Fil d'Ariane
La Cour africaine des droits de l'Homme a ordonné mercredi 22 avril à la Côte d'Ivoire de suspendre son mandat d'arrêt contre Guillaume Soro et de remettre en liberté 19 de ses proches emprisonnés depuis quatre mois. Jeudi 23 avril, le porte-parole du gouvernement ivoirien a toutefois déclaré que "les procédures engagées par la justice ivoirienne restent en cours" dans cette affaire.
Candidat déclaré à l'élection présidentielle ivoirienne prévue en octobre, Guillaume Soro faisait l'objet depuis fin décembre 2019 d'un mandat d'arrêt émis par la justice ivoirienne pour une tentative présumée d'"insurrection", et des "détournements de fonds publics", toutes accusations démenties par l'ex-chef de la rébellion des années 2000.
La Cour donne 30 jours à l'Etat ivoirien pour exécuter l'arrêt.
Pour justifier sa décision prise "à l'unanimité", la Cour estime que le mandat d'arrêt et les mandats de dépôt risquent de "compromettre gravement l'exercice des libertés et des droits politiques des requérants". La Cour invoque également le risque de "dommages irréparables" pour les requérants et la "présomption d'innocence" en leur faveur.
Amnesty International avait demandé le 4 avril des soins d'urgence pour le député Alain Lobognon, considéré comme le bras droit de M. Soro, emprisonné, malade et qui craignait "pour sa vie".
"Nous sommes satisfaits de cette décision importante qui réduit à néant toute cette cabale politico-judiciaire faite dans le seul but d'empêcher la candidature de Guillaume Soro à la présidentielle", a réagi Me Affoussy Bamba, avocate des plaignants.
M. Soro avait lui-même dès le début qualifié cette affaire de politique, et d'"opération" pour l'écarter de la course à la présidentielle.
Jusqu'à cette affaire, M. Soro, 47 ans, était vu comme un challenger sérieux pour le scrutin par les analystes politiques, qui le disent populaire, notamment auprès de la jeunesse.
Longtemps allié du président Alassane Ouattara, qu'il a aidé à porter au pouvoir pendant la crise post-électorale de 2010-2011, Guillaume Soro était devenu Premier ministre, puis président de l'Assemblée nationale, avant de se brouiller puis de rompre avec le chef de l'Etat début 2019, ce dernier voulant brider ses ambitions présidentielles, selon les observateurs.
Dans un communiqué, le ministre ivoirien de la Communication et porte-parole du gouvernement, Sidi Touré a déclaré, "le gouvernement n’a pas de commentaire à faire sur cette décision. Ce qu’il faut toutefois relever, c’est que les procédures engagées par la justice ivoirienne restent en cours", déclinant tout autre commentaire.
Dix ans après la crise post-électorale de 2010-2011 qui a fait 3.000 morts, la prochaine présidentielle s'annonce tendue. Les élections municipales et régionales de 2018 avaient été marquées par de nombreuses violences et des fraudes.