Afrique

Élection présidentielle au Niger : qui sont les candidats ?

A Niamey, le 12 mars 2011, à l'occasion du second tour de la présidentielle qui va conduire Mahamadou Issoufou au pouvoir. A l'issue de deux mandats, le chef de l'Etat ne se représente pas cette année.
A Niamey, le 12 mars 2011, à l'occasion du second tour de la présidentielle qui va conduire Mahamadou Issoufou au pouvoir. A l'issue de deux mandats, le chef de l'Etat ne se représente pas cette année.
© AP Photo/Tagaza Djibo

Les Nigériens votent le dimanche 27 décembre. Elections législatives et présidentielle. Pour cette dernière, 30 candidatures ont été retenues par la Cour constitutionnelle, dont celle de Mohamed Bazoum, très influent ministre de l'Intérieur, dauphin du chef de l'Etat sortant Mahamadou Issoufou qui ne se représente pas au terme de deux quinquennats. Qui sont les candidats à la présidentielle dans un pays où, historiquement, aucun chef de l'Etat ne parvient à se faire élire dès le premier tour ? Portraits.

Mohamed Bazoum, le dauphin

Mohamed Bazoum, alors chef de la diplomatie nigérienne, en 2013 aux Nations unies.
Mohamed Bazoum, alors chef de la diplomatie nigérienne, en 2013 aux Nations unies.
© AP Photo/Eduardo Munoz, Pool

"Nous avons stabilisé notre pays et avons beaucoup progressé pendant dix ans. Nous avons une expérience de l’État (...) J’ai été au cœur des grandes décisions, et je sais ce qui a fonctionné ou non". Quand, en novembre 2020, l'hebdomadaire Jeune Afrique demande à Mohamed Bazoum comment il souhaite convaincre les Nigériens de voter pour lui, sa réponse ressemble à un bilan du président sortant. Inutile pour cet homme de 60 ans de cacher son statut de dauphin de Mahamadou Issoufou. Les deux hommes sont proches depuis trois décennies et, au cours des deux mandats d'Issoufou, Bazoum a été aux premières loges, en tant que chef de la diplomatie d'abord de 2011 à 2015 puis comme très influent ministre d’État, ministre de l’Intérieur et de la Sécurité publique entre avril 2016 et juin 2020. Entres ces deux postes, il est -entre 2015 et 2016- ministre d’État à la présidence, chargé de porter la réélection de Mahamadou Issoufou.

Le parcours politique de Mohamed Bazoum commence dans les années 80. Né en 1960 dans la région de Diffa au sein de la tribu des Ouled Slimane, ultraminoritaire au Niger, il part étudier la philosophie à Dakar à l'aube des années 80. Rentré au pays diplôme en poche, devenu professeur, il adhère au Syndicat national des enseignants du Niger puis devient l'un des leaders de l’Union syndicale des travailleurs du Niger, au titre de laquelle il prend part à la Conférence nationale en 1991. A l'époque, le Niger, comme nombre de pays du continent africain, se voit contraint de desserrer l'étau et s'ouvrir au multipartisme. Quelques mois avant la Conférence nationale, Bazoum a créé un parti, le PNDS (Parti nigérien pour la démocratie et le socialisme) avec Mahamadou Issoufou. Contraint à organiser la conférence sous la pression de la rue, le général Ali Saïbou acceptera ensuite d'ouvrir une période de transition.

Mohamed Bazoum, tout juste trentenaire, entre au gouvernement au poste de secrétaire d’État auprès du ministre des Affaires étrangères. Deux ans plus tard, le PNDS remporte les législatives. Le président Mahamane Ousmane se voit contraint à la cohabitation. Mohamed Bazoum est ministre des Affaires étrangères dans un gouvernement emmené par Hama Amadou, future bête noire du régime de Mahamadou Issoufou. Mais un an plus tard, le 27 janvier 1996, Mahamane Ousmane est défait par un coup d'Etat emmené par le colonel Ibrahim Baré Maïnassara, et Bazoum entre durablement dans l'opposition. D'autant qu'en 1999, après l'assassinat de Baré, Mamadou Tandja remporte la présidentielle et restera dix années au pouvoir.

Bazoum, lui, retrouvera alors les bancs de l'Assemblée nationale. C'est avec l'élection de son vieil ami Mahamadou Issoufou que Mohamed Bazoum revient au premier plan. Figure incontournable de la décennie Issoufou, son passage à la sécurité intérieure a laissé des souvenirs amers à la société civile. En 2018, une vingtaine de militants de différentes associations sont ainsi arrêtés pour avoir manifesté contre une loi de finances jugée "antisociale". Deux ans plus tard, en mars 2020, nouvelles arrestations lors de rassemblements contre la corruption. Trois militants ne seront libérés que début octobre après plus de six mois de détention.
Pour Bazoum, la société civile n'est en fait qu'une opposition déguisée.

