Fil d'Ariane
Le ministère de la Justice sud-africain a appris "avec stupeur et consternation" que la demande d'extradition concernant Atul et Rajesh Gupta avait été rejetée par les Émirats Arabes Unis. Les deux frères d'origine indienne sont au cœur d'un vaste scandale de corruption d'État impliquant l'ex-président Jacob Zuma.
Les deux Gupta, ainsi qu'un troisième frère Ajay, d'origine indienne et redoutable trio d'hommes d'affaires, sont accusés d'avoir pillé les caisses de l'État, avec la complicité de Jacob Zuma, pendant ses neuf ans au pouvoir (2009-2018).
L'Afrique du Sud tente de mettre la main sur la richissime et influente famille depuis des années. Un rapport explosif avait dévoilé fin 2016 l'ampleur de ce qui a été baptisé dans le pays de "capture d'État".
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Le sulfureux trio est accusé d'avoir infiltré le sommet de l'État, profitant d'une longue amitié avec Jacob Zuma qu'ils ont acheté à coups de pots-de-vin tout au long de ses deux mandats (2009-2018). Ils auraient méthodiquement siphonné les caisses du pays, pillé les entreprises publiques et étendu leur emprise jusqu'à influencer le choix des ministres.
En 1994, ils créent Sahara Computers, entreprise informatique qui a employé jusqu'à 10.000 personnes, avant sa liquidation en 2018. Ils possédaient aussi des parts dans plusieurs mines, notamment d'uranium, et des médias progouvernementaux qui ont depuis disparu.
Tony (surnom de Rajesh Gupta) m'a dit un jour (...): Nous sommes ceux qui vous ont mis en place, nous pouvons vous en faire partir
Zola Tsotsi, ex-haut responsable du géant public de l'électricité Eskom
Leur luxueuse propriété de Johannesburg a été le théâtre de nombreuses fêtes et conciliabules avec des hommes politiques, révélées par la presse et lors des auditions de la commission d'enquête sur la corruption présidée depuis 2018 par le juge Raymond Zondo.
Jacob Zuma ne s'est jamais caché de son amitié avec la famille, qu'il a rencontrée au début des années 2000 avant son accession à la magistrature suprême, en 2009.
Dans un rapport publié en juin 2022, Jacob Zuma est décrit comme le "pantin" de la fratrie, prêt "à faire tout ce que les Gupta voulaient".
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Un des fils du président, Duduzane Zuma, a dirigé Sahara Computers et siégeait au conseil d'administration de plusieurs mines du groupe.
En 2016, le vice-ministre des Finances Mcebisi Jonas a affirmé que les Gupta lui avaient proposé le portefeuille du Trésor.
Et le ministre des Finances de l'époque, Pravin Gordhan, a dévoilé plus de 70 transactions considérées comme "suspectes" d'entreprises détenues par les Gupta, pour un montant de 461 millions d'euros. Il sera limogé en mars 2017.
Un ancien haut responsable du géant public de l'électricité Eskom, Zola Tsotsi, a décrit devant une commission d'enquête parlementaire le pouvoir de la fratrie. "Tony (surnom de Rajesh Gupta) m'a dit un jour (...): Nous sommes ceux qui vous ont mis en place, nous pouvons vous en faire partir".
Les raisons invoquées pour le rejet de notre requête sont inexplicables et vont à l'encontre des assurances données par les autorités des Émirats selon lesquelles notre requête était compatible avec leurs exigences
Ronald Lamola, ministre sud-africain de la Justice
Toutefois, selon des informations de presse publiées cette semaine, les deux frères auraient été aperçus en Suisse fin mars.