Mohamed Morsi ne reconnaît pas le tribunal L'ancien président est entré, vêtu d'un costume bleu sombre, sous les applaudissements et aux cris de "A bas le régime militaire!" de deux dirigeants de sa confrérie des Frères musulmans, Essam al-Erian et Mohammed al-Beltagui, présents à ses côtés dans le box grillagé des accusés. "Je suis le président de la République et ce tribunal est illégal", a d'emblée déclaré M. Morsi, en costume, derrière la grille où se tenaient certains de ses co-accusés actuellement en détention préventive. Sept d'entre eux, toujours en fuite, n'étaient pas présents. "C'était un coup d'État militaire, les leaders de ce putsch devraient être jugés" pour "trahison" et "crime", a lancé aux juges le président déchu manifestement en bonne santé, selon un journaliste de l'AFP présent dans la salle d'audience, au coeur de l'Académie de police dans l'est du Caire. Mohamed Morsi et ses partisans avaient déjà annoncé qu'ils ne reconnaîtraient pas l'autorité de ses juges ni la légitimité d'un procès qu'ils estiment orchestré par un pouvoir issu d'un "coup d'Etat" militaire. Les avocats de M. Morsi assisteront au procès, non pas pour le défendre devant des juges dont il récuse la légitimité, mais "pour surveiller la procédure judiciaire". "Incitation au meurtre" L'ancien président islamiste égyptien Mohamed Morsi,
destitué par l'armée en juillet, comparaît avec 14 co-accusés, dont des cadres des Frères musulmans. Tous sont jugés pour les mêmes chefs d'accusation, notamment "incitation au meurtre" de manifestants devant son palais présidentiel le 5 décembre 2012, lors de heurts qui avaient fait au moins sept morts. Le premier chef de l'État élu démocratiquement en Egypte était
détenu au secret depuis le 3 juillet, quelques jours après que des millions d'Égyptiens furent descendus dans la rue réclamer son départ, l'accusant d'accaparer les pouvoirs au profit de sa confrérie des Frères musulmans et de vouloir islamiser la société à marche forcée. Nouvelles violences en vue En prévision de rassemblements des partisans de M. Morsi, les autorités ont annoncé qu'elles avaient déployé 20 000 hommes au Caire, mégalopole de 20 millions d'habitants déjà quadrillée depuis le 3 juillet par les chars de l'armée et d'innombrables barrages de police. De nouvelles violences sont à redouter, car le nouveau pouvoir mis en place par l'armée
réprime dans le sang les manifestations pro-Morsi depuis le 14 août, quand policiers et soldats ont reçu l'autorisation d'ouvrir le feu sur tout manifestant qui se montrerait hostile ou s'en prendrait à un bien public - un blanc-seing interprété de la manière la plus large par les forces de l'ordre. Depuis, plus d'un millier de manifestants ont été tués et plus de 2000 Frères musulmans arrêtés, dont leurs principaux leaders, jugés aux côtés de Mohamed Morsi. Le gouvernement intérimaire, dirigé de facto par l'armée, a promis des élections législatives et présidentielle pour 2014 et prévenu qu'il sévirait en cas de manifestations importantes. Un test pour le nouveau gouvernement Amnesty International, de son côté, estime que ce procès est un "test" pour évaluer la volonté des autorités intérimaires de respecter les droits de l'Homme. L'ONG les presse d'"amener Mohamed Morsi à l'audience et de lui accorder le droit à un procès juste, en particulier lui permettre de contester les preuves qui pourront être produites contre lui devant le tribunal". "Si ce n'est pas le cas, alors il sera permis de soulever des questions quant aux motivations cachées de ce procès", ajoute l'organisation internationale. Morsi persiste à défendre sa légitimité M. Morsi reste résolu à défendre sa "légitimité" puisée dans les urnes, comme il l'avait affirmé dans une vidéo le soir de son éviction. Les faits qui lui sont reprochés avaient marqué un important tournant dans sa présidence: après six mois au pouvoir, il avait édicté un décret le plaçant au-dessus de tout contrôle judiciaire, ce qui avait déclenché des manifestations devant la présidence. Estimant que la police n'avait pu protéger le président, les Frères musulmans avaient appelé leurs partisans à déloger les protestataires. Ces violences - qui s'étaient soldées par sept morts - avaient soudé les rangs de l'opposition anti-Morsi qui, six mois plus tard, descendait dans la rue pour réclamer son départ et l'obtenait de la main des militaires. La fin des Frères musulmans ? Depuis la répression extrêmement sanglante des manifestations pro-Morsi en août, les
Frères musulmans, décimés ou emprisonnés, peinent à mobiliser les foules malgré des appels quotidiens à manifester "pacifiquement". Mais leur détermination pourrait déclencher un nouveau bain de sang lundi s'ils s'approchent du tribunal ou bloquent des artères importantes du Caire.