Fil d'Ariane
La réponse du pouvoir camerounais n'intervient qu'en 2017, et il n'est alors pas question de dialogue. Militaires et policiers sont déployés par milliers dans les régions anglophones. La situation sécuritaire se dégrade. Dans un rapport publié en mai 2019, l'ONG International Crisis Group rapporte la présence sur le terrain de "sept milices armées comptant entre 2000 et 4000 combattants" avec, entre autres, "dans leurs rangs, des dizaines de mercenaires nigérians". Les attaques et enlèvements se multiplient. Les écoles sont fermées.
Le dialogue démarre pourtant sur fond de divisions et d'absences. Les anglophones les plus modérés réclament un retour au fédéralisme auquel un référendum a mis fin en 1972. Hypothèse rejetée par le pouvoir, très attaché à la centralisation. Autant dire que les revendications indépendantistes des plus radicaux ont peu de chances de trouver un écho.
Un certain nombre de chaises devraient ainsi rester vides. Les séparatistes seront absents. Absents également, les principaux leaders installés à l'étranger. Dans un nouveau rapport publié fin septembre, l'ONG International Crisis Group considère que le dialogue "risque d'exacerber la frustration des anglophones, de creuser encore plus le fossé qui sépare les deux camps et de renforcer les tenants d'une ligne dure". Interrogé par l'AFP, l'un des chefs sécessionnistes estime d'ailleurs qu'en organisant ce dialogue, les autorités camerounaises cherchent à "jeter de la poudre aux yeux de la communauté internationale".
Sur le papier, le Cameroun est bilingue, français et anglais. Le pays est membre de l'Organisation internationale de la francophonie et du Commonwealth. Dans les faits, c'est une autre histoire. Sur dix régions, deux sont anglophones : le Nord-Ouest avec pour capitale Bamenda, et le Sud-Ouest dont la capitale est Buea. De nombreux anglophones s'estiment lésés par rapport aux francophones. Depuis les années 1990, la revendication indépendantiste se fait plus pressante. En 2001, à l'occasion des 40 ans de l'unification, des manifestations dégénèrent. La répression fera plusieurs morts et des leaders séparatistes seront arrêtés.