Tout juste rentré en Côte d'Ivoire, l'ex-président Laurent Gbagbo a demandé le divorce d'avec son épouse, Simone, son soutien indéfectible pendant les dix ans qu’ils ont été au pouvoir et après la chute, pendant les années de prison et de procès. Une rupture qui pèsera à la fois sur le plan personnel et celui politique.
Le communiqué de l'avocat de Laurent Gbagbo est tombé lundi 21 juin, au surlendemain de l'anniversaire de l'ex Première dame (qui a fêté ses 72 ans le 19 juin). L'ancien chef de l'Etat s'est
"résolu" à demander le divorce devant le tribunal
"en raison du refus réitéré depuis des années de dame Simone Ehivet de consentir à une séparation amiable". L'ex-couple présidentiel ivoirien s'était marié en 1989 et deux filles sont nées de leur union.
L'affaire passionne les Ivoiriens et alimentait déjà les débats avant le retour de Laurent Gbagbo, le 17 juin, après dix ans d'absence. Simone Gbagbo irait-elle à l'aéroport accueillir son mari, acquitté en mars par la justice internationale ?
Tous savaient qu'il devait voyager avec Nady Bamba, une ex-journaliste de la radio Africa N°1 de 47 ans, sa compagne depuis le début des années 2000, à laquelle il est uni par un mariage coutumier. Dès 2001, Nady Bamba est installée au Palais présidentiel comme le raconte l'hebdomadaire Jeune Afrique, et un fils nait le 30 juillet 2002. C'est au cours de voyages en France, dans les années 90 qu'il fait sa connaissance.
Simone Gbagbo s'est bien rendue à l'aéroport d'Abidjan, est allée à la rencontre de son mari visiblement peu enthousiaste, lui a dit quelques mots dans la cohue, puis est repartie.
Le couple ne s’était plus revu depuis leur arrestation en 2011, après leur refus de reconnaître la victoire à la présidentielle de leur rival Alassane Ouattara. Une crise qui avait fait plus de 3.000 morts dans les deux camps.
Laurent Gbagbo a été envoyé à La Haye en 2011 pour être jugé pour crimes contre l'humanité. Il a été définitivement acquitté en mars.
Simone Gbagbo a été condamnée en Côte d'Ivoire en 2015 à 20 ans de prison, puis amnistiée en août 2018 après sept ans de détention.
L'une des premières sorties à Abidjan de Laurent Gbabgo a eu lieu dimanche 20 juin dans un endroit très symbolique: la cathédrale.
"Gbagbo redevient catholique", titraient en Une des journaux lundi. En d'autres mots, il n'est plus évangéliste, ce mouvement religieux si cher à Simone.
Si cela a tant d'importance, c'est que Simone Gbagbo n'est pas seulement une ancienne Première dame, elle est aussi une femme politique de premier plan. Si tous se demandent le rôle que va jouer Laurent Gbagbo, âgé de 76 ans, la question se pose aussi pour elle.
(RE)voir : Pour Simone Gbagbo, la candidature d'Alassane Ouattara est "anticonstitutionnelle"
Ils ont tous deux été de fervents opposants à Félix Houphouët-Boigny, le premier président du pays, de 1960 à 1993 et se sont battus pour le multipartisme. Ils se sont construits dans le militantisme, ont fait de la prison. En 1982, elle a participé à la création du Front populaire ivoirien (FPI) par Laurent Gbagbo. Il en est toujours le président, et elle, deuxième vice-présidente.
Quelles conséquences sur le plan politique ?
"Le parti ne s'est pas encore réuni pour parler de la question (du divorce), mais c'est sûr que ça va avoir des répercussions", admet une source au sein du FPI, une formation déjà divisée.
Pour Rodrigue Koné, analyste à l'Institute on security studies (ISS), il va y avoir
"un sérieux conflit de leadership" et "
ça ne va pas être facile pour Laurent Gbagbo".
"Du tandem politique, on passe au face à face", estime-t-il. Simone Gbagbo a su s'imposer en alter ego politique de son mari.
"Elle disait tout haut ce que Laurent Gbagbo pensait tout bas", selon lui.
Surnommée
"la Dame de fer", elle a été accusée d'être liée aux
"escadrons de la mort" contre les partisans d'Alassane Ouattara, qu'elle a toujours détesté. Et elle a été entendue par la justice française concernant la disparition du journaliste franco-canadien Guy-André Kieffer en 2004 à Abidjan.
"Elle est soupçonnée d'avoir porté une ligne jusqu'au-boutiste, radicale", résume Rodrigue Koné.
"Elle a une force considérable", renchérit Rinaldo Depagne, analyste à l'International Crisis Group (ICG). Issue d'un milieu très populaire, elle
"a fait son chemin dans un monde de riches et d'hommes".
(RE)lire : Reines d'Afrique, les meilleures du pireSimone Gbagbo reste surnommée "Maman" par ses partisans. Pour M. Depagne, elle est toujours
"très écoutée", mais
"dans un cercle très réduit".
"Le parti, c'est lui. L'idole, c'est lui. Si ça avait été elle de retour d'exil, il n'y aurait pas eu cette ferveur dans les rues".
Selon lui, le
"risque" pour le FPI, c'est son
"personnel d'encadrement vieillissant".
Charles Blé Goudé, 49 ans, a ainsi des chances sérieuses de
"jouer un rôle important" à l'avenir. Mais cet ex-pilier du régime de Laurent Gbagbo, acquitté par la justice internationale en même temps que lui, n'est pas rentré en Côte d'Ivoire, faute de passeport.