Coronavirus : l'économie camerounaise durement touchée par la pandémie

Dans une étude récente, portant sur un échantillon de plus de 250 entreprises, le GICAM, le Groupement inter-patronal du Cameroun, affirme que 96,6% des entreprises du pays sont impactées négativement par la crise du Covid-19. Des filières économiques entières comme celle de la tomate ou encore l’hôtellerie-restauration sont totalement en crise. Locomotive de la CEMAC - la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (qui regroupe le Congo, le Tchad, la RCA, le Gabon, la Guinée équatoriale et le Cameroun)-, l’économie camerounaise pourrait plonger l’ensemble de la région dans la crise. 
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Tomate Cameroun
Vente de tomates au Cameroun, l'une des filières les plus touchées par la crise du Covid-19
© D.R.
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Depuis plusieurs semaines, les marchés de Yaoundé, la capitale camerounaise, sont inondés de cageots de tomates  invendus. Certains acteurs de la filière ont même innové en sillonnant les rues de la ville avec des camionnettes et des vendeurs à la criée qui proposent leurs marchandises aux populations à des prix défiant toute concurrence.

Avec la crise sanitaire mondiale et la fermeture consécutive des frontières, cette filière est l’une des plus touchées actuellement dans le pays. En juillet dernier, les autorités camerounaises ont présenté des mesures de soutien en faveur de ce secteur qui compte 330 000 petits producteurs  et près de 600 000 emplois.
 

Une économie en crise

Alors que l’Organisation mondiale de la santé (OMS) se dit préoccupée par l’augmentation des contaminations en Afrique, c’est toute l’économie camerounaise qui est très durement impactée par l’épidémie de coronavirus. En juin dernier, à l’issue d’un conseil de cabinet, le ministre camerounais du Commerce, Luc Magloire Mbarga Atangana, a estimé que "le volume global des échanges commerciaux a reculé de 16% au cours du premier semestre 2020. Les exportations et importations quant à elles ont respectivement baissé de 14 et 16%".

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Célestin Tawamba, le président du GICAM, le Groupement inter-patronal du Cameroun.
© GICAM

Dans une étude consacrée aux répercussions de la crise sanitaire sur les entreprises camerounaises, le GICAM, le Groupement inter-patronal du Cameroun, estime qu' « en valeur absolue, la perte de chiffre d’affaires annuel pourra atteindre 3 139 milliards de FCFA (environ 4,77 milliards d’euros) par rapport à 2019 pour les entreprises du secteur moderne et induire une baisse de leur capacité contributive aux recettes de l’Etat de l’ordre de 521 milliards de FCFA (environ 791 millions d’euros). »

Sur les 250 entreprises interrogées par le GICAM entre avril et juin dernier, dont trois-quarts de PME et un quart de grandes entreprises, ce sont 96,6% d’entre elles qui se déclarent impactées négativement par la crise sanitaire. Et pour plus des deux-tiers de ces entreprises, la crise s’aggrave de jour en jour. Conséquence :  ce sont près de 53 346 salariés permanents qui ont été mis au chômage technique, soit 13,6% du total des employés permanents des entreprises modernes, et 13 834 autres qui ont été tout simplement licenciés du fait de la crise.
 

Le plan de relance du patronat camerounais

Indépendamment de la taille des entreprises, les branches les plus touchées sont les industries alimentaires, les services financiers, les assurances et l’hôtellerie-restauration. Dans un entretien accordé à notre confrère camerounais Mutations, Chantal Lewat, présidente du Syndicat patronal des industries de l’hôtellerie et du tourisme, a déclaré : "Nous avons perdu 100% de nos recettes. D’une manière ou d’une autre, tous les hôtels ont fermé. Le bilan est négatif. Les hôtels sont vides. Il n’y a pas de clients […] Les fermetures des hôtels vont suivre si rien n’est fait pour relever le secteur".

Chantal Lewat
Chantal Lewat, présidente du Syndicat patronal des industries de l'hôtellerie et du tourisme. 
© D.R.

