Coronavirus : les États africains n’ont pas tous les mêmes moyens pour faire face

Face au risque d'épidémie du coronavirus, le centre africain de prévention et de lutte contre les maladies (CDC), organisation émanant de l’Union Africaine, s’est réuni le 28 janvier à Addis Abeba. Ils vont mettre en place un centre opérationnel d’urgence afin de mutualiser les moyens pour répondre au risque sanitaire.
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Mesures de préventions à l'aéroport
Sénégal : à l'aéroport Blaise Diagne de Dakar, mise en place de caméras thermiques. 28/01/2020 (capture d'écran TV5MONDE)
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Pour son directeur, l’éminent microbiologiste camerounais le Dr John Nkengasong, il n’y a pas de cas avérés de porteurs de virus en Afrique, mais il est fort possible qu’ils n’aient pas encore été détectés.

Le directeur du centre africain de prévention et de lutte contre les maladies (CDC) explique lors de ce point presse mardi que le virus se propage très rapidement et évolue aussi très rapidement. Mais le fait que le virus ait émergé en Chine leur donne un temps, certes limité, pour réagir et se préparer. Il concède que «nous ne sommes pas préparés d’une façon optimale, mais nous le faisons le plus rapidement possible en nous coordonnant avec l’Organisation Mondiale de la Santé. »

Les capacités de surveillance sont très variables aussi selon les États du continent. Les moyens ne sont pas les mêmes face aux risques de contagion : «il y a des kits de diagnostic mais ils ne sont pas disponibles partout dans le monde», explique le Dr John Nkengasong.

Des enseignements tirés de l'épidémie d'Ebola

Comme pour le virus Ebola, le CDC  veut renforcer la coopération entre les pays et la création de réseaux régionaux. C’est déjà le cas en Afrique centrale : « S’il y a par exemple un cas suspect au Burundi, ils peuvent appeler le laboratoire au Gabon ou celui du professeur Muyembe en RDC et ils aideront, c’est tout l’intérêt d’un réseau régional.» 
Le continent est déjà en alerte avec l’épidémie d’Ebola qui sévit dans l’est de la RDC. Il s’agit donc d’élever le niveau. (Pour mémoire, le virus Ebola a fait 2237 victimes en RDC en 2019)

Deux cas suspects

Deux pays seulement ont alerté sur la présence de cas suspects. La Côte d’Ivoire a repéré une personne à risque à l’aéroport d‘Abidjan. Il s’agit d’une étudiante ivoirienne de 34 ans qui vit en Chine depuis cinq ans. Partie de Pékin, elle a fait escale à Istanbul et Cotonou avant d’arriver à Abidjan dans la nuit de samedi 25 à dimanche 26 janvier. Elle avait prévenu sa famille de son état grippal avant son départ. Ce sont les caméras thermiques installées depuis le début de l’épidémie d’Ebola à l’aéroport qui l’ont détectée. Elle a immédiatement été transportée dans une « cellule de pandémie » dans l’enceinte de l’aéroport. Des analyses sont en cours et les résultats sont attendus ce mercredi 29 janvier.

Un autre cas a été détecté au Kenya. La ministre de la Santé, Sicily Kariuki a annoncé qu’un étudiant arrivé mardi depuis Wuhan via Guangzhou et Bangkok souffrait d’une forte fièvre. Il a immédiatement été transféré à l’hôpital national Kenyatta de Nairobi où il a été isolé.

Aucune déclaration n’a été faite par le ministère de la Santé béninois, alors que l’étudiante ivoirienne, peut-être porteuse du virus, a fait escale à Cotonou. Le ministère de la Santé n’a publié aucun communiqué pourtant le pays à de nombreuses relations d’affaires avec la Chine. 

Rapatriement des étudiants

Au Maroc, le roi Mohamed VI a ordonné lundi le rapatriement d’une centaine de ressortissants, en majorité des étudiants, bloqués à Wuhan.

Une mesure prise également par l’Algérie : le président Tebboune a ordonné ce mardi «le rapatriement immédiat» des 36 ressortissants algériens - la plus part sont des étudiants - installés à Wuhan.

Le Botswana s'inquiète également. Dans un communiqué, le ministère des Affaires étrangères a déclaré que sur 33 étudiants inscrits actuellement dans divers établissements universitaires de la ville de Wuhan, 21 ont été identifiés et 12 d’entre eux ont réussi à quitter la zone touchée avant le verrouillage officiel.
 
Le nombre d’étudiants africains en Chine augmente
La Chine est la deuxième destination choisie par les jeunes Africains après la France, un étudiant étranger sur 10 vient d’Afrique et la majorité vient du Ghana avec 6500 étudiants partis en 2019.
Le nombre d'étudiants africains résidant en Chine était de 80 000 en 2018 selon des chiffres fournis par le ministère de l’éducation chinois, un chiffre destiné à augmenter, car le gouvernement chinois a décidé d'accorder 50 000 bourses universitaires au continent africain jusqu'en 2021. 

Sécuriser les portes d'entrée dans le pays

En Tunisie, le ministère de la santé a fait une conférence de presse mardi annonçant un plan national. Des caméras thermiques ont été installées à l'aéroport de Tunis et des chambres d’isolement sont prévues pour y placer les cas suspects.

Au Burkina Faso un dispositif sanitaire similaire a été mis en place à l’aéroport de Ougadougou.

Le Sénégal a pris des mesures de protection et installé un dispositif de détection à l’aéroport de Dakar comme nous l’explique William de Lesseux, notre correspondant sur place.
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Le Sénégal prend des mesures pour empêcher la propagation du coronavirus. La correspondance de William de Lesseux à l'aéroport Blaise Diagne de Dakar 28/01/2020

Au Togo, le ministre de la Santé « invite la population à la sérénité mais à une vigilance plus accrue ». Une liste des mesures d’hygiène à adopter a été distribuée ce mardi.

Madagascar a mis en place une veille sanitaire depuis le 7 janvier. Les voyageurs sont contrôlés avant leur sortie de l'avion ou du bateau.

La République Centrafriquaine utilise les mêmes mesures de contrôle des voyageurs (prise de température et désinfection des mains) que pour le virus Ebola. Selon le ministre de la Santé Pierre Somsé ces mesures vont être renforcées en particulier pour les voyageurs en provenance de Chine.

Le Mozambique a pris des mesures plus radicales. Le gouvernement a décidé de ne plus délivrer de visas aux Chinois désirant se rendre dans le pays, même chose pour les Mozambicains voulant aller en Chine. 

Selon l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) les pays les plus menacés sont ceux qui ont le plus d’échanges avec la Chine soit l’Ethiopie, le Kenya et l’Afrique du Sud.

Un frein pour les échanges économiques

L’Ethiopie attend justement les chefs d’États africains les 9 et 10 février à Addis-Abeba pour le sommet annuel de l’Union africaine. Un dispositif de dépistage a été mis en place à l’aéroport international de Bole.

Re(voir) : Coronavirus, des vols vers la Chine suspendus

Ethiopian airlines assure 6 vols directs par jour vers la Chine (Shanghaï, Canton et Pékin), dessert Chengdu trois fois par semaine et assure également une liaison quotidienne avec Hong Kong. Le directeur de la compagnie aérienne, Asrat Begashaw, avait annoncé en juillet 2019 qu’il visait 50 liaisons hebdomadaires d’ici la fin 2020.  L'arrivée du coronavirus risque très certainement de ralentir le développement commercial de la compagnie.