Coups d'État : la France est-elle aussi ferme au Gabon qu'au Niger ?

Ce 30 août, juste après la proclamation des résultats de l’élection présidentielle au Gabon, des militaires court-circuitent le pouvoir du président Ali Bongo. Rapidement, la France condamne « le coup d’État militaire qui est en cours. »

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Bongo Macron

Emmanuel Macron et Ali Bongo à l'Élysée, le 22 juin 2023. 

AP Photo/Rafael Yaghobzadeh
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Un mois après le coup d’État au Niger, un des derniers alliés de la France au Sahel, c’est au tour du Gabon, symbole s’il en est d’une relation franco-africaine controversée, de connaître un putsch retentissant. Quelques heures après l'annonce à la télévision gabonaise des militaires putschistes le 30 août, Paris a condamné « le coup d’État en cours » et a rappelé son « attachement à des processus électoraux libres et transparents. » 

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Or, d’autres pays ont des propos plus modérés que Paris à propos de ce putsch. Le chef de la diplomatie européenne Josep Borell insiste sur la différence entre les coups d’État au Niger et au Gabon. Il souligne que ce dernier, qui a renversé le président Ali Bongo, fait suite à des élections entachées « d’irrégularité ». Comment expliquer ce décalage dans les propos ? 

Éviter le deux poids deux mesures 

« Ceux qui ont le plus vivement réagi au coup d’État au Gabon ce sont les Chinois, qui habituellement ne s’expriment pas de façon aussi forte, et le Commonwealth », énumère pour TV5MONDE le journaliste spécialiste des relations entre la France et l’Afrique Antoine Glaser. L’intérêt de Pékin envers le Gabon s’explique par le fait que la Chine est le principal partenaire commercial du pays. Pour ce qui est du Commonwealth, c’est parce que le Gabon est membre de cette communauté anglophone depuis juin 2022. « Ali Bongo n’est pas francophile comme son père », note Antoine Glaser. 

La France a totalement aligné sa déclaration sur celle qu’elle avait fait au Niger, pour ne pas qu’on lui reproche de faire deux poids deux mesures.

Antoine Glaser, journaliste spécialiste de l'Afrique 

Cependant, la Chine et le Commonwealth n’ont pas condamné le coup d’État en cours. Le porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères a appelé à « rétablir l’ordre normal » tandis que le Commonwealth juge la situation préoccupante. De son côté, « la France a totalement aligné sa déclaration sur celle qu’elle avait fait au Niger, pour ne pas qu’on lui reproche de faire deux poids deux mesures », explique Antoine Glaser.

Pour rappel, la France avait condamné « avec la plus grande fermeté » le coup d’État qui a renversé Mohamed Bazoum le 26 juillet au Niger. « Ce coup d’État est parfaitement illégitime et profondément dangereux pour les Nigériens, pour le Niger et pour toute la région », avait souligné le président français Emmanuel Macron en appelant à « la restauration de l’ordre constitutionnel. »

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Dans un communiqué, l’association française Survie, qui milite notamment contre la Françafrique, incite la France à ne pas intervenir. « Alors que le régime d’Ali Bongo au Gabon fait face à son tour à un coup d’État, dont on ignore encore l’issue, l’association Survie (…) appelle la France à la plus stricte neutralité et en particulier à s’abstenir de tout interventionnisme militaire », écrit-elle rappelant que la France dispose d'une force militaire prépositionnée à Libreville dans ce pays pétrolier d'Afrique centrale. 

Les deux coups d’État sont-ils comparables ? 

Pour autant, le coup d’État du Gabon est-il comparable avec celui survenu un mois plus tôt au Niger ? Pour Josep Borell, « la situation est radicalement différente ». « Nous ne voyons pas de risque de violence », souligne le chef de la diplomatie de l’UE. « Au Niger, le président était un président démocratiquement élu, déclare-t-il. Au Gabon, quelques heures avant le coup d'Etat militaire, il y a eu un coup d'Etat institutionnel car les élections ont été volées ».

Au Niger, après leur prise de pouvoir, les militaires ont demandé le départ de l’ambassadeur de France au Niger. Cette demande est à l’origine d’un bras de fer avec la France, car Paris a toujours refusé d’y céder. « Emmanuel Macron a multiplié les maladresses et les comportements qui posent problème. Sur le Niger, nous aurions dû nous mettre plus en retrait », estime Serge Michaïlof, chercheur associé à l’IRIS et ancien directeur des opérations de l’Agence Française de Développement, interrogé par Public Sénat.

Par ailleurs, contrairement à ce qu’il s’est passé pour le Niger, la France n’a pas suspendu son aide au développement ni sa coopération militaire avec le Gabon. Pour rappel, environ 350 soldats français se trouvent actuellement au Gabon, ce qui représente une activité militaire relativement faible, comparée à celle du Niger, où près de 1 500 soldats français sont déployés. 

« Le général Brice Oligui Nguema, qui vient d’arriver au pouvoir, même s’il n’est pas francophile, a déjà expliqué qu’il n’allait pas demandé le départ des troupes françaises », analyse Antoine Glaser. Pour lui, cette prise de pouvoir ne formera pas de rupture dans les relations entre la France et le Gabon.