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Egypte : "c'est toute une génération qu'on est en train d'anéantir !"

Cinq ans jour pour jour après la chute du "raïs", la jeunesse égyptienne attend toujours le changement qu'elle avait provoqué et espéré. Aujourd'hui, il y a plus de militants derrière les barreaux qu'il n'y en a jamais eu sous Hosni Moubarak. Etat des lieux avec Bahey El Din Hassan, directeur de l'Institut des Droits de l'Homme du Caire. Entretien signé Bastien Borie et Guillaume Gouet pour le 64'.

Ce 11 février 2011 au Caire, les manifestants rassemblés sur l'emblématique place Tahrir et près du palais présidentiel attendent fiévreusement la démission du raïs égyptien, au pouvoir depuis 30 ans.

La veille déjà, le président Hosni Moubarak devait annoncer son départ mais choisissait la défiance, assurant qu'il resterait à la tête du pays jusqu'en septembre.

Mais après 18 jours de manifestations monstres paralysant le pays, les militaires en décident autrement. Et juste avant le coucher du soleil, l'euphorie s'empare des rues du Caire: Moubarak démissionne, et l'armée prend les rênes du pouvoir.

Cinq ans plus tard, il y a plus de militants derrière les barreaux qu'il n'y en a jamais eu sous Moubarak. Car depuis que l'armée a destitué en 2013 l'islamiste Mohamed Morsi, premier président démocratiquement élu du pays, le pouvoir réprime implacablement toute opposition.

Le régime Sissi plus autoritaire que celui de Moubarak

Elu président en 2014, Abdel Fattah al-Sissi, l'ex-chef de l'armée architecte de la destitution de M. Morsi, est accusé d'avoir instauré un régime encore plus autoritaire que celui de M. Moubarak, orchestrant la répression la plus sanglante de l'histoire moderne de l'Egypte.

Des centaines de manifestants islamistes ont été tué, tandis qu'une loi controversée a été adoptée pour interdire les manifestations sans autorisation.

Le mouvement de Mohammed Morsi, les Frères musulmans, a été interdit. Et même si la confrérie nie avoir recours à la violence, ses partisans sont régulièrement taxés d'être liés au mouvement jihadiste Etat islamique, qui mène une insurrection dans la péninsule du Sinaï.

Et même si les militants de gauche se sont mobilisés lors des manifestations monstres qui ont poussé l'armée à destituer M. Morsi, ils ont rapidement été pris pour cible après son éviction.

Dans ce contexte, évoquer la question des droits de l'Homme c'était risquer de se faire taxer de traître par les médias largement acquis aux autorités.

Les militants de la jeunesse laïque et de gauche ont aujourd'hui du mal à évoquer ce 11 février 2011.

"Non, laissez-moi tranquille, c'est trop déprimant", lâche un militant interrogé par l'AFP.

Pour eux, cette date ne marque pas seulement la chute d'un dictateur: c'était aussi un combat pour la justice sociale et la dignité, dans un pays habitué aux humiliations et aux exactions des responsables corrompus et de la police toute-puissante.