les gouvernements d’Afrique à mieux faire face à la pandémie de Covid-19, avec les meilleurs outils, nous avons pris l’initiative de mettre gratuitement notre système de communication médicale institutionnelle au profit des ministères de santé du continent". Des équipes de REMA sont à pied d'oeuvre actuellement au Bénin, en Côte d’Ivoire et au Sénégal.
Au Rwanda, l'entreprise Zipline permet la fourniture de sang... par drône. Un mode de livraison devenu essentiel avec le strict confinement mis en place dans ce pays. Des poches de sang sont directement livrées aux hopitaux rwandais grâce à la flotte de drônes déployée en 2016, mais aussi des antipaludéens, des traitements pour le cancer ou des vaccins. Forte de cette expérience, l'entreprise américaine s'est lancée l'an passé au Ghana où elle dessert 2 000 hôpitaux.
En Algérie, la start-up Brenco a développé une application mobile baptisée FahS ("ausculter" en arabe). Elle permet d'effectuer un auto-diagnostic et le suivi des cas.
Au même titre que les solutions numériques dans le domaine de l'e-santé, le développement des solutions numériques sans contact et sans utilisation matérielle d'argent ("cashless") est aussi une réponse adaptée à la pandémie.
"Les solutions de Mobile Money (paiement avec son téléphone portable, ndlr) ont été décisives dans l’adoption de gestes barrières. Les champions de cette solution en Afrique n’ont ainsi pas hésité à baisser leurs tarifs de transaction – voire à les supprimer complètement – pour contribuer à la lutte contre le coronavirus. C’est le cas d’Orange Money en Afrique de l’Ouest, du Kenyan M-Pesa ou encore de la solution de paiement lancée par l’Amazon africain, Jumia-Pay. D’autres acteurs tels qu’Intouch, que nous avons déjà cité, mettent à disposition des gouvernements leurs solutions de dématérialisation financière", analyse Samir Abdelkrim.
Et puis il y a ceux qui, forts de leur expérience dans le paiement dématérialisé, n'ont pas hésité à lancer leur propre application dédiée au Covid-19. C'est le cas de la plateforme de paiement WeCashUp qui témoigne de l'entraide transcontinentale.
Née à Douala, au Cameroun, en 2015, elle est aujourd'hui basée à Marseille, en France. Avec l'arrivée du coronavirus sur le continent africain, la start-up lance, il y a quelques semaines, l'application WeCareUp, une plateforme universelle de prise en charge des patients.
Elle permet aux centres hospitaliers d’organiser gratuitement les tests de dépistage massifs au Covid-19, de mieux prendre en charge les malades et d'optimiser le flux des patients. En une minute, grâce à un test rapide, le patient peut s'autodiagnostiquer (selon les critères de l'OMS et de l'Institut Pasteur) et être dirigé vers le centre hospitalier le plus proche.
"Aujourd’hui WeCareUp est utilisée en Algérie au centre hospitalier universitaire de Abdelhamid de Constantine et au CHU de Bejaïa, au Burkina Faso, au Cameroun. WeCareUp a également été adoptée par les gouvernements du Nigeria et du Niger. Nous avons échangé avec des médecins agréés et des professeurs en médecine dans ces différents pays, qui ont validé la solution qui vient en appui à leur équipe en front", détaille Cédric Atangana, co-fondateur de la start-up Infinity Space qui développe l'application.
Aujourd'hui elle est accessible aux patients et praticiens mais aussi aux ONG et aux gouvernements "qui ont accès à un tableau de bord leur permettant de visualiser grâce à une carte la situation géographique des zones à risque et de prendre des décisions efficaces et rapides", ajoute le jeune ingénieur camerounais.
Et des exemples d'entreprises du numérique innovantes comme celle-ci, l'Afrique en connaît des dizaines. Avec la crise du coronavirus, l'e-santé devrait d'ailleurs continuer à se populariser et se diversifier. Samir Abdelkrim en est persuadé : "Créativité, réactivité et adaptabilité forment l’ADN de la tech africaine", tout comme la jeunesse du continent qui sont des atouts majeurs.