Mohamed ElBaradei, l’homme aux deux visages
Mohamed ElBaradei, 68 ans, est égyptien, mais a passé les trente dernières années hors de son pays. Il est connu à l’étranger mais pas chez lui. Il a des ambitions politiques, mais ne dispose d’aucune troupe. Opposant de toujours du président Hosni Moubarak, mais diplomate issu du sérail. C’est tout le paradoxe de Mohamed ElBaradei, chargé par l’opposition de négocier une sortie de crise dans le pays. "En Égypte, il n’est pas un représentant unique de l’opposition. Sa légitimité n’est pas assise pour le moment. Lorsqu’il s’est déplacé place Tahrir, il n’y a pas eu de mouvement de foule, il n’a pas été porté par la jeunesse”, analyse Mohamed Abdel Azim, journaliste égyptien installé en France. Le 30 janvier au soir, Mohamem ElBaradei a fait une apparition sur cette place centrale du Caire, là où se déroulent les manifestations. “Nous avons une demande essentielle : le départ du régime et le début d’une nouvelle ère, une nouvelle Égypte, dans laquelle tout égyptien vivrait dans la liberté et la dignité”, clame-t-il dans un haut-parleur. UN AMI DE L'IRAN ? L’ancien patron de l’Agence internationale de l’énergie atomique, co-prix Nobel de la paix en 2005 pour sa lutte contre la prolifération des armes nucléaires, est issu d’une grande famille égyptienne. Après des études de droit, il entre au ministère des Affaires étrangères de son pays et participe aux négociations qui aboutiront aux accords de Camp David (1978) établissant la paix entre Israël et l’Égypte. En 1984, il entre à l’AIEA pour en devenir le patron durant 12 ans, jusqu’en 2009. Et c’est à Vienne que son nom fait le tour du monde. “Par rapport aux Occidentaux et aux États-Unis, il n’est pas toujours bien vu, notamment en raison de ses positions vis-à-vis de l’Iran”, explique Mohamed Ali Adraoui, chercheur et enseignant à Sciences-Po à Paris. Mohamed ElBaradei juge “surestimée” la menace nucléaire prêtée à Téhéran. Il fait connaître son désaccord concernant la politique américaine en Irak. Enfin, il est aussi critique à l’égard d’Israël. En juin 2010, alors qu'une flottille tentait de forcer la défense israélienne, il avait déclaré sur la chaîne Al-Qods Al-Arabi, basée à Londres, que “le blocus de Gaza était une marque d’infamie sur le front de tous les Arabes”. De là à remettre en cause les accords signés avec l’État hébreu ? “Mohamed ElBaradei est légaliste. Ces dernières années, il y a eu une alliance de fait entre l’Égypte et Israël. Le paradoxe est intéressant. Israël a intérêt à avoir des dictateurs à ses portes qui ne rendent pas de comptes. En démocratie, la situation serait plus tendue. ElBaradei, dans l’hypothèse de son arrivée au pouvoir, devra être aussi légaliste dans son discours que sur le plan de la politique étrangère”. ADOUBÉ PAR LES FRÈRES MUSULMANS On est loin d’une arrivée au pouvoir : en février 2010, Mohamed ElBaradei, déconnecté des réalités de son pays, a fait une première tentative pour se positionner sur l’échiquier politique égyptien. Il s’est alors rapproché du mouvement islamiste des Frères musulmans qui dispose d’une assise sociale très importante. “Mohamed ElBaradei et les Frères musulmans ont des intérêts réciproques : il est une vitrine acceptable et lui n’a aucun réseau en Égypte. Sur le fond, les Frères musulmans constitue un danger et Mohamed ElBaradei va être le représentant de ce danger”, affirme Joav Toker, journaliste israélien, pour l’hebdomadaire Dyokan. Les Frères musulmans, "bête noire" des Israéliens, du régime Moubarak et des pays occidentaux...
Omar Souleimane, l'homme de l'ombre
03.02.2011Patron des services secrets égyptiens, Omar Souleimane, nommé au poste de vice président par Hosni Moubarak dont il est un proche, est un homme-clé du pouvoir égyptien. Il a géré de bien épineux dossiers de politique étrangère dont celui du conflit israélo-palestinien. Il opérait dans l'ombre, parlant tout aussi bien avec Israël qu'avec son ennemi juré, le Hamas, pour en finir avec la meurtrière guerre de Gaza fin 2008. Pour ces raisons, les Américains et les Israéliens le connaissent bien. Récit Erwan Braem