
L'opposant ivoirien Tidjane Thiam a annoncé démissionner de la présidence du Parti démocratique de Côte d'Ivoire (PDCI), principale formation d'opposition. Il ne renonce pas pour autant à mener la bataille pour la présidentielle d'octobre, dont il est exclu depuis sa radiation de la liste électorale.
Tidjane Thiam s'exprime lors du Bloomberg Global Business Forum, le 25 septembre 2019, à New York. AP/ Mark Lennihan.
A moins de six mois du scrutin, le climat politique est tendu en Côte d'Ivoire, où plusieurs opposants de premier plan sont inéligibles.
La question de la nationalité de M. Thiam, qui a été également français de 1987 à mars 2025, empoisonne la campagne du principal opposant.
Fin avril, la justice ivoirienne l'a radié de la liste électorale, estimant qu'il avait perdu sa nationalité ivoirienne au moment de son inscription en 2022.
Et son élection à la tête du PDCI est aussi contestée en justice par une militante du parti qui estime qu'il n'était pas ivoirien au moment du scrutin en décembre 2023, faisant planer une menace de destitution. Une audience était prévue jeudi.
"Dans l'intérêt du parti, j'ai décidé de remettre entre vos mains, à vous les militants, mon mandat de président du parti", a déclaré M. Thiam, hors du pays depuis plus d'un mois, dans une allocution publiée sur ses réseaux sociaux.
Cette décision ne signifie toutefois pas que M. Thiam se met en retrait de la bataille pour la présidentielle.
Ce dernier, qui reste président délégué du parti, assure qu'elle ne "change rien à l'engagement" qu'il a pris "en décembre 2023 de conduire personnellement (notre) parti à la victoire en octobre 2025".
"Je sais qu'après m'avoir élu en 2023, vous m'accorderez de nouveau votre confiance", a ajouté lundi M. Thiam dans sa déclaration, laissant entendre qu'il compte être de nouveau élu à la tête du parti.
L'article 48 du code de la nationalité, datant des années 1960, indique que l'acquisition d'une autre nationalité entraîne la perte de la nationalité ivoirienne.
Mais en renonçant à la nationalité française en mars, il a retrouvé, selon les autorités, la nationalité ivoirienne qu'il avait perdue.
Sa radiation des listes électorales le rend toutefois inéligible à la présidentielle, à moins de six mois du scrutin et aucune révision de la liste n'est prévue avant l'élection.
L'intérim à la tête du PDCI est assuré conformément aux textes par le doyen des vice-présidents, Ernest N'Koumo Mobio, 92 ans. Ce dernier a lancé "un appel à la cohésion, la sérénité et la discipline" et convoqué une réunion du bureau politique du parti lundi matin à Abidjan au regard "de l'urgence liée à la situation politique".
Selon un cadre du PDCI, cette réunion doit permettre de "réaffirmer le soutien total du parti à Tidjane Thiam".
Lundi matin, plusieurs centaines de militants étaient rassemblés au siège du parti, devant lequel des forces de sécurité étaient déployées, brandissant notamment des pancartes "Touche pas à mon droit de vote", ou "L'intimidation ne passera pas", a constaté une journaliste de l'AFP.
"Thiam a fait le bon choix, il n’aura plus de problème avec la justice en tant que président du parti", a affirmé à l'AFP, Cynthia Koua, une militante.
Trois autres figures de l'opposition ayant annoncé leur intention d'être candidats sont absentes de la liste électorale, en raison de condamnations judiciaires.
Il s'agit de l'ancien président (2000-2011) et opposant Laurent Gbagbo, de son ancien bras droit Charles Blé Goudé et de l'ancien chef rebelle et Premier ministre Guillaume Soro.
"Alors que l'on était en droit d'espérer des élections inclusives, transparentes et apaisées, force est de constater que la radiation injustifiée du candidat du PDCI vient s'inscrire dans la logique de l'élimination des leaders des principaux partis politiques de l'opposition pour se garantir des élections sur mesure et une victoire certaine", a déclaré M. Thiam lundi.
Les autorités récusent régulièrement toute intervention politique dans le processus électoral, assurant qu'il s'agit de décisions prises par une justice indépendante.
Le président Alassane Ouattara, 83 ans, au pouvoir depuis 2011, ne s'est de son côté pas encore prononcé sur une éventuelle candidature mais s'est dit "désireux de continuer à servir son pays".