De l'ouverture des bureaux de vote à leur clôture, retour sur la journée du premier tour de l'élection présidentielle en Guinée-Conakry, entre crispation, espoir démocratique et accusations d'irrégularités. Cinq millions d'électeurs étaient attendus pour départager le président sortant Alpha Condé de son opposant de longue date Cellou Dalein Diallo.
La continuité ou l'alternance. C'est pour en décider que les 15 000 bureaux de vote ont ouvert leurs portes dimanche matin à 8h, à des Guinéens désireux de faire entendre leur voix dans des élections offrant douze candidats potentiels à l'investiture présidentielle. C'est entre le président sortant Alpha Condé (Rassemblement du peuple de Guinée), 82 ans et son opposant de longue date, Cellou Dalein Diallo, (Union des forces démocratiques de Guinée), 68 ans, que le match se joue.
Une élection dans un climat de crispation
La matinée est calme, avec peu d'affluence aux urnes. Une partie de l'opposition et de la société civile boycottent des élections qui pourraient maintenir au pouvoir Alpha Condé, premier président élu démocratiquement en 2010 à la tête du pays.
Mais en mars dernier, le président fait revoir la constitution, ce qui lui permet -argument essentiellement juridique- de briguer un troisième mandat, aux élections d'octobre 2020.
Des manifestations s'ensuivent, réprimées dans le sang. Cinquante personnes trouvent la mort en moins d'un an selon l'organisation Amnesty International. C'est donc dans un contexte tendu et un climat de crispation que ces élections se tiennent, faisant redouter des heurts à l'annonce des résultats. L'importance des appartenances ethniques ajoute à la volatilité de la situation, certains candidats utilisant un langage belliciste à l'égard des ethnies des autres candidats.
L'espoir d'une Guinée étendard de la démocratie en Afrique
En Guinée-Conakry, jour de vote :
Pour de nombreux Guinéens, il s'agissait tout autant d'exprimer une opinion politique que de montrer à l'Afrique et au monde une Guinée mature et démocratique, par la voie des urnes.
Outre l'Union africaine et la Cédéao, la société civile était sur place pour observer le bon déroulement du scrutin dans les bureaux de vote. Des observateurs de l'ONG Stand for life and Liberty, issus de milieux intellectuels et universitaires, ont notamment été répartis sur l'ensemble du territoire national pour se rendre dans un maximum de bureaux de vote. Le fichier électoral recensant les citoyens avait également été mis à jour et assaini quelques semaines plus tôt. Selon Daouda Emile Ouedraogo, le coordinateur international de l'ONG, son épluchage permettrait "d’éviter qu’il y ait des conflits et des revendications sur le fichier électoral lors d’un vote".
Quelques cinq millions de Guinéens ont donc reçu leur nouvelle carte d'électeur après l'apurement. Mais l'opération n'a pas été sans quelques couacs. Makalé Camara, 64 ans, ancienne ministre des Affaires étrangères et candidate à la présidentielle, affirmait dans la journée de dimanche ne pas avoir pu voter, l'administration n'ayant pas retrouvé sa nouvelle carte d'électrice, comme pour de nombreux autres de ses concitoyens selon la candidate.
C'est vers 14h que le principal opposant au président sortant, Cellou Dalein Diallo, s'est, lui, rendu aux urnes. Alpha Condé a lui voté en fin de matinée dans une école pour enfants sourds de Conakry.
Après avoir voté, les deux principaux candidats ont souhaité que tout se passe dans le calme.
Des irrégularités dans les élections ont déjà été dénoncées par Ibrahim Sorel Keita, membre de la diaspora guinéenne en France et membre du collectif pour la transition en Guinée. Selon ses sources sur place, des mineurs auraient été vus en train de voter dans certains bureaux de vote, alors que des citoyens majeurs Guinéens n'auraient eux pas pu voter. Des bureaux de vote fictifs auraient également été constatés, toujours selon Ibrahim Sorel Keita.
Le recours aux distorsions électorales ou aux modifications constitutionnelles sont les principales régressions démocratiques en Afrique de l'Ouest, pourtant pionnière.
La publication d'un résultat national devrait prendre quelques jours et un éventuel second tour à d'ores et déjà été programmé le 24 novembre prochain.