Fil d'Ariane
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Bientôt. Laurent Gbagbo ne donne aucune date mais il le promet : "je serai bientôt avec vous". Il y a une semaine, son parti promettait un retour en Côte d'Ivoire pour la mi-mars, annonçant du même coup la création d'un "Comité national d'accueil", chargé d'organiser le retour de l'ancien président dans les meilleures conditions. Une initiative saluée dans son message par celui qui a dirigé la Côte d'Ivoire pendant toute la décennie 2000.
Voilà un scénario bien ficelé dont la seule véritable inconnue reste la date. Une certitude, la Cour pénale internationale a jusqu'au 31 mars prochain pour décider d'un éventuel procès en appel réclamé par la procureure Fatou Bensouda.
Si l'annonce d'un retour n'a, en soi, rien d'une surprise, l'intérêt réside surtout dans le moment choisi.
Ainsi, en conclusion de court message et après avoir évoqué la réconciliation et rendu hommage à ceux "dont (il sait) les souffrance endurées en (son) nom", Laurent Gbagbo conclut en évoquant l'actualité brûlante de la Côte d'Ivoire : "A l’occasion des élections législatives du 6 Mars 2021, j’exhorte tous nos concitoyens à porter massivement leurs suffrages sur nos candidats (EDS) dans les circonscriptions électorales où nous sommes soit seuls, soit en alliance avec le PDCI-RDA".
"Après dix longues années d’absence du pays et suite à mon acquittement par la Cour Pénale Internationale, je serai bientôt avec vous. Je sais les souffrances que vous avez endurées en mon nom et au nom du peuple de Côte d’Ivoire.
C’est pourquoi, je voudrais rendre hommage à toutes les victimes, à tous ceux et toutes celles qui ont perdu la vie dans la lutte pour la démocratie dans notre pays.
Je ne saurais passer sous silence la mort tragique du jeune N’GUESSAN Koffi Toussaint, décapité à Daoukro à l’occasion des manifestations contre le 3è mandat. Je pense également à tous ces prisonniers politiques militaires et civils, en particulier aux jeunes dont le Secrétaire Général adjoint KOUA Justin, porte- parole du Parti.
Avec mon retour, je compte prendre ma place dans le processus de réconciliation nationale et contribuer au rétablissement des liens de fraternité, de convivialité et de solidarité qui ont toujours caractérisé notre peuple. A cet égard, je me réjouis de la mise en place d’un comité national chargé de mon accueil à l’initiative de mon Parti.
J’exprime toute ma gratitude aux éminentes personnalités qui ont bien voulu accepter de siéger dans ce comité. C’est un élan de solidarité qui s’inscrit dans la droite ligne de notre quête permanente pour plus de démocratie, de liberté et de progrès dans notre pays.
Dans cette perspective et à l’occasion des élections législatives du 6 Mars 2021, j’exhorte tous nos concitoyens à porter massivement leurs suffrages sur nos candidats (EDS) dans les circonscriptions électorales où nous sommes soit seuls, soit en alliance avec le PDCI-RDA.
A très bientôt".
En octobre 2020 déjà, à quelques jours de l'élection présidentielle, Laurent Gbagbo, 75 ans, réaparaissait dans le débat de manière fracassante en accordant un long entretien à TV5MONDE, depuis Bruxelles où il réside depuis son aquittement par la Cour pénale internationale en 2019 après huit années de détention et de procès.
Les élections législatives du 6 mars marquent une étape importante dans le retour de l'ancien président sur le terrain politique ivoirien. La branche du Front populaire ivoirien (FPI) qui lui est restée fidèle présente des candidats pour la première fois depuis la chute de Gbagbo en 2011. Le FPI était jusque-là représenté par une branche emmenée par l'ancien Premier ministre Pascal Affi N'Guessan accusé par les gbagbistes de rouler pour Alassane Ouattara.
Les pro-Gbagbo seront donc présents sous la bannière d'une coalition de partis baptisée Ensemble pour la démocratie et la souveraineté (EDS). Ce groupement a signé une alliance électorale avec le plus grand parti d'opposition, le Parti démocratique de Côte d'Ivoire (PDCI), de l'ancien président Henri Konan Bédié. Celui-là même qui, aux dernières législatives en 2016, était allié au Rassemblement des Républicains (RDR) d'Alassane Ouattara sous une bannière RHDP. Cette alliance avait obtenu la majorité absolue avec 167 sièges sur 255 avant de voler en éclat. Ouattara et Bédié, ennemis d'hier devenus alliés, étaient alors redevenus ennemis avant que Bédié et Gbagbo, également ennemis d'hier, ne s'allient aujourd'hui contre Ouattara. "Nous n'avons pas la même idéologie, concède à l'AFP un haut-responsable du PDCI, mais qu'on le veuille ou non, Gbagbo a une aura populaire".
Officiellement, derrière ce pragmatisme électorale, les deux anciens présidents de la Côte d'Ivoire expliquent vouloir conquérir la majorité au Parlement pour "éviter la consolidation d'un pouvoir absolu dans (leur) pays (...) et réconcilier les Ivoiriens".
La présidentielle de 2020 et les violences qui l'ont accompagnée ont laissé des traces. Les 87 morts et 500 blessés sont venus s'ajouter aux 3000 morts de la crise post-électorale de 2011. Après de longues semaines de crispation fin 2020, Alassane Ouattara et Henri Konan Bédié ont renoué le dialogue. Le pouvoir a concédé quelques gestes d'apaisement, comme la libération d'opposants arrêtés après la présidentielle du 31 octobre dernier. Fin 2020, également au nom de la réconciliation et de l'apaisement, le président Alassane Ouattara octroyait à Laurent Gbagbo deux passeports et répétait qu'il était favorable à son retour.