Crimes contre l'humanité au Liberia : Kunti Kamara condamné à la prison à vie à Paris

La guerre civile au Liberia a été le théâtre d'atrocités. Un de ses acteurs, l'ex-commandant Kunti Kamara, a été condamné à la prison à vie pour des exactions commises contre des civils et pour s'être rendu complice de crimes contre l'humanité en facilitant des viols. Il fait appel de sa condamnation.
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Combattants appartenant au Mouvement uni de libération pour la démocratie (Ulimo) en plein combat de rue à Monrovia, Liberia le 16 avril 1996
Combattants appartenant au Mouvement uni de libération pour la démocratie (Ulimo) en plein combat de rue à Monrovia, Liberia le 16 avril 1996. Un de leurs commandants, Kunti Kamara, a été condamné à la prison à vie par un tribunal français pour crimes contre l'humanité ce 4 novembre 2022.
© AP Photo/Jean-Marc Bouju, File
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Après trois semaines d'un procès inédit, l'accusé de 47 ans a été reconnu coupable d'une série "d'actes de tortures et de barbarie" contre des civils en 1993-1994, dont le supplice infligé à un enseignant dont il aurait mangé le cœur, la mise à mort d'une femme qualifiée de "sorcière" et des marches forcées imposées à la population.

Selon le verdict rendu après neuf heures de délibéré le 2 novembre, cet ancien commandant du Mouvement uni de libération pour la démocratie (Ulimo) a également facilité des crimes contre l'humanité par son indifférence devant les viols répétés commis sur deux adolescentes par des soldats placés sous son autorité en 1994.

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La cour a ainsi suivi les réquisitions du ministère public qui avait réclamé à son encontre la réclusion à perpétuité, fustigeant des crimes ayant "porté atteinte à l'humanité tout entière".

A l'énoncé de la décision, l'accusé, crâne chauve et moustache fournie, est resté impassible.

Tout au long de son procès, le premier jamais consacré en France à la guerre civile libérienne, Kunti Kamara a clamé son innocence, s'estimant victime d'un "complot". "Je suis innocent aujourd'hui, je suis innocent demain, j'étais un simple soldat, c'est tout", avait-il déclaré pour ses derniers mots à la cour.

Son avocate, Marilyne Secci, avait réclamé son acquittement en s'attaquant aux "lacunes" d'un dossier bâti sur des témoignages anciens. Elle n'a pas souhaité faire de commentaires après le verdict.

Le lendemain, elle faisait savoir que l’ex-commandant rebelle Kunti Kamara va faire appel de sa condamnation à la prison à vie. 

“Nous considérons que le verdict est injustifié au regard du dossier mais aussi au regard des autres décisions rendues dans des procès pour crimes contre l’humanité”, a déclaré Me Marilyne Secci, en annonçant qu’elle ferait appel. 

Message "d'espoir"

Face à la cour, plusieurs plaignants venus spécialement du Liberia ont certifié que l'accusé était bien le "C.O Kundi" - pour "commanding officer"- qui aurait contribué à faire régner la terreur dans le nord-ouest du pays au début des années 1990.

Cette région rurale était alors aux mains de l'Ulimo qui tentait de freiner les avancées des troupes du redouté Charles Taylor, dont l'entrée au Liberia fin 1989 avait marqué le début de la première guerre civile qui s'est achevée en 1997.

D'indicibles atrocités ont été relatées devant les trois magistrats et six jurés de la cour : des habitants tués en étant contraints d'ingurgiter de l'eau bouillante, le commerce de la viande humaine, des intestins utilisés en guise de checkpoints, un viol au moyen d'une baïonnette trempée dans du sel.

L'impunité qui règne encore au Liberia a également traversé les débats : les crimes de la guerre civile, qui avait repris de 1999 à 2003 et fait au total 250.000 morts, n'ont jamais été jugés par le pays où d'anciens chefs rebelles occupent aujourd'hui de hautes fonctions dans l'appareil d'État.
Fosse commune massacre Liberia
Des restes de centaines de personnes massacrées 15 ans auparavant, pendant la guerre civile ont été exhumés d'une fosse commune pour leur donner une sépulture le 5 septembre 2009 à Kpolokpai, Liberia.
© AP Photo / Jonathan Paye-Layleh, File
Les conclusions de la commission Vérité et réconciliation, qui avait recommandé en 2009 l'inculpation de huit chefs de guerre, sont restées lettre morte.

"Les victimes ont eu le courage d'aller chercher la justice qu'elles ne trouvaient pas chez elles", a déclaré Alain Werner, président de l'ONG Civitas Maxima, qui avait déposé plainte contre Kunti Kamara en France en 2018.

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"Nous espérons que tous ceux qui ont perpétré des actes de brutalité sauvage (au Liberia, ndlr) seront poursuivis devant les tribunaux, sans aucune exception", a déclaré à l'AFP Adama Dempster, secrétaire général de l'ONG libérienne Civil Society Human Rights Group.

Arrêté en septembre 2018 à Bobigny, Kunti Kamara comparaissait à Paris au titre de la "compétence universelle" exercée, sous certaines conditions, par la France pour juger les crimes les plus graves commis hors de son sol.

C'est la première fois que ce mécanisme était utilisé pour des faits commis dans un autre pays que le Rwanda.

Le nom de Kunti Kamara avait surgi au milieu des années 2010 dans le cadre d'une procédure engagée en Suisse contre un autre cadre de l'Ulimo, Alieu Kosiah, qui a été condamné en 2021 par un tribunal helvétique à 20 ans de prison dans le tout premier procès des crimes de guerre libériens. Son procès en appel est prévu début 2023.