Fil d'Ariane
Que cherchent les assaillants ? Pourquoi attaquent-ils ? "C’est difficile à expliquer", assure Christian Bouquet, professeur émérite de géographie politique à l’Université Bordeaux Montaigne et spécialiste de la Côte d'Ivoire. "J’ai beau chercher mais je ne trouve pas. Et dieu sait si je travaille sur ce dossier ! Je suis souvent en Côte d’Ivoire pour tenter de mieux comprendre ce qu’il se passe sur place. Mais selon moi, raccrocher ces instabilités militaires à un contexte politique cohérent me paraît encore difficile".
Cela prouve que le système sécuritaire ivoirien est perméable Netton Prince Tawa, membre de l'institut Thinking Africa
Selon Christian Bouquet, le fait qu’il n’y ait pas de revendications comme lors des mutineries rend l’analyse d’autant plus compliquée. "On espère que les services de renseignement ivoiriens sont efficaces et qu’ils ont les réponses à nos questions. Mais c’est tout ce à quoi on peut se raccrocher pour le moment."
Pour NettonPrince Tawa, membre de Thinking Africa, un institut de recherche et d’enseignement sur la paix, "le fait que les attaques aient eu lieu la veille et au lendemain des Jeux de la Francophonie traduit peut être une volonté de sabotage de la part d’opposants politiques au gouvernement". Et d’ajouter : "Cela prouve en tout cas que le système sécuritaire ivoirien est perméable."
Un système sécuritaire instable, c’est pourtant ce que le gouvernement et l’ONUCI voulaient éviter en mettant en place le processus de désarmement, de démobilisation et de réinsertion (DDR) en 2004. D’après le bilan effectué à la fin de la mission en juin 2017, près de 70 000 ex-combattants ont été intégrés à l’armée ivoirienne grâce au programme de DDR. A l’issue de ce processus, plus de 40 000 armements dont 14 000 armes ont été recueillis.
La réussite du processus DDR ne peut malheureusement pas empêcher des soulèvement militaires Netton Prince Tawa
Malgré ses "bons" résultats, le programme de DDR a instauré une armée hétéroclite qui se cherche et au sein de laquelle la discipline n’est pas maîtresse. Un malaise qui se traduit donc par des mutineries et des attaques à répétition. "La réussite du processus DDR ne peut malheureusement pas empêcher des soulèvement militaires, assure Netton Prince Tawa, membre de l'institut Thinking Africa et chercheur au centre Thucydide d'analyse et de recherche en relations internationales . Il poursuit : "La menace plane toujours car les éléments des Forces nouvelles qui ont été intégrés dans l’armée ont toujours des revendications alimentaires."
En plus du désordre au sein de l’armée, les centaines de milliers d’armes encore dans la nature reste un problème majeur. "On voit bien que ça continue à circuler, souligne Christian Bouquet. Et a fortiori après avoir découvert les caches d’armes chez le chef du protocole de Guillaume Soro. On sait bien que le problème est loin d’être réglé (…) Ces attaques continueront tant que l’on n’aura pas récupéré les armes qui circulent encore dans le pays."
Selon le chercheur Netton Prince Tawa, "les réseau d’achat et de ventes d’armes sont en général des robinets qui ne se referment jamais totalement. Et les marchands d’armes surveillent les Etats en situation post-crise où des mécontentements peuvent subsister et occasionner d’autres sollicitations d’armes."
Ce n’est pas une tâche facile, dans un pays qui sort de crise, de remettre sur le droit chemin une armée qui s’est composée comme on sait Nouveau ministre ivoirien de la Défense
Pour tenter de mettre fin à la grogne chez les forces de sécurité et tenter de rétablir un climat sécuritaire stable, le gouvernement ivoirien a été remanié, le 20 juillet dernier. L’ancien préfet d’Abidjan, Sidiki Diakité, est devenu ministre de l’Intérieur et son prédécesseur Hamed Bakayako a, lui, pris le poste ministre de la Défense. Lors de sa prise de fonction, le 20 juillet dernier (au lendemain de l’attaque de l’école de police à Abidjan), il a déclaré : "Ce n’est pas une tâche facile, dans un pays qui sort de crise, de remettre sur le droit chemin une armée qui s’est composée comme on sait (…) Ma méthode sera la fermeté". Une lourde mission l’attend.