Près de 7 millions d'électeurs rwandais sont appelés aux urnes ce vendredi 4 août 2017 pour un scrutin présidentiel promis à Paul Kagame, l'homme qui dirige le pays des mille collines d'une main de fer depuis 1994. Après 23 ans au pouvoir, le président sortant brigue un troisième mandat de sept ans.
Dans une école de la capitale Kigali parée pour l'occasion des couleurs nationales - bleu, jaune et vert - ils sont des dizaines à faire la queue depuis les petites heures du matin. Les bureaux de vote ont ouvert à 07H00 (05H00 GMT). Claudine Uzamukunda, explique être venue accomplir son
"devoir". Portant son bébé sur le dos, cette cultivatrice de 34 ans est
"venue tôt pour rentrer tôt et continuer mes tâches quotidiennes".
Marie-Rose Nyiraguro, une agricultrice de 53 ans, affirme qu'elle sait déjà pour qui elle va voter:
"on n'a manqué de rien" avec Paul Kagame.
"C'est l'envoyé de Dieu sur terre", ajoute-t-elle, assurant par ailleurs ne pas connaître les noms des autres candidats, Frank Habineza, leader du seul parti d'opposition toléré au Rwanda (parti démocratique vert) et Philippe Mpayimana, candidat indépendant.
Paul Kagame, grand favori du scrutin
Visionnaire pour les uns, despote pour les autres, Paul Kagame, 59 ans, fait effectivement face à deux adversaires peu connus des Rwandais et passés quasiment inaperçus dans une campagne de trois semaines phagocytée par le Front patriotique rwandais (FPR, le parti au pouvoir qui contrôle toutes les sphères de la société rwandaise. Et à l'image des déclarations des électeurs vendredi matin, les derniers jours de campagne ont parfaitement illustré le fossé qui sépare Paul Kagame et ses deux adversaires.
Mercredi 2 août 2017, des dizaines de milliers de personnes qui ont acclamé le président sortant dans les rues de Kigali lors de son dernier meeting avant l'élection, agitant des drapeaux rouge, blanc, bleu, les couleurs du FPR.
"Je soutiens le président Kagame, parce qu'il a arrêté le génocide (1994) et parce qu'il a apporté le développement au Rwanda", a déclaré à l'AFP un partisan du président, Narcisse Ngendahimana, alors qu'un autre supporter, Zainabu Mukashimyirimiza, souligne que Paul Kagame a
"construit des écoles, fourni des soins de santé, des routes, de l'électricité".
De leur côté, MM. Habineza et Mpayimana ont rassemblé à peine quelques centaines de personnes lors de leurs réunions de campagne. Les deux rivaux du président sortant se sont d'ailleurs plaint du peu de temps dont ils ont disposé pour lever des fonds et faire campagne...
"Nous aurions voulu au moins deux mois. Vers la fin de la campagne, le nombre de personnes à nos rallyes a beaucoup augmenté", a notamment déclaré Jean-Claude Ntezimana, secrétaire général du parti vert. Et lors d'un récent meeting, M. Habineza avait assuré à l'AFP que placarder les couleurs de son parti avait été un vrai défi:
"On nous a dit qu'on ne pouvait pas mettre nos drapeaux là où le FPR avait mis les siens, mais malheureusement le FPR a mis les siens partout!"Couronnement de l'homme fort du Rwanda
La victoire de Paul Kagame ne semble faire aucun doute depuis le plébiscite par référendum en décembre 2015 - 98% des voix - d'une modification de la Constitution. Critiquée par les observateurs, cette révision lui a permis de briguer un nouveau mandat de sept ans et potentiellement de diriger ce petit pays de la région des Grands Lacs jusqu'en 2034.
Paul Kagame est l'homme fort du Rwanda depuis que le FPR a renversé en juillet 1994 le gouvernement extrémiste hutu ayant déclenché le génocide qui a fait 800.000 morts, essentiellement parmi la minorité tutsi. Il a d'abord été vice-président et ministre de la Défense, dirigeant de facto le pays, avant d'être élu président en 2000 par le Parlement. En 2003 et 2010, il a été reconduit au suffrage universel avec plus de 90% des voix.
Le président sortant est crédité du développement spectaculaire, principalement économique, du Rwanda, un pays exsangue qui était au sortir du génocide. Mais Paul Kagame est aussi accusé de bafouer la liberté d'expression et de réprimer toute opposition. De nombreuses personnalités critiques ont ainsi été emprisonnées, forcées à l'exil et pour certaines assassinées.
"Il n'y pas d'élection au Rwanda, juste un couronnement."Robert Mugabe, journaliste rwandais
Des observateurs assurent que les candidatures de MM. Habineza et Mpayimana ne sont qu'une
"façade" à destination de la communauté internationale: Paul Kagame est donné grand vainqueur du scrutin.
Au total, 6,9 millions de Rwandais figurent sur les listes électorales, répartis dans 2.343 bureaux à travers le pays. Les bureaux doivent fermer à 15H00 (1300 GMT). Les résultats ne sont pas attendus avant samedi.