Fil d'Ariane
L'ancien premier ministre ivoirien Charles Konan Banny est décédé vendredi 10 septembre de complications pulmonaires et respiratoires liées au Covid-19, à Paris, où il avait récemment été évacué et hospitalisé, a-t-on appris auprès de ses proches.
Atteint du coronavirus à Abidjan, il avait été transféré la semaine dernière à l'hôpital américain de Neuilly où il est décédé vendredi, à 78 ans.
"Il a changé ma perception de la politique ivoirienne et de certains de ses acteurs", a rapidement réagi Guillaume Soro, un autre ancien premier ministre, aujourd'hui en exil.
Né le 11 novembre 1942 à Divo (sud), ce fils de planteur baoulé (un des plus importants groupes ethniques du pays) est diplômé de la prestigieuse Ecole supérieure des sciences économiques et commerciales (Essec) de Paris.
Après avoir travaillé dans la gestion d'Etat de la filière cacao en Côte d'Ivoire, premier exportateur mondial, il intègre en 1976 la Banque centrale des Etats de l'Afrique de l'Ouest (BCEAO) à son siège de Dakar, où il gravit tous les échelons.
Gouverneur par intérim de cette institution (1990-1993), il est confirmé dans ses fonctions le 1er janvier 1994, trois semaines avant la dévaluation du franc CFA, qui jouera un grand rôle dans son image d'"homme de la France". Il y restera jusqu'à son arrivée en 2005 à la "Primature" ivoirienne.
Cadre du Parti démocratique de Côte d'Ivoire (PDCI), Charles Konan Banny, connu pour son caractère "soupe au lait", avait été imposé comme premier ministre à Laurent Gbagbo par la communauté internationale en décembre 2005, un poste qu'il a occupé jusqu'en avril 2007.
Originaire de Yamoussoukro, ville natale de Félix Houphouët-Boigny, père de la nation ivoirienne et fondateur de son parti le PDCI, M. Konan Banny s'était lancé en 2015 dans la course à la présidentielle contre Alassane Ouattara mais avait finalement jeté l'éponge.
Au coeur de la crise ivoirienne quand il fut premier ministre de 2005 à 2007, Charles Konan Banny avait de nouveau été appelé en 2011 pour jouer les pacificateurs et tenter de réconcilier un pays profondément divisé.
En 2011, après la crise post-électorale qui a fait 3.000 morts, il a été nommé à la présidence de la Commission Dialogue, Vérité et Réconciliation (CDVR), un poste stratégique après la sanglante crise de 2010-2011 .
Entendre victimes et bourreaux de tous bords, diagnostiquer et guérir les maux ivoiriens, réconcilier pro-Ouattara et partisans du président déchu Laurent Gbagbo: "CKB", en héritier autoproclamé du premier chef d'Etat Félix Houphouët-Boigny - avec lequel il avait des liens familiaux -, avait obtenu des résultats contrastés.
Malgré des témoignages poignants et l'audition de 72.000 victimes, la CDVR a eu un très faible écho dans la population et n'avait pas suscité la "catharsis" espérée en Côte d'Ivoire.
Baron de l'ex-parti unique, le Parti démocratique de Côte d'Ivoire (PDCI), il a changé d'alliances au gré de sa carrière politique, d'abord en soutenant Alassane Ouattara en 2010 puis en se présentant contre lui en 2015, à la tête d'une coalition d'opposition.
Il s'était finalement retiré à la dernière minute, affirmant refuser de participer à une "mascarade électorale".
Figure de premier plan de la politique ivoirienne dans les années 2000, il avait été imposé en 2005 par la communauté internationale comme premier ministre de Laurent Gbagbo.
Il avait finalement choisi de constituer un véritable tandem avec le président qui ne lui cédera aucun pouvoir et annulera certaines de ses décisions. Il quittera son poste un peu plus d'un an après avoir été nommé, en avril 2007.