Salou Djibo, le retour du "putschiste vertueux"

Salou Djibo, chef de la junte militaire qui vient de faire tomber le président Mamadou Tandja, 21 février 2010.
Salou Djibo, chef de la junte militaire qui vient de faire tomber le président Mamadou Tandja, 21 février 2010.
© AP Photo/Rebecca Blackwell
L'homme est acclamé par la foule. Il porte un béret rouge et promet de "ne pas décevoir". Nous sommes le 21 février 2010. Trois jours plus tôt, à la tête d'un Conseil suprême pour la restauration de la démocratie, le colonel Salou Djibo a fait chuter le président Mamadou Tandja qui dirigeait le Niger depuis dix ans. Quelques semaines plus tard, dans une interview à France 24, sans rentrer dans les détails de ce que sera la transition qu'il va conduire, Salou Djibo promet simplement qu'elle durera une année,  à l'issue de laquelle il organisera une élection à laquelle il ne sera pas candidat. Promesse tenue, Djibo "putschiste vertueux", lira-t-on à l'époque. L'hommage sera alors unanime pour le chef de la transition.

Dix ans plus tard, c'est en ancien militaire que Salou Djibo se présente à la présidentielle. En juin 2019, il a annoncé qu'il quittait l'armée, déclenchant une série de rumeurs. Justifiées, comme lorsque l'on évoque son envie de revenir aux commandes après dix années passées entre Lagos au Nigeria où il occupait un haut poste à la Cédéao et Ouagadougou où il se rendait fréquemment pour raisons personnelles. Ou démenties, lorsqu'on rapporte qu'il aurait espéré le soutien du président sortant, Mahamadou Issoufou, en échange du soutien qu'il avait pu lui apporter en 2011.
Mais Issoufou ayant choisi un autre dauphin, c'est sous les couleurs du parti Paix Justice Progrès (PJP), qu'il a lui-même créé, qu'il se présente. Autour de lui, quelques figures de la transition de 2010-2011, dont son ancien Premier ministre, Mahamadou Danda, aujourd'hui président d’honneur du PJP.

Seini Oumarou, 3e tentative

A 70 ans, cet ancien Premier ministre a, pour la troisième fois, l'ambition de réinstaller au pouvoir
Seini Oumarou, le 21 février 2016, lors du premier tour de la présidentielle.
Seini Oumarou, le 21 février 2016, lors du premier tour de la présidentielle.
© REUTERS/Joe Penney
le Mouvement national pour la société du développement (MNSD) de feu Mamadou Tandja, qui a dirigé le Niger de 1999 à 2009. Candidat en 2011 et 2016, il n'a pas incarné, depuis, une opposition frontale au président Issoufou, bien au contraire : depuis quatre ans, Seini Oumarou est haut-représentant du chef de l'Etat. Dans une récente interview à l'hebdomadaire Jeune Afrique, il explique ce ralliement : "Dans le courant de l’année 2016, il y a eu une augmentation des problèmes sécuritaires. Le président Issoufou m’a alors contacté pour participer à une sorte d’union nationale (...) C’est donc pour répondre à une situation exceptionnelle que le MNSD a quitté l’opposition et est devenu un allié de la majorité, mais sans perdre son indépendance". Outre le poste de Haut-représentant confié à Oumarou, six ministres du MNSD entrent au gouvernement cette année-là.

Seini Oumarou est entré en politique sur le tard. Né en 1950 à Tillabéri dans l'ouest du Niger, il part pour la France au début des années 70, le bac en poche, pour s'inscrire à l'Ecole supérieure de commerce de Lyon. Diplomé de gestion, il rentre à Niamey et intègre la NIGELEC, la société nationale d'électricité avant de créer sa propre entreprise spécialisée dans la transformation de papier. Sa carrière politique commence en 1995 lorsqu'il intègre le cabinet de son ami d'alors, Hama Amadou, Premier ministre, en tant que conseiller spéciale. A l'élection de Mamadou Tandja, Seini Oumarou entre au gouvernement et y restera tout au long de la présidence de son "modèle". Au Commerce et à l'Industrie tout d'abord, puis à l'Equipement, avant d'être nommé Premier ministre en juin 2007. Il quittera ce poste avant le coup d'Etat de 2009 pour se présenter aux législatives. Deux ans plus tard, à l'issue de la transition, il est investi par le MNSD pour la présidentielle et s'y qualifie pour le second tour. Le ralliement de son ami Hama Amadou à Mahamadou Issoufou lui coûtera la victoire. Arrivé 3e en 2016, derrière Issoufou et Hamadou, il espère l'emporter enfin cette année.