Dès le mois d’avril dernier, les autorités camerounaises ont annoncé une série de mesures d’assouplissements des restrictions instaurées pour faire face à la crise sanitaire, ainsi qu’un dispositif de soutien aux unités économiques fragilisées et aux ménages. L’enquête du GICAM montre que 69% des entreprises ne sont pas satisfaites par ce plan. Longtemps "ignoré" par les autorités malgré des propositions concrètes de relance économique, Célestin Tawamba, le président du GICAM, a été reçu par le premier ministre camerounais Joseph Dion Ngute, qui a promis de se pencher sur le plan de relance du patronat.

Parmi les dix-huit mesures proposées par le GICAM dès le mois de mars dernier pour permettre aux entreprises de faire face aux conséquence de la pandémie du Covid-19, il y a notamment sur le plan fiscal et social : le report sans pénalités des déclarations statistiques et fiscales, le report du paiement des acomptes de l’impôt sur les sociétés ou encore le report du paiement de l’impôt sur le revenu des personnes physiques.
 

Risque d’une grave récession régionale


Le Cameroun, comme l’ensemble des pays de la CEMAC - la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale, qui regroupe le Congo, le Tchad, la RCA, le Gabon, la Guinée équatoriale et le Cameroun -, voit donc ses finances publiques mises à rude épreuve, alors même que le pays fait toujours face à une importante crise de la dette et à d’immenses défis sécuritaires au nord et dans les régions anglophones.  

(Re)voir : "Afrique centrale : confinement, couvre-feu, quelle stratégie face à la pandémie de Covid-19 ?"

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Avec près de 25 millions d’habitants, l’économie camerounaise est la plus diversifiée de la région. Une économie qui représente 40% du PIB de la CEMAC, mais qui reste aujourd’hui encore très dépendante des hydrocarbures et des produits agricoles tels que le café, le cacao, le coton, l’huile de palme ou encore le bois. D’ailleurs, c’est l’ensemble du secteur privé de la CEMAC qui est durement affecté par la pandémie de coronavirus. Au cours d’une réunion par visioconférence qui s’est tenue le 14 juillet dernier, les responsables des organisations patronales des pays de la CEMAC ont demandé au président de la Commission de relancer l’économie de la sous-région en accordant la priorité au secteur productif. 

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Photo de famille des chefs d'Etat et de gouvernement de la CEMAC à l'issue du sommet du 31 octobre 2017, à N'Djamena, au Tchad. 
© CEMAC

Les organisations patronales ont tiré la sonnette d’alarme concernant l’inefficacité des mesures de soutien aux entreprises adoptées par les gouvernements, l’accroissement du taux de licenciements et de mise en chômage technique ou encore la recrudescence du nombre de faillites des entreprises. Et pour éviter que cette récession ne s’aggrave davantage, elles ont fait un ensemble de propositions dont l’une d’elles concerne notamment le soutien au secteur informel, sans doute le plus fragile et le plus touché par les conséquences de la pandémie du Covid-19.

« Nous devons accentuer nos stratégies de relance sur les entreprises car in fine, c’est vous qui êtes à l’origine de la création de richesses et des emplois », avait alors lancé le Gabonais Daniel Ona Ondo, président de la Commission de la CEMAC. Ce dernier avait conclu en promettant de transmettre l’ensemble de ces propositions aux décideurs, afin d’alimenter la réflexion sur le plan de relance régional. Ce plan était l’un des principaux points à l’ordre du jour de la visioconférence du comité de pilotage du programme des réformes économiques et financières de la CEMAC qui s’est tenue ce lundi 3 août.

Dès le mois de mars dernier, la Commission de la CEMAC rappelait que "si les pays de la CEMAC ne luttent pas efficacement contre la pandémie du Covid-19, pour en limiter les conséquences économiques et financières, la situation macro-économique deviendrait insoutenable". Outre la mise en œuvre du plan de riposte communautaire adopté à Douala ce mois-là, la Commission de la CEMAC recommandait notamment la réallocation des dépenses publiques non prioritaires vers le renforcement des systèmes de santé, la facilitation des échanges intracommunautaires, dans le respect des contrôles sanitaires aux frontières et sur les corridors routiers.