Élection présidentielle au Gabon : Ali Bongo Ondimba convoque un dialogue politique entre majorité et opposition

Depuis plusieurs mois, l’opposition gabonaise appelle à un dialogue politique avec le président Ali Bongo Ondimba. Dans la perspective de la prochaine présidentielle, immédiatement suivie des élections législatives et locales, les sujets de discussion semblent nombreux : révision de la liste électorale, convoyage des urnes, comptage des votes, centralisation des résultats… Le chef de l’Etat gabonais a décidé d’une concertation entre majorité et opposition dès le 13 février prochain. 
 
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Le président gabonais Ali Bongo Ondimba, lors de la 77e session de l'Assemblée générale des Nations Unies, le mercredi 21 septembre 2022, au siège de l'ONU, à New York, aux USA.
© AP Photo/Mary Altaffer
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Un mois après en avoir fait l’annonce dans son allocution du 31 décembre dernier, le président gabonais Ali Bongo Ondimba a déclaré au cours du conseil des ministres du 1er février 2023, que la concertation à laquelle il convie toute la classe politique, dans le cadre des préparatifs des prochaines élections, s’ouvrira le 13 février prochain, à Libreville, la capitale gabonaise.

Les stigmates de l’élection de 2016

Une décision qui répond enfin aux vœux formulés depuis l’année dernière par de nombreux partis d’opposition, qui exigent cette concertation afin de procéder notamment à une nécessaire réforme électorale. Dans son discours à la nation du 31 décembre dernier, le chef de l’État gabonais avait affirmé : « J’ai entendu l’appel de mes compatriotes, notamment des acteurs politiques de la majorité et de l’opposition, demandant l’organisation d’une rencontre pour définir ensemble les bases de la préparation des scrutins aux lendemains apaisés. » L’on se souvient en effet qu’en 2016, de violentes manifestations avaient succédé à l’annonce de la victoire du chef de l’État sortant Ali Bongo Ondimba.

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La police gabonaise monte la garde sur une barricade, suite aux manifestations post-électorales à Libreville, au Gabon, le jeudi 1er septembre 2016.
© AP Photo/Joël Bouopda

À l’époque, c’est le 31 août 2016, au terme de quatre jours d’une longue attente, que le ministre gabonais de l’Intérieur, Pacôme Moubelet-Boubeya, annonce que le président sortant, Ali Bongo Ondimba, a remporté l’élection présidentielle. Et d’après les chiffres officiels, le chef de l’Etat sortant l’emporte avec 49,80% des voix, contre 48,23% à son adversaire, Jean Ping – ancien président de la Commission de l’Union africaine et ancien ministre gabonais des Affaires étrangères. L’opposition rejette ces résultats et réclame immédiatement un nouveau décompte dans la province du Haut-Ogooué, où, d’après le camp Ping, le taux de participation frise les 100%. Le même jour, plusieurs foyers de tension sont déclarés à Libreville, et des violences éclatent entre manifestants hostiles au régime en place et forces de l’ordre.  

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Preuve que les violences post-électorales de 2016 ont laissé d’importants stigmates tant au Gabon qu’à l’étranger, l’initiative du président américain Joe Biden de réunir son homologue gabonais et cinq autres chefs d’État africains concernés par des élections cette année, en marge du sommet Afrique – États-Unis, qui s’est tenu à Washington du 13 au 15 décembre 2022, et qui a réuni 49 pays africains au total. Et peu avant cette rencontre, Jake Sullivan, le conseiller à la sécurité nationale du président américain a affirmé que les Etats-Unis veilleront à ce que ces élections soient « libres, justes et crédibles ». Au Gabon, la prochaine présidentielle, suivie immédiatement par les élections législatives et les locales, devrait se tenir durant le second semestre 2023, sans doute en août prochain.

L’appel de l’église catholique à des élections apaisés


Le 29 janvier dernier, au cours d’une messe qui s’est tenue à la paroisse Saint Pierre de Libreville, c’est la Conférence épiscopale du Gabon qui, à son tour, a lancé un appel pour des élections apaisées. Réunis en assemblée générale durant près d’une semaine, les évêques gabonais ont en effet appelé le personnel politique et l’ensemble de la communauté chrétienne locale à veiller à la bonne tenue des futurs scrutins.
 


À quoi sert vraiment de gagner une élection si les droits fondamentaux de la personne et le salut des âmes sont compromis, vendus ou hypothéqués ?Mgr Jean Vincent Ondo Eyene, président de la Conférence épiscopale du Gabon.

Au cours de son homélie, comme le rapportent nos confrères de RFI, Mgr Jean Vincent Ondo Eyene, président de la Conférence épiscopale du Gabon s’est interrogé : « À quoi sert vraiment de gagner une élection si les droits fondamentaux de la personne et le salut des âmes sont compromis, vendus ou hypothéqués ? A quoi sert de vouloir même gagner les élections si ce n’est pas pour servir les Gabonais et permettre au Gabon de se développer ? »


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Conscient de cet enjeu, le nouveau premier ministre gabonais, Alain-Claude Bilie-By-Nze a évoqué dans son discours de politique générale, prononcé devant les députés quelques jours auparavant, le 24 janvier, le défi majeur que représente l’organisation d’une triple élection simultanée en 2023. Tout en appelant à la responsabilité des uns et des autres, Alain-Claude Bilie-By-Nze a promis que son gouvernement s’emploierait à réunir toutes les conditions nécessaires au dialogue politique annoncé par le président Ali Bongo Ondimba.

Par ailleurs, le premier ministre gabonais a affirmé que le nouveau CGE, le Conseil Gabonais des Élections, en charge de l’organisation des scrutins, serait mis en place avant la concertation politique. Dans le même ordre d’idée, la révision des listes électorales devrait être lancée d’ici mars prochain.  

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Mais en attendant, le processus de renouvellement du bureau du Conseil Gabonais des Élections connaît quelques remous. Selon nos confrères du quotidien national L’Union, trois membres de l’opposition ont décidé il y a quelques jours d’y suspendre leur participation. En cause : la désignation unilatérale par le ministre de l’Intérieur, Lambert-Noël Matha, des membres de l’opposition devant constituer le Comité ad hoc et le Collège spécial, choisis de surcroît sur des listes non consensuelles. En effet, l’opposition n’est pas parvenue à constituer des listes consensuelles auprès de cette instance.

Avant le début de la concertation le 13 février prochain, les sujets de discorde restent donc nombreux entre pouvoir et opposition. Et s’ils approuvent la main tendue du président gabonais Ali Bongo Ondimba, certains leaders de l’opposition n’en restent pas moins méfiants.