Mahamane Ousmane, le retour de l'ancien président

Mahamane Ousmane en 1995, alors président de la République.
Mahamane Ousmane en 1995, alors président de la République.
© AP Photo

D'autres auraient jeté l'éponge pour moins que cela. A 70 ans, Mahamane Ousmane est une vieille figure de la politique nigérienne dont le parcours a connu tous les soubresauts de la démocratie naissante. En 1991, année de la Conférence nationale et de l'ouverture au multipartisme, il fonde son propre parti, le Congrès démocratique et social (CDS) à la tête duquel il accède à la présidence deux ans plus tard. L'histoire retient que Mahamane Ousmane est le premier président démocratiquement élu de l'histoire du Niger. Mais son mandat sera court et tumultueux.

Rapidement, il doit faire face à une rébellion touarègue devenue protéiforme dans le nord du pays. Il parvient pourtant à mettre tout le monde autour d'une même table et en 1995, un accord de réglement global est signé. Un accord en pleine cohabitation car, deux mois plus tôt, le CDS a perdu les élections législatives et un Premier ministre, Hama Amadou, issu du MNSD de Mamadou Tandja a été nommé.

Fragilité politique et crise économique, le contexte est difficile : en janvier 1996, Mahamane Ousmane est renversé par un coup d'Etat. A la tête de la junte, le colonel Ibrahim Baré Maïnassara qui s'accrochera solidement au pouvoir jusqu'à son assassinat en 1999. En 1996, lors d'une présidentielle entachée d'irrégularités, Mahamane Ousmane arrive en 2e position mais est arrêté et assigné à résidence. A la présidentielle de 1999, sa 3e place fera de lui un "faiseur de roi". Son soutien permet à Mamadou Tandja de remporter la présidentielle au second tour face à Mahamadou Issoufou. Soutien récompensé puisque cette même année, il est élu à la présidence de l'Assemblée nationale sans aucun adversaire. Il y restera jusqu'en 2009, se présentant néanmoins à la présidentielle de 2004 et y retrouvant son rôle de "faiseur de roi".

Sa 4e place en 2011, lors de la première présidentielle post-coup d'Etat, va fragiliser Mahamane Ousmane au sein de son parti, le CDS, dont il sera exclu quatre ans plus tard. En 2015, c'est donc sous les couleurs d'un tout jeune parti, le Mouvement des Nigériens pour le renouveau démocratique (MNRD) qu'il se présente et termine à nouveau 4e, derrière les mêmes que précédemment.
C'est donc la sixième participation de ce natif de Zinder à une présidentielle. Zinder, la 2e ville du pays où Mahamane Ousmane garde une assise électorale importante. Cette économiste formé en France et au Québec pourrrait jouer un rôle déterminant dans l'issue du scrutin.

Ibrahim Yacouba, l'ambitieux

Ancien ministre des Affaires étrangères, Ibrahim Yacouba, 49 ans, se présente pour la 2e fois à la présidentielle.
Ancien ministre des Affaires étrangères, Ibrahim Yacouba, 49 ans, se présente pour la 2e fois à la présidentielle.
© Page Facebook du candidat
A 49 ans, le candidat du Mouvement patriotique nigérien (MPN) se lance pour la deuxième fois dans la course à la présidentielle. En 2016, il était arrivé 5e avec moins de 4,5%. Un petit score mais un soutien au président sortant, Mahamadou Issoufou, qui lui rapportera gros. De 2016 à 2018, Ibrahim Yacouba dirigera la diplomatie nigérienne avant d'être limogé pour "déloyauté". Quelques jours plus tard, il lancera sa coalition dans le but de se présenter à la présidentielle. Une sensation de déjà-vu ? Dans un portrait qu'il lui consacre en juin 2016, l'hebdomadaire Jeune Afrique raconte que Yacouba a été exclu du PNDS, le parti d'Issoufou, quelques semaines avant la présidentielle. Pour mieux revenir en grâce quelques mois plus tard. Au point que certains se demandent ce que veut réellement Ibrahim Yacouba et quelles sont ses relations réelles avec le PNDS.

