Côte d’Ivoire : Simone Gbagbo entendue, trois ans après son arrestation

Simone Gbagbo, est entendue pour la première fois dans le cadre du procès lié à la crise post-électorale ivoirienne, ouvert le 26 décembre dernier. L’ex-première dame de la Côte d’Ivoire est accusée « d’atteinte à la sureté de l’Etat ». Elle est jugée avec 82 autres pro-Gbgabo. 
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Simone Gbagbo
Simone Gbagbo, ex-première dame ivoirienne, lors d'un meeting de Laurent Gbagbo en 2011  
@ AP Photo / Rebecca Blackwel
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C’est la première fois depuis trois ans que la « Dame de fer » s’exprime sur les violences qui ont embrasé la Côte d’Ivoire de décembre 2010 à mai 2011.  Simone Gbagbo, 65 ans, est inculpée, comme 82 co-accusés, « d’atteinte à la sureté de l’Etat » lors de la crise post-électorale ivoirienne. En cause : le refus de son mari, Laurent Gbagbo, ex-président ivoirien, de reconnaître la victoire de son opposant Alassane Ouattara lors de l’élection présidentielle. Plus de 3 000 personnes avaient péri en cinq mois d’exactions. L’audition de Simone Gbagbo était donc très attendue.
 

« Je ne sais pas ce qu’on me reproche »

Simone Gbagbo, ex-première dame de Côte d'Ivoire

« A l’heure où je vous parle, je ne sais pas exactement quels sont les actes matériels qu’on me reproche », a déclaré, lundi, à la barre l’ex-première dame ivoirienne. Ses avocats avaient demandé l’annulation de son procès invoquant l’immunité parlementaire, puisque Simone Gbagbo était députée au moment des faits. Une demande refusée par la Cour qui se déclare incompétente en la matière.

Simone Gbagbo est arrivée plutôt détendue au procès. C’est également ce que confirme Issiaka Diaby, président du collectif des victimes de Côte d’Ivoire, venu assister au procès et soutenir les témoins :« Nous nous réjouissons que les droits fondamentaux de Simone Gbagbo soient respectés. Et je pense que c'est pour cela qu'elle est détendue ».

Dès le début de son audition, l'ex-première dame est restée mordante, n'hésitant pas à déclarer :  "Laurent Gbagbo est le vainqueur de la présidentielle de 2010", contestant  une nouvelle fois la victoire du président actuel Alassane Ouattara. Elle a également blamé la France dont l'armée s'en est prise aux forces loyales à Laurent Gbagbo lors de la crise politique. "De quoi le président Sarkozy se mêle-t-il ?",  s'est-elle interrogée en accusant "l'ingérence des autorités françaises". Puis elle a accusé les "troupes rebelles" de Guillaume Soro (actuel président de l'Assemblée nationale ivoirienne) et d'Alassane Ouattara d'avoir "massacré des populations civiles, humilié des représentants de l'Etat". 
 

Pour et contre   

Une centaine de personnes s’est amassée au tribunal d’Abidjan-Plateau où se déroule le procès. Certains partisans sont venus soutenir l’ex-première dame, d’autres, au contraire sont venus dénoncer son rôle dans les événements politiques qui ont fait plus de 3 000 morts en 2010-2011. « On est ici pour que justice soit rendue. Nous attendons qu’elle (Simone Gbagbo) demande pardon », a affirmé à l’AFP Fanta Soumahoro qui se présente comme la nièce d’une victime. « Nous nous refusons d’entendre qu’elle n’a rien fait ». 
 
Plusieurs membres du collectif des victimes de la Côte d’Ivoire sont également venus témoigner. « Nous sommes les victimes de Simone Gbagbo », assure Issiaka Diaby. « Nous allons démontrer qu'elle a recruté des jeunes, qu'elle les a armé et ils se sont attaqués à des populations civiles. Il y a eu des victimes, dont certains de nos membres. Ces témoignages, ce sont notre contribution à cette justice ivoirienne qui est en train de renaître de ses cendres ».
 
Pour la défense de Madame Gbagbo, le procès est « une grande blague », « indigne de la Côte d’Ivoire », regrette son avocate, Habiba Touré. « Il n’y a rien, pas une preuve matérielle, concrète. L’instruction a duré trois ans, mais on a pas été capable de ressortir des faits ». Un trentenaire se faisant appelé « Blé Goudé junior » s’est également confié à l’AFP. « Simone Gbagbo n’a rien fait. C’était la première dame. Ce n’était pas un militaire. Elle ne devrait pas être ici ». 
 

Transfèrement à la CPI ?

Simone Gbagbo est accusée de « crimes contre l’humanité » par la Cour Pénale Internationale, comme son époux, Laurent Gbagbo, qui y sera jugé en juillet prochain. Charles Blé Goudé, leader des jeunes patriotes, a également été transféré à la CPI. Mais dans le cadre de l’ex-première dame, Abidjan refuse son transfèrement à La Haye, estimant que la justice ivoirienne est désormais en mesure d’organiser un procès équitable.
 
« Nous avons confiance en la justice, assure Issiaka Diaby. Mais si nous nous rendons compte que la Côte d'Ivoire n'a pas la volonté ou la capacité de juger Simone Gbagbo, nous aurons la possibilité de mener des actions d'envergure pour l'exécution du mandat d'arrêt de la CPI ».