Fil d'Ariane
À la tête du Gabon depuis 14 ans, Ali Bongo a dû plusieurs fois lutter pour asseoir son pouvoir, hérité de son père, et doit à présent affronter un coup d'Etat destiné à renverser la dynastie dirigeante depuis 55 ans.
Ali Bongo Oddimba est assis dans sa résidence à Libreville au Gabon, après le coup de force des militaires le 30 août 2023.
À peine réélu pour un troisième mandat au Gabon avec 64,27% des voix, Ali Bongo s’est vu renversé par des militaires apparus à la télévision Gabon 24. Selon eux, les résultats des élections sont “tronqués.” Cela faisait 14 ans qu’il était à la tête du pays, après avoir repris le flambeau de son père, Omar Bongo. Ce dernier a gardé le pouvoir de 1967 jusqu'à sa mort en 2009. Le coup de force des militaires met fin à 55 ans de règne de la famille Bongo. Comment ont-ils réussi à se maintenir aussi longtemps au pouvoir dans ce pays ?
C’est le 2 novembre 1967 qu’Omar Bongo prend le pouvoir. Son prédécesseur, Gabriel Léon M’Ba meurt alors qu’il est en France pour recevoir un traitement médical. Il était hospitalisé depuis août 1966. De ce fait, Omar Bongo, qui était son vice-président, est devenu président. Dans un entretien à RFI en octobre 2019, le journaliste Antoine Glaser explique qu’Omar Bongo avait été adoubé par le général de Gaulle. “Bongo aurait eu même droit à un entretien avec le général en personne, à l’Élysée, explique le journaliste. Satisfait, de Gaulle l’a fait nommer vice-président suite à un habillage constitutionnel.”
En prenant le pouvoir, Omar Bongo devient le secrétaire général du parti de son prédécesseur et le renomme Parti démocratique Gabonais (PDG). Par la suite, il remporte avec une victoire écrasante les élections présidentielles de 1973, 1979 et 1986. Au total, il aura gouverné le Gabon pendant 41 ans. Il dirige le pays d’une main de fer en profitant notamment de la manne pétrolière. Sa victoire à chaque élection présidentielle s’explique également par le fait qu’il était le seul candidat à chacune de ces élections. En effet, il a imposé le PDG comme parti unique dans le pays.
Cependant, de janvier à avril 1990, de graves troubles sociaux tournent à l’émeute, ce qui pousse Omar Bongo à adopter le multipartisme. Cela ne l’empêche pas d’être élu aux élections présidentielles de 1993, 1998 et 2005, face à une opposition qu’il divise ou rallie à sa cause.
À la mort d’Omar Bongo en juin 2009, c’est son fils, Ali Bongo Ondimba, qui reprend le pouvoir. Il est investi le 16 octobre de la même année, après des élections au mois d’août. Lors de son premier mandat, Ali Bongo a été l'antithèse de son père : sans le charisme et l'aplomb du "patriarche", qui régna sans partage 41 ans sur ce très riche petit Etat pétrolier d'Afrique centrale, il a difficilement assis son autorité, notamment face à des caciques rétifs de son tout-puissant parti le PDG. Lors de son premier mandat, héritier d'une partie de l'immense fortune paternelle, "Monsieur Fils" ou "Baby Zeus", comme on le brocardait alors, était dépeint par l'opposition comme distant de son peuple, reclus dans de luxueuses propriétés au Gabon et à l'étranger ou au volant de nombreuses voitures de luxe.
En 2016, la réélection d’Ali Bongo est déjà très contestée par l'opposition et officiellement remportée de 5 500 voix seulement. Un électrochoc pour lui, suivi d'un second - son AVC (accident vasculaire cérébral) - qui vont précipiter sa mue. En 14 ans de pouvoir, il s'est transformé en un impitoyable chasseur de "traîtres" et de "profiteurs" au sommet de l'État, face à ceux qui l'avaient cru fini en 2018 après un accident vasculaire cérébral en Arabie saoudite.
Il avait alors disparu 10 longs mois à l'étranger, une convalescence et une intense rééducation qui semblent avoir fait de lui un miraculé mais ont fait vaciller son pouvoir. Depuis, ses opposants mettent régulièrement en doute ses capacités intellectuelles et physiques à diriger le pays, certains affirmant même qu'un sosie le remplace... Mais si une raideur dans la jambe et le bras droits l'empêche de se mouvoir aisément, la tête est bien là, assurent des visiteurs réguliers, diplomates ou autres.
Cependant, à son retour au pouvoir après sa convalescence, il s’est affiché en “père de la rigueur” pour des ministres et conseillers soumis à des audits et congédiés à la moindre suspicion, dans ce Gabon rongé par une corruption endémique depuis les décennies décriées de la "Françafrique", dont Omar Bongo était l'emblématique pilier.