Fil d'Ariane
TV5MONDE : Par le passé, Marocains et Portugais se sont rencontrés à deux reprises en Coupe du monde. A l'avantage des premiers (3 à 1) en 1986, puis les Portugais l'ont emportée en 2018 (1 à 0). Comment voyez-vous cette confrontation de 2022 ?
Frank Simon, rédacteur en chef de 2022mag.com : Vous m'auriez posé la question il y a un ou deux mois en arrière, je vous aurais dit que ce choc est disproportionné avec immense avantage au Portugal de Cristiano Ronaldo.
Sauf que, depuis, il s'est passé beaucoup de choses.
Il y a eu ce premier tour de Coupe du monde, il y a eu ces performance contre deux nations importantes en Europe : la Croatie, vice championne du monde et la Belgique, deuxième du classement FIFA.
Et puis tout dernièrement, l'élimination de l'Espagne.
Alors, du coup, il y a deux mois je vous aurais peut-être dit que c'est du 70-30 pour les Portugais. Mais aujourd'hui je pense que c'est plutôt du 55-45, c'est à dire les proportions que je donnais également pour Maroc-Espagne. C'est toujours, selon moi, en faveur de l'équipe européenne mais ça veut dire quand-même que le Maroc a des chances, pourvu qu'il puisse respecter son plan de vol, sa stratégie. Et puis, il ne lui manque surtout pas de trop de joueurs cadres parce qu'on sait qu'il y a pas mal de joueurs blessés, il y a beaucoup de garçons en souffrance, même si le mental est là. J'ai donc envie d'y croire parce que cette équipe y croit d'ailleurs et pourquoi ne pas y croire avec elle ?
TV5MONDE : Techniquement, sur quels atouts va pouvoir compter le Maroc face au Portugal ?
Frank Simon : Tout d'abord, un mental à toute épreuve. Je pense qu'ils l'ont prouvé, ce sera leur cinquième match dans la compétition. Donc un très fort mental qui les habite depuis pas mal de temps. Et je pense qu'il s'est renforcé avec la nomination de Walid Regragui en tant que sélectionneur fin août.
La deuxième chose, et c'est lié au premier atout, c'est une solidité défensive. Quand je parle de solidité défensive, cela ne veut pas dire juste le gardien et les défenseurs. C'est toute l'équipe en fait. Je regarde les notes régulièrement dans la presse européenne et je vois parfois les notes attribuées à l'avant centre Youssef En-Nesyri. Je veux bien qu'il ne marque pas à tous les matchs, mais quand je vois son travail de repli défensif, je trouve qu'il mériterait un point de plus parce que c'est oublier le travail de ce garçon qui vient aider sur les coups de pied arrêtés, qui est présent pour harceler en première ligne sur les relances adverses. Bref, c'est vraiment un bloc super solide qui n'a d'ailleurs encaissé qu'un seul but, et en plus, un but contre son camp de Nayef Aguerd.
En fait, il y a une vraie discipline collective. Il y a des joueurs super importants, comme Achraf Hakimi, le capitaine Romain Saïss, Hakim Ziyech ou Yassine Bounou le gardien, mais si vous plongez un peu dans dans la vie de ces garçons-là, et j'ai eu la chance de le faire ces derniers-mois, vous constatez qu'il n'y a pas de vedette. Ce sont des garçons qui peuvent être considérés comme des joueurs super importants dans leur club respectif, mais quand ils arrivent en sélection, ça vit, ça joue, ça rit, ça s'encourage, ça se soutient. Certains sont sur la touche, ne jouent pas et ont très peu de chance d'ailleurs de jouer, car ils sont là pour "faire le nombre" ou apprendre au contact des autres, mais je ne sens pas de rancoeurs, de problèmes. Je pense que cette discipline est liée aussi à toutes les valeurs développées par l'encadrement technique.
Ensuite, il y a aussi des qualités techniques. Il est vrai que, quand vous les comparer à l'Espagne, le Maroc est une équipe qui marque très peu de buts. C'est une réalité. Mais elle a une patte technique.
Quand vous avez Ziyech ou Hakimi rien que dans le couloir droit. Quand vous prenez Ounahi, qui a été exceptionnel contre l'Espagne, et qui est capable de donner de très belles passes, vous voyez des garçons très forts techniquement.
Les Marocains ont un autre atout qui est l'expérience. Il reste huit joueurs de la Coupe du monde 2018 ! Bien entendu, ils n'ont pas de vécu de quart de finaliste puisque c'est la première fois pour le Maroc, mais ils ont un vécu en club qui leur permet d'affronter ces moments-là. Ils n'ont pas de complexe à avoir ! Tous les joueurs portugais n'ont pas non plus joué de quarts ou de demies-finale de Ligue des champions !
