Fil d'Ariane
Des partisans pro-Gbagbo célèbrent à Abidjan, le 31 mars, l'acquittement de l'ex-dirigeant Laurent Gbagbo et de son ancien ministre Charles Blé Goudé par la Cour Pénale Internationale.
Certains militants avaient fait le déplacement jusqu'à La Haye, aux Pays-Bas, pour assister à la décision de la chambre d'appel de la Cour pénale internationale concernant le verdict du procès de Laurent Gbagbo et Charles Blé Goudé, ex-président et ex-ministre de la Jeunesse, le 31 mars 2021. À l'annonce de la confirmation de l'acquittement, prononcé en première instance, des deux hommes politiques, accusés de crimes contre l'humanité lors de la crise post-électorale de 2010-2011 (faisant jusqu'à 3000 morts), les partisans ont explosé de joie sur le parvis de la Cour, donnant lieu à une véritable scène de liesse.
Une première étape avant le retour au pays de l'ex-dirigeant ivoirien et de son ancien ministre, tant attendu par les partisans pro-Gbagbo qui restent nombreux en Côte d'Ivoire. Une semaine plus tard, le président Alassane Ouattara avalise le retour au pays de son ex-rival politique.
Voir aussi : Côte d'Ivoire : Laurent Gbagbo et Charles Blé Goudé autorisés à rentrer au pays
Avec ces deux figures politiques, ce sont aussi des cadres du parti de Gbagbo, le Front Populaire Ivoirien (FPI), qui ont dû s'exiler pendant près de dix ans, souvent dans des pays limitrophes. C'est le cas de Justin Koné Katinan, l'ex-ministre du Bugdet de Laurent Gbagbo, visé depuis plusieurs années par un mandat d'arrêt international et qui avait trouvé refuge au Ghana. Via l'intervention du Haut Commissariat des Nations unies pour les Réfugiés, son retour avec celui de 5 autres cadres du parti a pu être organisé le 30 avril 2021. Un geste d'apaisement dans un pays où les épisodes de violences se succèdent?
"Ce n'est pas le retour de quelques personnes qui va consacrer la réconciliation en Côte d'Ivoire", estime l'Observatoire Ivoirien des Droits de l'Homme (OIDH). "Il ne faut plus qu'on regarde la réconciliation par le seul prisme des relations qui opposent le pouvoir et l'opposition."
Cette organisation de la société civile ivoirienne a suivi de près la procédure judiciaire internationale qui visait Laurent Gbagbo. Selon elle, aucun élement de vérité dans l'origine et le déroulement des affrontements violents n'a pu être révélé : "Nous évoluons dans un cycle de crises et de conflits mais sans qu'on ne sache qui a fait quoi. On a compté sur la CPI, mais la montagne a accouché d'une souris. Qui a commis ces crimes? On ne le saura jamais, l'impunité d'aujourd'hui est le crime de demain."
La reconnaissance des victimes ainsi que leur dédomagement reste un chapitre primordial selon l'OIDH :"Il y a des victimes faites par les forces des deux camps, pro-Gbagbo comme pro-Ouattara. Il faut avoir une vraie politique de réparation à l'égard des victimes" qui entrainerait alors la mise en place "d'enquêtes pour situer les responsabilités, et une notification claire de toutes les violences que le pays a connu au moins depuis 1995.". Tout un travail qui aboutirait à la création d'une "mémoire symbolique", nécessaire à toute réconciliation.
(Re)voir : Retour de cadres pro-Gbagbo : "Laurent Gbagbo se trouve dans une configuration plus politique"
Premier chef d'Etat à avoir été jugé par la Cour de la Haye, Laurent Gbagbo est aussi visé par un mandat d'arrêt, cette fois-ci en Côte d'Ivoire, associé d'une peine de 20 ans de prison pour le "braquage" de la Banque centrale des Etats d'Afrique de l'Ouest (BCEAO) pendant les violences post-électorales de 2010-2011.
Le ministre de la Communication et porte-parole du gouvernement ivoirien, Amadou Coulibaly, a laissé entendre que sa condamnation pourait être levée. "On ne va pas offrir le voyage à Gbagbo pour le mettre derrière les barreaux.", déclarait-il début avril. L'OIDH préfère, elle, s'en remettre à la justice :"Ce sont aux autorités judiciaires de décider de cela. [...] Le mandat d'arrêt peut être exécuté à tout moment. "
Manifestement, selon une déclaration faite le 30 avril 2021, le Procureur de la République près le Tribunal de Première Instance d’Abidjan-Plateau, Richard Adou, n'a plus la volonté que les deux condamnés purgent leur peine.
Alors que les violences qui ont suivi la dernière présidentielle de 2020 ont fait plus de 80 morts, le retour de l'ex-chef de l'Etat Laurent Gbagbo suivi de Charles Blé Goudé marquerait fortement le climat politique ivoirien, toujours fragile.
"Si ces personnes restent des acteurs majeurs de la vie socio-politique ivoirienne, leur histoire n'est pas égale à celle du peuple ivoirien", relativise l'OIDH qui souligne l'importance de l'établissement d'un débat pour entreprendre une transition vers la réconciliation. "Il faut que les leaders politiques se parlent, que les communautés impliquées dans le conflit se parlent, que la société civile soit incitée au débat. Il ne faut plus que quelques-uns aient la prétention de vouloir parler au nom du peuple ivoirien pour la simple raison qu'ils sont des acteurs politiques."
Voir aussi : Laurent Gbagbo : Retour sur dix ans de procédure judiciaire à la Cour pénale internationale