Côte d’Ivoire : après les violences électorales de 2020, des opposants "toujours poursuivis"
En Côte d'Ivoire, plusieurs poids lourds de l'opposition sont "toujours poursuivis", dans le cadre des violences meurtrières qui avaient émaillé l'élection présidentielle de 2020, a annoncé le procureur d'Abidjan le 26 décembre. Cette annonce intervient alors que le climat politique se décrispe pourtant dans le pays.
Des policiers marchant à proximité d'une barricade en feu lors d'une manifestation, le 3 novembre 2020 à Abidjan en Côte d'Ivoire. Les forces de sécurité avaient bloqué l'accès à la maison de l'ancien président Henri Konan Bédié.
Leo Correa/AP
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En 2020, l'élection présidentielle en Côte d'Ivoire avait été ébranéle par des violences meurtrières. Le procureur d'Abidjan a annoncé le 26 décembre 2021 que plusieurs membres de l'opposition étaient "toujours poursuivis" dans le cadre de ces violences.
Après six mois d'enquête d'une unité de police et gendarmerie dédiée, le procureur Richard Adou a expliqué que 233 personnes "impliquées à divers degrés" ont été interpellées et 40 sont toujours "activement recherchées".
Toutes les personnes qui ont de près ou de loin participé à ces faits, demeurent poursuivies, même en liberté. Richard Adou, procureur d'Abidjan
La plupart des interpellés remis en liberté
Une grande majorité des personnes interpellées ont toutefois été remises en liberté sous contrôle judiciaire, à l'image du leader du Front populaire ivoirien (FPI), Pascal Affi N'Guessan ou le numéro deux du Parti démocratique de Côte d'Ivoire (PDCI), Maurice Kakou Guikahué qui ont passé plusieurs semaines en prison fin 2020.
"Toutes les personnes qui ont de près ou de loin participé à ces faits, demeurent poursuivies, même en liberté", a toutefois martelé le procureur Richard Adou, indiquant qu'il revenait désormais aux juges d'instruction de décider s'ils doivent être jugés ou non. Le procureur a longuement égrené les divers crimes liés aux violences électorales autour de la présidentielle de 2020 qui ont fait 85 morts et 500 blessés.
Plusieurs leaders d'opposition avaient appelé au boycott du scrutin et à la désobéissance civile, estimant que le troisième mandat du président Ouattara était "anticonstitutionnel". De nombreuses manifestations qui ont parfois dégénéré en affrontements intercommunautaires, avaient eu lieu entre août et novembre 2020.
Des poursuites contre l'ancien chef d'État ?
Le 26 décembre, M. Adou n'a pas exclu que des poursuites puissent être engagées contre l'ancien chef de l'État et leader du PDCI, Henri Konan Bédié. "Nous attendons que les juges d'instruction finissent leur information judiciaire. Tous ceux qui de près ou de loin auront incité, instrumentalisé, armé, financé vont répondre de leurs actes", a-t-il affirmé, rappelant que l'ex-président était "justiciable comme tout individu".
"Les investigations ont démontré qu'il finançait plusieurs opérations subversives", note le rapport de l'unité d'enquête au sujet de M. Bédié. Ces déclarations interviennent alors que le climat politique est plutôt à la décrispation depuis quelques mois en Côte d'Ivoire. Le dialogue entre les partis d'opposition et la majorité a repris le 16 décembre, et Alassane Ouattara a rencontré M. Bédié en fin d'année dernière puis M. Affi N'Guessan, il y a deux mois.
Il avait également reçu en juillet l'ancien président Laurent Gbabgo, dont plusieurs proches sont cités comme "commanditaires et financiers" des évènements autour de l'élection de 2020, par le rapport de l'unité d'enquête. Laurent Gbagbo était quant à lui absent de Côte d'Ivoire lors des élections de 2020. Il est rentré à Abidjan en juin 2021, après avoir été acquitté par la justice internationale, de crimes contre l'humanité lors de la crise post-électorale de 2010-2011.