Cet ambitieux "jeune loup" de la politique nigérienne est aussi un pur produit de l'administration. Originaire de Maradi, dans le sud, il est diplomé de l'ENA et intègre l'administration des douanes où il sera notamment, pendant la décennie 2000, un syndicaliste actif. Le parcours le plus évident pour se faire des réseaux dans le milieu politique. Après le coup d'Etat de 2009, il intègre naturellement le PNDS et sera dès 2012 ministre des Transports. Dès lors, selon Jeune Afrique, le jeune Ibrahim Yacouba va inquiéte les "barons" du parti présidentiel. En cas d'élimination au 1er tour, quelle attitude adoptera-t-il cette année vis-à-vis de Mohamed Bazoum, candidat du PNDS ?

Albadé Abouba, l'ancien allié

Albadé Abouba se présente cette année sous les couleurs du <em>Mouvement Patriotique pour le Développement</em> (MPR).
Albadé Abouba se présente cette année sous les couleurs du Mouvement Patriotique pour le Développement (MPR).
© Page Facebook du candidat

Comme le président sortant, Albadé Abouba est originaire de la région de Tahoua. Les électeurs "orphelins" de Mahamadou Issoufou vont-ils se rabattre sur lui, au détriment du dauphin Mohamed Bazoum ? C'est l'une des questions de cette présidentielle, même si, dans une interview à Jeune Afrique, Albadé Abouba la balaie en affirmant : "Je ne veux pas être le président d’une région, mais celui de tous les Nigériens".

Ancien cadre de sociétés minières et de l'administration minière, Albadé Abouba se lance en politique au sein du MNSD, l'ancien parti unique. Il est ainsi l'une des figures de l'ère Tandja.

Ministre de l'Intérieur à deux reprises au cour de la décennie 2000, il est aussi l'artisan du réglement du conflit touareg. Mais en 2015, quelques mois avant la présidentielle, il quitte le MNSD et fonde son propre parti, le Mouvement patriotique pour le développement (MPR). S'il obtient un score honorable aux législatives, il décide néanmoins de ne pas se présenter à la présidentielle et soutient Mahamadou Issoufou. Il en sera récompensé par un poste de ministre d'Etat en charge de l'Agriculture qu'il abandonne en octobre dernier pour se lancer dans la course à la présidentielle.

Les autres candidats

M. Abdallah Souleymane, du parti « Niger En Avant » (NIGERENA) ;
M. Abdoul Kadri Oumarou Alfa, du Groupement GAYYA ZABBE ;
M. Amadou Boubacar Cissé, de l’Union pour la Démocratie et la République (UDR TABBAT) ;
M. Amadou Issoufou Saïdou, Candidat Indépendant ;
M. Amadou Ousmane, du parti ADEN Karkara ;
M. Djibril Baré Maïnassara, de l’Union des Forces Populaires pour la Démocratie et le Progrès (UDFP SAWABA) ;
M. Hamidou Mamadou Abdou, du Rassemblement National Africain (RANAA) ;
M. Hassane Barazé Moussa, de l’Alliance Nigérienne pour la Démocratie et le Progrès (ANDP-Zaman Lahiya);
M. Ibrahim Gado, du Conseil Républicain pour le Progrès et la Démocratie (CRPD-SULHU) ;
M. Idi Ango Ousmane, de l’Alliance pour la Démocratie et la République (ADR-Mahita) ;
M. Idrissa Issoufou, du Mouvement Citoyen pour le Développement (MCD, Jarumin Talakawa) ;
M. Intinicar Alhassane, du Parti Nigérien pour la Paix et le Développement (PNPD AKAL KASSA)
M. Ismael Oumarou Idé, du FANN-Niger Kama Kanka
M. Kané Kadaouré Habibou, de Synergie des Démocrates pour la République (SDR-Sabuwa) ;
M. Mahaman Hamissou Moumouni, du Parti pour la Justice et le Développement (PJD-Hakika);
M. Mamadou Doulla Talata, de RSP A’Adili ;
M. Mounkaila Issa, du Rassemblement Nigérien pour la Démocratie et la Paix (RNDP- Aneima Bani zoumbou) ;
M. Moustapha Mamadou Moustapha, de PRPN Haskin Gari ;
M. Nayoussa Nassirou, de CDPS Cigaban Kassa ;
M. Omar Hamidou Tchiana, de l’Alliance des Mouvements pour l’Emergence du Niger (AMEN-AMIN);
M. Oumarou Abdourahamane, de l’UNPP Incin Africa ;
M. Oumarou Malam Alma, du Rassemblement pour la Paix et le Progrès (RPP-Farilla) ;
M. Sagbo Adolphe, de PS Imani ;
M. Souleymane Garba, de PNC Mulura.