TV5 JWPlayer Field
Chargement du lecteur...
©TV5MONDE / Reportage : C. Mosala & C. Bolonga - Commentaire : K.G. Barzegar - Montage : L. Bellon
Partager

Côte d'Ivoire : comment réinsérer les gangs de jeunes surnommés les 'microbes' ?

Ils vivent dans la rue dans certains quartiers défavorisés d'Abidjan et sèment la terreur parmi les habitants. Des adolescents et jeunes adultes, armés et violents, membres de gangs criminels, surnommés les "microbes". Pour les sortir de la rue et les réinsérer dans la société, la communauté et le gouvernement se mobilisent.
Pendant longtemps, Cissé a été ce qu'on appelle un "microbe". Un jeune délinquant, à la tête d'une bande criminelle composée d'enfants et d'adolescents. Son job: attaquer les gens du quartier pour les détrousser, la nuit tombée...
 
Je m'habille, je prends mon couteau et je sors et je prends la rue en compte. Je sors brusquement devant lui (ndlr: le passant pris pour cible), je lui présente mon arme et je lui demande tout.Cissé, ex-membre d'un gang de jeunes délinquants
Tout y passe : argent, sac, téléphone portable. Et pour se donner du courage pour commettre ses agressions,  Cissé avait besoin d'"aide" comme il dit, c'est-à-dire de "fumer du cannabis" et "prendre des comprimés"... A 21 ans, après sept ans passés dans la rue, le jeune homme a finalement raccroché.

Aujourd'hui, il fait partie du comité de surveillance du quartier à Abobo et regrette d'avoir agressé et blessé des innocents. Une reconversion toujours en cours, aidée par Oumar. Membre du bureau du comité, ce dernier connaît très bien les méthodes des "microbes" et leur quartier général. 
 
Ce trou-là, c'est un parc d'attraction pour les jeunes gens qui se trouve au bord de ce trou-là , c'est un lieu aussi de cachette pour ces petits voyous qui agressent depuis là-haut qui vendent de la drogue ou bien qui font des palabres, des machettes. Lorsqu'ils sont poursuivis par la police, il se retrouvent dans ce trou-là , la police ne viendra jamais ici, elle ne descendra jamais dans ce trou.Oumar, membre du bureau du Comité de surveillance du quartier
Le "trou", c'est une niche de pauvreté extrême, désertée par l'Etat... Sans emploi et sans avenir, dans ces quartiers, les jeunes sombrent dans la délinquance: vol à la tire ou revente de drogues dans des lieux appelés "fumoirs".  Des fumoirs, il en existe encore beaucoup à Abobo. Le cannabis et les comprimés y sont vendues à 400 Francs CFA et 500 francs CFA (60 centimes et 75 centimes d'euros) par dose.

Selon les jeunes rencontrés sur place, c'est le manque de travail qui les poussent à vendre des substances illicites. Mais s'ils reconnaissent faire de trafic, les revendeurs de drogue se défendent de faire partie des gangs de "microbes" et assurent même jouer les gendarmes pour les empêcher de sévir.
 
On ne vole pas. Ce qu'on fait ici, voilà ça, on vend de la drogue. On ne vole pas. On surveille le quartier aussi souvent la nuit. Tous les petits voleurs là, nous, on les attrape. C'est un peu nous les grands frères du quartier.Un vendeur de drogue dans un "fumoir"
Ces six derniers mois, le gouvernement a lancé un programme pilote pour la réinsertion sociale des jeunes "microbes" : près de 700 jeunes venus d'Abobo, d'Anyama, d'Attécoubé et d'Adjamé, les communes les plus insécurisées d'Abidjan, ont passé six mois dans le centre militaire de Mbahiarkro, à 450km de la capitale économique de la Côte d'Ivoire.

Sur place, ils ont bénéficié d'une cure de désintoxication, et ont été formés à un métier manuel, comme réparateur de téléphones portables par exemple. Les efforts conjugués du gouvernement, le renforcement de la sécurité, et la sensibilisation des communautés, notamment des parents, ont amélioré l'indice sécuritaire. Un effort de réinsertion insuffisant toutefois pour démanteler les gangs pour de bon.

Le comité de surveillance des quartiers et la mairie d'Abobo jugent les actions entreprises en partie inefficaces sur le long terme, tant que les "fumoirs" ne disparaîtront pas des communes.
 
Le phénomène de la drogue, tant que ce phénomène-là persistera, il y aura toujours ce relent au niveau des jeunes de pouvoir se droguer et d'avoir des pratiques vraiment néfastes.Bamba Amara, directeur de cabinet du maire d'Abobo
Pour les autorités, la drogue fait partie inhérente du problème de gangs et de l'insécurité ambiante, tout comme le système éducatif déficient, à l'école comme à la maison. "Nous avons constaté que les parents ne sont pas suffisamment responsables, parce que on a tendance à comprendre ici qu'un enfant qui vole un iPhone 10 ou 8 et qui arrive à la maison est qualifié d'enfant béni, tu vois vraiment c'est déplorable", ajoute Bamba Amara.

La pauvreté, la consommation de drogues et l'irresponsabilité des parents sont citées parmi les principales causes de la délinquance de ces enfants et adolescents, âgés de 8 à 18 ans, qui sévissent de plus en plus en groupe.