Le 28 novembre, les deux partenaires historiques de la France en Afrique que sont le Sénégal et le Tchad ont exprimé leur volonté de voir l'armée française non pas réduire la voilure sur leur territoire respectif, mais bien quitter les lieux.
Ces annonces sont faites alors que le ministre des Affaires étrangères français commence tout juste un voyage qui du Tchad doit l'emmener en Éthiopie puis au Sénégal.
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Le président sénégalais Bassirou Diomaye Faye a déclaré à l'AFP que la "souveraineté" de son pays ne "(s'accommodait) pas de la présence de bases militaires", réclamant un "partenariat dépouillé" des soldats français.
Peu après, alors que le ministre des Affaires étrangères Jean-Noël Barrot venait de quitter N'Djamena dans le cadre d'une tournée africaine, son homologue tchadien Abderaman Koulamallah annonçait "mettre fin à l'accord de coopération en matière de défense" signé avec Paris.
La fin de la présence française au Sahel
Après le départ forcé ces dernières années des soldats français du Mali, du Burkina Faso puis du Niger, où se sont installées des juntes hostiles, le Tchad était le dernier pays sahélien à en abriter encore.
L'envoyé du président Emmanuel Macron en Afrique, Jean-Marie Bockel, a remis le 25 novembre son rapport sur la reconfiguration du dispositif militaire français en Afrique, prônant un partenariat "renouvelé" et "co-construit".
Le rapport "recommandait une réduction drastique de la présence. Ce n'est pas nécessairement ce qui était demandé initialement par les partenaires. Mais les décisions s'orientant dans cette direction, ils ont préféré annoncer que la décision était la leur", commente pour l'AFP Elie Tenenbaum, de l'Institut français des relations internationales (Ifri).
Les autorités tchadiennes ne sont pas satisfaites "parce que les recommandations (de Jean-Marie Bockel, ndr) ne prennent pas en compte leurs attentes", juge ainsi Yamingue Betimbaye, docteur en géographie politique à l'Université de N'Djamena.
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Il y a, à la présidence, beaucoup de gens ouvertement pro-russes. Wagner est déjà là. Succès Masra, ancien Premier ministre tchadien, membre de l'opposition
Une ouverture pour Wagner
"Une fois de plus, les Africains ont avancé plus vite que les Français", ajoute Elie Tenenbaum. Ce faisant, ils offrent à la Russie, en pleine poussée d'influence sur le continent, un joli cadeau. "Aussi bien le Tchad que le Sénégal ont resserré les échanges avec Moscou ces derniers mois. Si la Russie n'a pas d'intérêts majeurs dans ces pays, c'est une bonne manière pour elle de porter un coup aux Français".
Une analyse qui rappelle les déclarations à l'AFP, la semaine dernière, de l'opposant tchadien Succès Masra. "Il y a, à la présidence, beaucoup de gens ouvertement pro-russes. Wagner est déjà là", assurait-il, évoquant les mercenaires russes en Afrique du groupe de feu Evguéni Prigojine, désormais regroupés au sein de l'Africa Corps.
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Les dirigeants tchadiens "peuvent dégager les Français à tout moment, mais tout le monde fait semblant que ça n'existe pas. Les Français eux même font l'autruche", estimait-il, relevant qu'à un mois des premières législatives dans le pays depuis 2015, l'annonce peut aider Deby à "reconquérir l'opinion populaire".
Un timing désastreux
De fait, Paris semblait pris au dépourvu. Ni l'Élysée, ni le quai d'Orsay, ni le ministère des Armées n'avaient fait de commentaires le 28 novembre. Et le timing de l'annonce tchadienne, peu après le décollage de Jean-Noël Barrot, est désastreux, laissant son entourage manifestement décontenancé ce 29 novembre.
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Ironie suprême, l'Elysée annonçait début octobre que le président français et son homologue tchadien, Mahamat Idriss Déby Itno, étaient convenus de "renforcer la coopération" bilatérale. Pour Wolfram Lacher, du think tank allemand SWP, "c'est une page qui se tourne" pour l'ex-puissance coloniale "après des années de soutien militaire et alors que la France a sauvé à plusieurs reprises le pouvoir" du père du dirigeant tchadien, Idriss Deby.
Le dispositif militaire français produisait notamment dans le champ des perceptions des effets négatifs qui finissent par peser plus lourd que les effets positifs. Thierry Burkhard, chef d'état-major des armées françaises
"C'est une surprise (...), il n'y avait aucune nécessité pour Deby de franchir ce pas. Il avait une position confortable avec Paris". Et désormais, il "aura besoin d'un autre soutien extérieur pour assurer la sécurité de son régime", même s'il pourrait "éviter une relation de dépendance avec Moscou" en diversifiant ses soutiens.
Une gifle pour Paris
La séquence renvoie à l'incapacité de la France à sortir de l'impasse et de l'opprobre des opinions africaines, même depuis qu'a été annoncée en 2022 par Paris la fin de l'opération anti-djihadiste Barkhane au Sahel.
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En janvier, le chef d'état-major des armées Thierry Burkhard admettait que le "dispositif militaire" français produisait "notamment dans le champ des perceptions des effets négatifs qui finissent par peser plus lourd que les effets positifs". Et d'ajouter: "Il faut impérativement que nous prenions la peine de laisser les pays partenaires souverains communiquer sur leurs actions".
C'est chose faite pour encore deux d'entre eux. "On peut décrire ça comme une gifle", estime Wolfram Lacher. "En 24 heures, Sénégal et Tchad... Ca montre l'échec de la politique française en Afrique".