Fil d'Ariane
Cette nouvelle obligation a créé une vive polémique. Les citoyens n'ont pas compris pourquoi les masques ont été facturés 200 francs CFA (3 centimes d'euros environ) en pharmacie, alors qu’ils étaient issus d’un don.
Les pharmaciens, qui avaient des masques en stock, achetés plus cher et avant la crise, les ont écoulés pour des montants supérieurs au prix fixé par les autorités (entre 400 et 1500 francs CFA, selon le type de masque). De quoi éveiller la suspicion et le mécontentement chez beaucoup de Béninois.
Ce jeudi 9 avril, à l’issue d’une réunion entre les pharmaciens et le ministre de la santé, Benjamin Hounkpatin, les autorités ont demandé aux pharmaciens de vendre tous les masques chirurgicaux dont ils disposent pour 200 francs CFA. Ils leur ont aussi interdit la vente de masques FFP2 et FFP3, réservés au personnel soignant.
Le gouvernement a aussi annoncé, par la voix du ministre de l'Économie et des Finances, Romuald Wadagni, avoir commandé 30 millions de masques, notamment à la Chine. Une commande arrive au compte-gouttes. La première partie devrait être distribuée aux plus démunis.
En attendant, la mesure est difficilement applicable et ce, même si une majorité des Béninois les porte, ou que certains le gardent avec eux, en main, dans les grands axes. Emmanuelle Sodji, notre correspondante sur place, a observé que dans les rues adjacentes de Cotonou, "ceux qui font la manche, sont près des mosquées, et représentent la frange la plus pauvre de la population, n'en portent pas".
En parallèle, nombreux sont ceux qui voient une opportunité de gagner de l'argent. "De l’atelier de couture de quartier, aux entreprises qui fabriquent les vêtements pour les classes les plus aisées", nous indique notre correspondante.
Problème : ces masques ne sont pas aux normes. Selon Emmanuelle Sodji, "les autorités devraient mettre leur nez dans cette fabrication de masques, mais nous ne sommes qu’au début et le port n’a été rendu obligatoire que depuis peu de temps. Les autorités vont sûrement faire le ménage".
Depuis ce mardi 7 avril, le port du masque est obligatoire. Contrairement au Bénin, le pays est en confinement - depuis le 20 mars dernier. Le but de l'obligation du port du masque est d'endiguer, encore un peu plus, l'épidémie, et de laisser les Marocains aller travailler afin que l'impact du virus sur l'économie du pays soit moindre.
L'annonce n'a pas provoqué de débat. Au contraire, selon Maud Ninauve, notre correspondante sur place, "tout le monde félicitait le pouvoir et disait "bravo" au Maroc, vu comme un pionnier".
En Afrique, le référentiel des Marocains reste la France. À l'heure où la communication gouvernementale française patine et que le masque est passé du statut d'objet dont les Français n'ont "pas besoin" (selon la porte-parole du gouvernement, Sibeth Ndiaye, le 25 mars) - excepté pour les gens déjà contaminés, à celui d'objet que l'on encourage à posséder, les Marocains ont pris les devants.
Mais comme au Bénin, cette annonce d'obligation de port du masque et la menace de sanctions qui en découlait (celui ou celle qui ne porte pas le masque s'expose à une peine de un à trois mois de prison et à une amende de 1 300 dirhams marocains soit 120 euros), ont provoqué des ruées dans les supermarchés et pharmacies.
Certains pharmaciens, notamment à Rabat, ont subi les invectives des gens, paniqués. Certains ont reproché aux pharmaciens de ne pas fournir la population et de vouloir vendre leurs masques plus cher.
Le pouvoir a annoncé que les épiceries, les pharmacies et certaines grandes surfaces seraient achalandées, mais aussi que les masques coûteraient environ 9-10 dirhams (environ 80-90 centimes d’euro). Selon notre correspondante sur place, cela a globalement été le cas, excepté dans les épiceries, où il était peu probable de se procurer ces masques, ces dernières n'ayant pas toutes reçu de stocks.
Face à cette panique, le pouvoir marocain a pris les choses en main. Contrairement au Bénin qui dispose de la main d'oeuvre mais manque de matières premières et de machines pour les transformer, les usines marocaines se sont mises à fabriquer des masques, sous la responsabilité des autorités. Le pouvoir revendique 7 millions de masques fabriqués quotidiennement. Chiffre qui devrait passer à 10 millions dès la semaine prochaine.
Le ministre de l’Industrie, du Commerce, de l’Économie et du Numérique, Moulay Hafid Elalamy, s'est même permis un trait d'humour, en marge de la visite d’une usine, sur le fait que le Maroc finirait par exporter les masques en France. Là encore, de quoi exalter la fierté des Marocains.
Avec ses 1 183 cas, dont le ministre de la Défense, Hamed Bakayoko, la Côte d’Ivoire essaie, elle aussi, de trouver des solutions face à la propagation du Covid-19. Le port du masque est devenu obligatoire sur tout le territoire national, mais plus particulièrement dans le Grand Abidjan, où les contrôles seront plus stricts, la capitale étant le principal foyer de contagion du pays.
1/2 Ce Lundi 06 Avril 2020, j’ai été déclaré positif au test du COVID-19 suite à un prélèvement effectué hier dimanche. Bien que ne présentant aucun signe de la maladie, le médecin a prescrit un confinement auquel je me suis immédiatement soumis.#StopCovid19Civ pic.twitter.com/21qM7xS30S
— Hamed Bakayoko (@HamedBakayoko1) April 6, 2020
Si l'accès aux masques n'est pas encore toujours aisé, le vrai problème concerne surtout leur prix, plus particulièrement dans les pharmacies. Notre correspondant sur place, Cléophas Mosala, rapporte que les masques peuvent coûter jusqu’à 1000 francs CFA, soit environ 1,52 euros. Dans une ville comme Abidjan, le salaire mensuel moyen est d'un peu plus de 152 euros.
À l'image du Bénin, la parade est de fabriquer ses propres masques, ou de les acheter dans la rue. Sommairement fabriqués, ils ne correspondent pas aux normes.
L’État a passé une commande de plus de 100 millions de masques à des pays asiatiques (le ou les pays n'ont pas été précisés, le montant de la commande non plus) et a en parallèle, lancé des programmes avec des structures locales, afin d'avoir une production "made in Côte d'Ivoire".
En attendant, même si le port du masque est obligatoire, les verbalisations ne devraient intervenir que dans un second temps, le pouvoir n'étant, pour le moment, pas en mesure de fournir toute sa population.