TV5MONDE : A l'opposé, de quoi les Marocains vont-ils devoir se méfier ? Que ce soit chez l'adversaire ou chez eux-mêmes ? Ont-ils des démons ?
Frank Simon : Non, il n'y a pas de démons. On pouvait avoir des inquiétudes avant le retour de Noussair Mazraoui et surtout de Hakim Ziyech qui était perçu comme un soliste et dont on s'aperçoit qu'il est peut-être un soliste mais qu'il est au service d'un orchestre. Donc pas de démons mais, ce qui m'inquiète c'est l'état de forme physique de certains joueurs cadres dont on sait qu'ils sont en grande souffrance. Auront-ils suffisamment récupéré ? Quand vous savez que Sofyan Amrabat a pu jouer contre l'Espagne à coups de piqûres alors qu'il a été l'un des grands joueurs du match de huitième de finale ! Saïss, le capitaine, est resté très courageusement sur le terrain jusqu'à la 120ᵉ, mais on sentait bien qu'il y avait quelque chose qui avait lâché au niveau de la cuisse. Hakimi aussi est en souffrance, mais il a tout de même réussi son tir au but ! Ziyech était cramé également. A l'heure de jeu, on le voyait mettre les mains sur ses cuisses. Ce n'était pas forcément encourageant, mais pourtant il a tenu aussi 120 minutes et il a réussi avec beaucoup d'aplomb son tir au but !
C'est cet aspect-là qui peut m'inquiéter : est ce qu'il reste encore du super dans le réservoir ?
Je me souviens de la Coupe du monde 2002 en Asie où le Sénégal était arrivé en quart de finale et avait réalisé aussi un super parcours. C'était historique. C'était leur première. Et quand ils ont joué la Turquie en quart de finale, c'était le match de trop. Ils perdent, sans se faire humilier au score, mais ils sont littéralement épuisés. Incapables de répondre aux accélérations et condamnés à défendre.
Ce qu'il faut ce samedi contre le Portugal, c'est que le Maroc garde son destin entre ses pieds ! Leur option défensive fonctionne jusqu'à présent mais, même si le mental est là, les Marocains auront-ils assez d'énergie pour aller piquer la défense adverse ? Je l'espère ! Ce qui est compliqué, c'est que lorsque vous regardez les compositions de l'équipe depuis l'arrivée du sélectionneur Walid Redragui fin août, elles sont quasiment toujours identiques au coup d'envoi. Il a une équipe type et il faut vraiment qu'il y ait des suspensions ou des blessures pour qu'il change les hommes. Du coup, la question est de savoir si les joueurs-cadres blessés seront maintenus. Il ne faudrait pas les épuiser !
TV5MONDE : D'autant qu'en face, le Portugal est en pleine forme...
Frank Simon : Oui ! Même sans Cristiano Ronaldo, ils font des étincelles ! Il y a un joli collectif. C'est une équipe tournée vers le jeu offensif et qui a les joueurs pour cela. Je ne les imagine pas en train d'attendre tranquillement de se prendre des coups ! Ils vont tenter de mettre le Maroc KO !
Son doublé contre le Portugal à la Coupe du Monde de 1986 au Mexique avait envoyé le Maroc au deuxième tour et la Seleçao à la maison: Abderrazak Khairi croit en un nouvel exploit des Lions de l'Atlas contre la bande à Cristiano Ronaldo, samedi en quart de finale du Mondial au Qatar. "Face au Portugal, le Maroc est capable de créer la surprise", prédit l'ex-international marocain, principal artisan de la victoire surprise contre le Portugal (3-1) il y a 36 ans. "La mission ne sera pas facile mais j'y crois", assure Khairi, 60 ans, dans un entretien téléphonique avec l'AFP à Rabat, depuis le Qatar, où il officie comme consultant auprès d'une chaîne arabe. Le 11 juin 1986, il fut élevé au rang de héros après avoir crucifié les Portugais en inscrivant un doublé lors du dernier match de la phase de poules. Un triomphe historique qui avait permis au Maroc de devenir la première équipe africaine et arabe à se hisser en huitièmes de finale d'une Coupe du monde. "Il n'y a pas d'impossible dans le football, c'est ça la magie de ce sport. Aujourd'hui, la sélection marocaine le prouve", avertit l'ex-attaquant marocain. "Certes, cette équipe marocaine est différente (de la nôtre) car le football a beaucoup évolué en 36 ans, mais sa constante est la détermination et l'envie de représenter au mieux son pays", analyse-t-il, "et les joueurs le font à merveille". Dernier facteur déterminant, les supporters: "Jouer dans un pays arabe avec une présence soutenue du public marocain est une bénédiction", reconnaît-il. "J'espère qu'ils iront le plus loin possible !"