Les seuls qui souffrent aujourd'hui ce sont les civils, quelle que soit leur appartenance politique. Tout le monde est touché dans son quotidien : la plupart des banques ont fermé - Gbagbo a réouvert la SGBCI vendredi et les Ivoiriens peuvent retirer jusqu'à 200 000 F CFA et 700 000 F CFA pour les entreprises, selon des sources abidjanaises ; les prix des denrées alimentaires ont grimpé, sans parler des affrontements. Il ne fait pas bon vivre à Abobo ou à Abidjan en ce moment, les gens fuient. Malgré cette souffrance commune, les Ivoiriens restent partisans et le pays est divisé entre pro-Ouattara et pro-Gbagbo.
Comment voyez-vous l'avenir ? Ce sont les peuples qui décident et font changer les choses. Il manque à la Côte d'Ivoire cette volonté populaire, cette société civile unie - comme ce qu'on a vu en Tunisie, en Egypte ou avant
en Guinée. En Côte d'Ivoire, la société civile est partisane, car elle sort de dix ans de guerre civile larvée. Les Ivoiriens sont fatigués, épuisés. Ils ne sortent pas dans la rue parce qu'ils n'ont plus envie de mourir pour quelqu'un. C'est aussi pour ça qu'ils croient beaucoup en la communauté internationale. Mais encore une fois, il n'y a que les Ivoiriens qui trouveront une solution à leurs problèmes. la communauté internationale sert d'abord ses propres intérêts. La solution viendra, je l'espère, d'un dialogue interivoirien.
Y a-t-il urgence à agir ? Il y a urgence depuis le 2 décembre (le second tour de la présidentielle, NDLR). Quand on connaît l'histoire récente de la Cote d'Ivoire, on savait que ça ne pouvait que s'envenimer. Gbagbo avait dit dès le début qu'il ne partirait pas. On a donc laissé pourrir une situation hautement explosive. On peut se demander si cela n'a pas été fait de manière volontaire, pour une raison que j'ignore. Cependant, je n'ai pas de preuve pour étayer ce sentiment et je ne vise personne.