Coupés du reste du monde, les Congolais votent ce dimanche pour une élection présidentielle opposant huit candidats au chef de l'Etat sortant Denis Sassou Nguesso.
Les autorités ont annoncé samedi la coupure de toutes les télécommunications (téléphone, internet, SMS) dans le pays dimanche et lundi "pour des raisons de sécurité et de sûreté nationales" afin d'empêcher l'opposition de publier des "résultats illégaux".
En l'absence de communications téléphoniques, les journalistes de l'AFP présents à Brazzaville n'étaient pas en mesure d'obtenir des informations sur le déroulement du scrutin dans le reste du pays.
A Brazzaville, à la mi-journée, les opérations de vote se déroulaient dans le calme. Le scrutin devait commencer à 07H00 (06H00 GMT) mais dans la plupart des bureaux de vote visités par l'AFP les opérations de vote ont commencé avec un retard d'une heure. Les bureaux doivent fermer à 18H00. Les résultats pourraient être connus à partir de lundi soir.
"Il y a eu des retards mais ça va mieux, les choses se passent dans le calme", a déclaré Eric Katolo, chef d'une mission d'observation (18 personnes) de la Conférence internationale sur la région des Grands Lacs (CIRGL).
L'Union européenne, elle, a jugé que les conditions pour un scrutin transparent et démocratique n'étaient pas réunies, et a renoncé à missionner des observateurs. D'une manière générale, l'affluence n'était pas très forte à la mi-journée, mais c'est une constante les jours de vote au Congo.
M. Sassou a voté dans le centre de Brazzaville vers 11H15. Le Congo expérimente avec cette présidentielle le bulletin de vote unique faisant apparaître les noms des neuf candidats, chaque électeur devant indiquer son choix par une croix ou une empreinte digitale sous le nom retenu.
A Poto-Poto, dans le centre de la capitale, les rues étaient par endroit envahies par des dizaines de jeunes profitant de l'interdiction de la circulation pour jouer au football.
La présence policière était visible, notamment aux barrages filtrant les véhicules autorisés à rouler, mais en rien écrasante. Dans le quartier défavorisé de Makélékélé, dans le sud de la capitale, on ne cache pas son rejet du président. "Il n'aura pas dix voix ici", assure Raymond, maçon de 56 ans.
- L'ONU appelle au calme -
"Vous en France, un jour d'élection, l'institution peut couper [les télécommunications] ?" s'emporte-t-il.
A Ouenzé, quartier nord acquis au président, on ne cache pas non plus ne pas apprécier l'impossibilité de téléphoner. Mais on raille l'opposition. Le "changement" qu'elle propose fait peur à certains. Ici, on veut "la stabilité" et "la paix", deux mots-clef de la campagne de M. Sassou Nguesso.
Coalisés contre le président , qui cumule plus de 32 ans au pouvoir à la tête du Congo, petit état pétrolier d'Afrique centrale peuplé de 4,5 millions d'habitants et où la pauvreté est massive, cinq candidats d'opposition estiment que les conditions ne sont pas remplies pour des élections "sincères, crédibles et transparentes".
Ces candidats n'envisagent pas de boycotter le scrutin mais ont appelé le peuple à "exercer sa souveraineté" dans le cas où le président sortant l'emporterait dès le premier tour, comme il l'a promis à ses partisans. Craignant des violences après le scrutin, les Nations unies ont appelé jeudi toutes les parties au calme.
N'ayant aucune confiance dans la Commission nationale électorale indépendante (CNEI) chargée de publier les résultats, les cinq candidats du pacte anti-Sassou - Guy-Brice Parfait Kolélas, Jean-Marie Michel Mokoko, Claudine Munari, André Okombi Salissa et Pascal Tsaty Mabiala - ont créé une "commission technique" parallèle pour surveiller le scrutin.
Ses délégués avaient pour mission de photographier à l'aide de téléphones portables les procès-verbaux des bureaux de vote afin de compiler ses propres résultats pour les comparer à ceux publiés au niveau national.
La coupure des communications les empêche de le faire. L'opposition avait assurée qu'elle alignerait cinq délégués dans chaque bureau de vote du pays, mais n'y était parvenu dans aucun de ceux visités par l'AFP à Brazzaville.
A la tête du Congo de 1979 à 1992 sous le régime du parti unique, M. Sassou Nguesso était revenu aux affaires par les armes en 1997, avant d'être élu en 2002 et réélu en 2009 lors d'élections contestées par l'opposition. Sa candidature a été rendue possible par un changement de Constitution ayant fait sauter les deux verrous qui l'empêchaient de se représenter.