Disparition de Souleymane Cissé, l'un des pionniers du cinéma africain

L'emblématique réalisateur du Mali, Souleymane Cissé, l'un des pères du cinéma africain, est décédé brutalement mercredi 19 février à l'âge de 84 ans à Bamako. Ses obsèques sont prévues vendredi 21. Portrait. 

Image
Souleymane Cissé sur le plateau de TV5Monde.

Souleymane Cissé sur le plateau de TV5Monde.

Partager 2 minutes de lecture

Souleymane Cissé est mort  mercredi 19 février, après avoir tenu une conférence de presse dans la matinée. Il devait participer à la 29e édition du Festival panafricain du cinéma et de la télévision de Ouagadougou (Fespaco) prévu à partir du 22 février dans la capitale burkinabè. Le Burkina, pays organisateur de cet évènement culturel, a salué "une figure emblématique du cinéma africain et un cinéaste engagé qui a consacré toute sa vie au 7e art africain".

Il aurait dû présider le jury "fiction long métrage" pour la 29ème édition du Fespaco.

"Papa est décédé aujourd'hui à Bamako. Nous sommes sous le choc. Toute sa vie il l'a consacrée à son pays, au cinéma et à l'art", avait annoncé plus tôt à l'AFP sa fille Mariam Cissé. Le célèbre réalisateur, qui aurait eu 85 ans en avril prochain, est décédé dans une clinique de Bamako. Ses obsèques auront lieu vendredi 21 dans la capitale malienne, a-t-elle précisé.

(Re)voir : Souleymane Cissé, un des pères du cinéma africain, est mort

Films primés

Souleymane Cissé avait reçu le Prix du jury au Festival de Cannes en 1987 pour l'un de ses chefs d'oeuvre, "Yeelen" (La Lumière), qui raconte le long parcours initiatique d'un jeune homme issu d'une illustre famille bambara. 

affiche Yeelen

Affiche du film Yeelen.

En 2023, il avait été à nouveau primé à Cannes et reçu un Carrosse d'Or, une récompense spéciale décernée au cours de la Quinzaine des cinéastes. "Je remercie les confrères de m'avoir choisi. Ce prix m'incite à faire de nouveaux films, à me réinventer et changer de vision", avait alors commenté le réalisateur dans un entretien avec l'AFP lors de sa venue à Cannes en 2023. Cette récompense avait été dérobée chez lui en 2024, avant d'être retrouvée.

Sur le plateau de TV5Monde, il avait commenté l'année dernière : "Je n'avais jamais pensé que ce film serait accepté en dehors du Mali".

Un pionnier du 7ème art

Auteur d'une oeuvre pionnière du cinéma africain, mais aussi politique, humaniste et sociale, Souleymane Cissé a réalisé de nombreux films qui ont marqué le 7ème art. Formé à l'Institut des Hautes Études Supérieures de la Cinématographie de Moscou, il est ensuite rentré au Mali.

"Den Musso" (La Jeune Fille - 1975), premier long-métrage de fiction malien en langue bambara, raconte l'histoire d'une femme muette qui tombe enceinte après avoir été violée, drame qui la conduira à être rejetée par sa famille.

Le film "Baara" (Le Porteur - 1978) relate une révolte d'ouvriers maliens, tandis que "Finyé" (Le Vent - 1982) évoque les amours contrariées de deux jeunes Maliens sur fond de soulèvement étudiant.

Affiche du film Waati.

Affiche du film Waati.

"Waati" (Le Temps - 1995) suit le parcours d'une enfant noire qui va quitter l'Afrique du Sud pour parcourir le continent, de la Côte d'Ivoire au Mali et jusqu'à la Namibie.

Dans un entretien avec l'AFP en 2023 à Cannes, le réalisateur malien avait critiqué la "censure" et le "mépris" qui empêchent selon lui la diffusion des films africains dans le monde.

(Re)voir : Souleymane Cissé, un des pères du cinéma africain

Appel aux autorités avant sa mort

Mercredi matin même, Souleymane Cissé avait plaidé lors de conférence de presse à Bamako : "Que les autorités nous aident à vulgariser nos oeuvres cinématographiques. Qu'elles comprennent que c'est le cinéma qui fait l'éclat du Nigeria ou du Ghana. Et c'est possible au Mali". 

"Nous avons de jeunes cinéastes professionnels qui en sont pleinement capables. Il ne suffit pas de faire du cinéma, il faut que les oeuvres soient aussi visibles (...) Que les autorités nous aident avec la construction de salles de cinémas. C'est l'appel que je leur lance avant ma mort si Dieu le veut", avait lancé le réalisateur. 

Il avait souligné précédemment sur TV5Monde que malgré l'espoir dans la relève, "rien ne bougeait" encore au Mali, notamment par manque de structures.

(Re)voir : Cinéma : "La nouvelle génération ira plus loin que nous", espère Souleymane Cissé

"Monument du cinéma"

Dans un communiqué mercredi 19 au soir, le ministre malien de la Culture Mamou Daffé a fait part de sa "tristesse" pour la disparition "de ce monument du cinéma africain", saluant aussi un "cinéaste admiré et respecté". 

"Cinéma malien en deuil, clap de fin pour le maestro Souleymane Cissé", a commenté dans un message sur Facebook le célèbre réalisateur malien Boubacar Sidibé.   

"Tes conseils ont fait de moi un réalisateur de renom, tu resteras à jamais une fierté pour moi", a-t-il écrit en hommage au réalisateur. "Souleymane Cissé mérite tout notre respect et notre admiration" pour tout ce travail "qu'il a fait pour montrer au public les richesses du patrimoine culturel malien et africain", a poursuivi Boubacar Sidibé. 

La chanteuse malienne Oumou Sangaré a salué "un maître incontesté du cinéma africain" qui "a porté la voix du Mali jusqu'aux confins du monde avec talent et authenticité", sur les réseaux sociaux.