La Côte d’Ivoire enregistre ces derniers jours une explosion des cas de coronavirus, et les autorités viennent de confirmer que le variant Omicron circule dans le pays. Le Pr Joseph Bénié Bi Vroh, directeur de l'Institut national de l'hygiène publique, fait le point sur la situation sanitaire depuis Abidjan.
TV5MONDE : Où en est la crise sanitaire en Côte d’Ivoire ? Pouvez-vous nous communiquer les chiffres ? Pr Joseph Bénié Bi Vroh, directeur de l'Institut national de l'hygiène publique ivoirien : Le 4 janvier, nous en étions à 73 786 cas confirmés au total – dont tout de même 63 365 guéris - avec un taux de positivité autour de 6 %.
Depuis le début de l’épidémie, nous comptons 723 décès
Cette vague est plus importante que les précédentes, les chiffres sont élevés. Le 31 décembre, on a eu 2 858 nouveaux cas [ce chiffre représente le plus gros pic dans le pays depuis le début de l’épidémie, NDLR], et le taux de positivité a atteint 37%. De novembre à décembre, le nombre a vraiment augmenté.
Mais les cas sont moins graves, surtout par rapport à la troisième vague d’août-septembre. Pour le moment, on ne présage pas un risque de saturation des hôpitaux, même si on ne sait pas comment la situation va évoluer.
TV5MONDE : Quels facteurs expliquent ce nouveau pic ?
Joseph Bénié Bi Vroh : D’abord, on a identifié le variant Omicron en Côte d’Ivoire, qui pourrait être un élément déterminant [selon la directrice de l’Institut Pasteur, 78 cas ont été détectés sur un échantillon de 134, à partir du 15 décembre, NDLR].
À l’occasion des vacances, les Ivoiriens ont aussi eu beaucoup d’interactions sociales. Et puis il y a eu un relâchement au niveau des gestes barrières : le port du masque est de moins en moins respecté, comme la distanciation.
L’idée de mettre en place un pass sanitaire n’est pas abandonnée.
Joseph Bénié Bi Vroh, directeur de l'Institut national de l'hygiène publique ivoirien.
TV5MONDE : Des restrictions sont-elles actuellement en place dans le pays ?
Joseph Bénié Bi Vroh : Il faut faire un test antigénique avant de se rendre à de grands rassemblements. Le dépistage est systématique à l’arrivée en Côte d’Ivoire depuis l’étranger. L’idée de mettre en place un pass sanitaire n’est pas abandonnée. Quand on voyage, on utilise ça, mais ce n’est pas encore généralisé.
Pour l’instant, il n’y a pas d’autres restrictions. Mais on continue la sensibilisation pour l’observation des mesures barrières. On met l’accent sur la vaccination, pour que la majorité de la population le fasse.
Une partie de ceux qui ont reçu leur première dose ne savent pas qu’ils doivent revenir.
Joseph Bénié Bi Vroh, directeur de l'Institut national de l'hygiène publique ivoirien.
TV5MONDE : Comment avance la vaccination ? Pourquoi aussi peu d’Ivoiriens ont été vaccinés ?
Joseph Bénié Bi Vroh : Nous en sommes à 7 243 628 vaccins administrés, première et deuxième doses comprises. Parmi celles-ci, les personnes totalement vaccinées sont au nombre de 2 050 236 [sur une population d’environ 28 millions, soit 7%, NDLR].
D’abord, une partie de ceux qui ont reçu leur première dose ne savent pas qu’ils doivent revenir. On a eu une rupture de vaccins vers le mois de mars. Et on a allongé l’intervalle entre les deux : par exemple pour AstraZeneca, on est passé d’un mois à trois. Donc ça peut expliquer que certains ne fassent pas leur deuxième dose, ou oublient. Ça pourrait être dû à un manque d’informations. C’est pour ça que nous sensibilisons davantage.
Du côté de ceux qui ne sont pas vaccinés du tout, il existe des réticences, notamment à cause des
fake news sur les réseaux sociaux. Certains craignent les effets secondaires. Ils sont hésitants, mais il n’y a pas de refus catégorique.
TV5MONDE : Comment combattez-vous cette défiance, alors que l’objectif ivoirien était d’atteindre 70% de vaccinés ? Joseph Bénié Bi Vroh : Pour dépasser cette réticence, on passe par la sensibilisation, en s’appuyant sur les leaders d’opinions, religieux ou communautaires. Pour qu’ils puissent témoigner et donner l’information, qu’ils sont bien portants lorsqu’ils sont vaccinés. Les gens ont peur mais s’ils voient quelqu’un qui a fait ses deux doses, et qui se porte bien, ça peut les rassurer. Pour cela, on met en place des partenariats avec le ministère de la santé, par exemple avec l’association des leaders religieux.
Quand il y a une
dotation de vaccins comme par exemple venant des États-Unis, nous médiatisons cela, pour expliquer aux gens que les vaccins sont disponibles. Certains pensent qu’ils ne le sont pas, donc les approvisionnements aident à les inciter.