Fil d'Ariane
"Nous avons décidé d'augmenter le prix de 825 à 1.000 francs CFA", a déclaré le président Alassane Ouattara à Yamoussoukro, la capitale politique ivoirienne, à l'ouverture des Journées nationales du cacao et du chocolat. A la manifestation annuelle, qui ouvre la saison de la récolte, les planteurs présents ont acclamé le chef de l'Etat.
Avec ce montant de 1.000 francs CFA (1,52 euro) par kilo pour la récolte 2020-2021, le prix du cacao "bord champ", payé aux planteurs, fixé chaque année par le gouvernement, est en hausse de 21% par rapport à la saison précédente.
(Re)voir : En Côte d'Ivoire, les producteurs de cacao s'inquiètent du déroulement des prochaines élections
Cette augmentation correspond au "différentiel de revenu décent" (DRD), la prime de 400 dollars par tonne (soit 224 FCFA par kilo) négociée avec les multinationales du cacao et du chocolat pour améliorer les revenus des planteurs à partir de cette saison, note un expert du secteur. "C'est nécessaire mais pas suffisant pour que les planteurs vivent décemment", explique-t-il.
"C'est juste pour vivre. On aurait voulu 1.200 FCFA" a commenté un planteur, N'Dri Kouao. "C'est un progrès, mais ce n'est pas suffisant pour vivre. Il faudrait 1.400 ou 1.500 FCFA pour s'en sortir", a abondé le président du Syndicat national agricole pour le progrès en Côte d'Ivoire, Moussa Koné.
Ce prix de 1.000 FCFA par kilo pour la Côte d'Ivoire, qui produit plus de 40% du cacao mondial, est équivalent à celui annoncé la semaine dernière par le Ghana voisin, qui en produit environ 20%. Depuis l'an dernier, les deux pays d'Afrique de l'Ouest se concertent pour tenter de faire monter le prix de l'"or brun" sur les marchés mondiaux.
"Notre stratégie commune permet aujourd'hui de mieux défendre les intérêts de nos producteurs au niveau international", a estimé le président Alassane Ouattara.
"Si le Ghana et la Côte d'Ivoire restent ensemble, le DRD existera toujours", a déclaré Joseph Boahen Aidoo, directeur du Cocobod, l'organisme étatique qui gère la filière cacao au Ghana.
Ce montant de 1.000 FCFA est un retour au prix de 2015, lors de la dernière présidentielle. Il avait atteint le prix record de 1.100 FCFA en 2016, année de référendum constitutionnel. Les prix avaient ensuite été tirés à la baisse par l'effondrement du cours mondial.
Cette forte hausse du prix du cacao survient à un mois de l'élection présidentielle du 31 octobre, dans un contexte politique tendu. Des violences pré-électorales ont déjà fait une quinzaine de morts en août, et l'opposition a appelé la population à la "désobéissance civile".
A lire : Côte d'Ivoire, manifestations à Abidjan et Daoukro, fief de l'ex-chef d'État Henri Konan Bédié
(Re)voir : Côte d'Ivoire, Henri Konan Bédié lance un appel à la "désobéissance civile"
La cérémonie de Yamoussoukro a quasiment été transformée en réunion politique pour le candidat Alassane Ouattara, qui brigue un troisième mandat, en dépit de la Constitution ivoirienne.
"Allez partout dans vos villages pour annoncer la bonne nouvelle de la candidature du président Ouattara". "Le président a fait beaucoup pour vous, en retour vous avez envers lui un devoir de reconnaissance", a déclaré le ministre de l'Agriculture Kobenan Kouassi Adjoumani, suscitant des réactions mitigées dans l'assistance, applaudissements comme rires.
"Vous pouvez compter sur moi", a lancé Alassane Ouattara aux planteurs, assurant que le prix de 1.000 FCFA correspondait à un soutien de 355 milliards FCFA (541 millions d'euros) de l'Etat en leur faveur.
A lire : Alassane Ouattara, le presque parfait
La récolte de cacao 2020-2021 devrait rester au même niveau élevé que l'an dernier, avec 2,1 millions de tonnes, selon les prévisions de l'Organisation internationale du cacao, si des troubles politiques ne la perturbent pas. La consommation mondiale de cacao a en revanche été affectée par la crise du coronavirus, tirant les prix des marchés à la baisse.
Le cacao est stratégique en Côte d'Ivoire: il représente 10% à 15% du PIB, près de 40% des recettes d'exportation et fait vivre cinq à six millions de personnes, soit un cinquième de la population, selon la Banque Mondiale.
(Re)voir : Côte d'Ivoire : cacao, le nouveau charbon ?