Il n'y avait plus aucun Copte ou représentant des partis laïcs dans la commission censée écrire la nouvelle constitution d'Egypte quelques semaines après sa formation. Même la plus vieille institution religieuse du pays, Al-Azhar, s'en était retirée. Aujourd'hui, l'assemblée constituante égyptienne a été suspendue par le tribunal administratif du Caire sans aucune explication. Les électeurs égyptiens de l'après-révolution ont-ils donné trop de pouvoir aux partis politiques islamistes, au point qu'ils soient les seuls aux commandes du pays une fois les élections de mai achevées ?
Les "Frères" reviennent sur leur parole Il y a un an, M. Ess
am
Al-Eri
an, l’un des dirige
ant de la confrérie des Frères musulmans expliquait au New York Times : « Nous n’
avons p
as l’intention de jouer un rôle domin
ant d
ans
la tr
ansition politique qui vient. Nous ne présenterons p
as de c
andid
at
aux élections présidentielles prévues pour septembre. » Puis il continuait en précisant que «les Frères envis
agent l’ét
ablissement d’un Et
at démocr
atique et civil
, mais nous récusons la démocr
atie
laïque libér
ale du type
améric
ain et européen,
avec son ferme rejet de
la religion d
ans
la vie publique. » Journaliste au Caire depuis des décennies et correspondant de TV5monde et RFI, Alexandre Buccianti ironise : « les Frères musulmans ont annoncé qu’ils ne brigueraient que 30% des sièges aux législatives, puis ensuite ils ont dit 50%, et au final ils ont brigué 100% des sièges. Leur parole à un moment donné ne peut être prise au pied de la lettre, les choses bougent, leurs engagements aussi. » Le parti Liberté et Justice (PLJ)
des Frères musulmans est donc sorti vainqueur
des élections législatives de janvier 2012 avec
plus de 40%
des sièges. Mais si l’on compte les divers mouvements islamistes, dont les salafistes du parti Al-nour, ces élections ont été un raz-de-marée en faveur de ces partis religieux : 72% des
sièges à l'assemblée. En tête des dernières législatives avec 235
sièges sur les 498 du Parlement, le Parti de la liberté et de la justice des Frères musulmans (PLJ) a donc pu nommer les 100 membres de l'assemblée, parlementaires et non-parlementaires, devant écrire la constitution.
« 50% de parlementaires dans l'assemblée constituante, c'était trop important, précise Alexandre Buccianti. Et puis tous étaient des islamistes, sans aucune expertise pour l’écriture de la constitution. Pour le choix des membres non-parlementaires on a parlé ici [dans la presse égyptienne, ndlr] "d’antisèche", comme pour les tricheurs le jour du bac : les membres de la Constituante étaient en fait déjà choisis grâce à la liste fournie par les Frères musulmans et les salafistes. Et avec cette liste et ces nominations, les critères de représentativité de l’ensemble de la population n’ont pas été respectés : les Nubiens du sud de Égypte n’avaient aucun représentant, comme les populations du Sinaï. Tout ça a créé des frustrations, des conflits qui ont mené au boycott de la part des laïcs, des coptes et d'Al-Azhar.»
La décision du tribunal administratif de suspendre l'assemblée fait suite aux recours déposés par des juristes et des partis libéraux opposés aux partis islamistes afin de la réformer.