Fil d'Ariane
Jour de vote au Maroc. Ce mercredi 8 septembre, près de dix-huit millions de Marocains sont appelés aux urnes pour des élections législatives, communales et locales. Un scrutin qui revêt un enjeu crucial, notamment pour l'avenir des islamistes. Le PJD, au pouvoir depuis une décennie, espère un troisième mandat à la tête du gouvernement.
"Tous aux urnes !", appelle en une le quotidien L'Economiste, pour qui le taux de participation est le "véritable enjeu des scrutins d'aujourd'hui". La participation avait plafonné à 43% lors des législatives de 2016.
Les quelque 18 millions d'électeurs éliront, pour la première fois, les 395 députés de la Chambre des représentants et plus de 31.000 élus communaux et régionaux.
Le chef du gouvernement est issu du parti arrivé en tête du scrutin législatif. Il est nommé par le roi Mohammed VI et chargé de former son exécutif pour un mandat de cinq ans.
Dans ce royaume de 36 millions d'habitants, les décisions et les grandes orientations des secteurs stratégiques restent l'apanage du monarque.
Longtemps cantonné dans l'opposition, le Parti justice et développement (PJD, islamiste modéré), dirigé par le Premier ministre sortant Saad-Eddine El Othmani, espère briguer un troisième mandat consécutif à la tête du gouvernement.
Le PJD avait remporté un succès électoral historique après les protestations du "Mouvement du 20 février" version marocaine du Printemps arabe de 2011, qui réclamait la fin de "la corruption et du despotisme".
Le Maroc est le seul pays de la région où les islamistes sont restés au pouvoir après les révoltes populaires dans le monde arabe, mais les décisions et les orientations dans des secteurs clés continuent d'émaner d'initiatives du roi Mohammed VI.
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C'est la première fois depuis la tenue des premières élections au Maroc en 1960 que la répartition des sièges à la Chambre des représentants sera calculée sur la base du nombre des électeurs inscrits et non des votants.
Ce nouveau mode de calcul devrait handicaper les grands partis, au profit des petites formations, mais seul le PJD s'y est opposé, s'estimant "lésé".
S'il réalisait le même score qu'en 2016, le PJD n'obtiendrait, selon les estimations, que 80 à 85 sièges, contre 125 à l'époque. Ce qui compliquerait sa tâche de constituer une nouvelle coalition gouvernementale en cas de victoire.
Durant deux semaines, la campagne électorale, marquée par l'absence de grands meetings politiques en raison de la pandémie, a été longtemps atone avant de donner lieu ces derniers jours à une vive confrontation entre le PJD et son rival libéral du Rassemblement national des indépendants (RNI), deux des favoris du scrutin.
L'ancien chef du gouvernement et ex-secrétaire général du PJD Abdelilah Benkirane, toujours influent, est sorti de sa réserve pour tancer Aziz Akhannouch, patron du RNI et riche homme d'affaires, dans une vidéo publiée sur Facebook. "La présidence du gouvernement a besoin d'une personnalité politique intègre autour de laquelle il n'y a pas de suspicions", a estimé M. Benkirane.
Ministre de l'Agriculture depuis 2007, M. Akhannouch a rétorqué lundi, dans un média local, que les critiques des islamistes étaient "un aveu d'échec" et "ne visent qu'à semer la zizanie".
Ce dernier, à la tête d'une des plus grosses fortunes du pays et décrit comme un proche du Palais royal, a joué un rôle clé dans la formation du précédent gouvernement, contrôlant des portefeuilles comme l'économie et les finances ou l'industrie.
En l'absence de sondages d'opinion, les prédictions des médias locaux pointent également les chances du Parti authenticité et modernité (PAM, libéral) et du Parti de l'Istiqlal (centre-droit), tous les deux dans l'opposition.
La campagne, qui a pris fin mardi 7 septembre à minuit, a été entachée par des accusations d'achat de voix.
Si le PJD a dénoncé l'usage "massif" d'argent, sans nommer aucun parti, le numéro un du PAM, Abdellatif Ouahbi, a lui nommément accusé le RNI. Des accusations "rejetées catégoriquement" par le parti incriminé.
En revanche, les relations longtemps conflictuelles entre le PAM, premier parti d'opposition, et les islamistes, se sont récemment apaisées.
Mais l'ancien chef du gouvernement et ex-secrétaire général du PJD Abdelilah Benkirane, toujours influent, est revenu dimanche à la charge, tirant à boulets rouges sur M. Akhannouch, dans une vidéo publiée sur Facebook.
Abdelilah Benkirane a aussi reproché au chef du RNI de n'avoir "ni culture, ni idéologie, ni passé historique, ni parti politique non plus".
L'autre favori du scrutin est le PAM, principal parti d'opposition fondé par l'actuel conseiller royal, Fouad Ali El Himma, en 2008 avant qu'il n'en démissionne en 2011. Les relations entre ce parti et les islamistes, longtemps conflictuelles, se sont récemment apaisées.
Quels que soient les résultats du prochain scrutin, l'ensemble des partis politiques est censé adopter une charte, découlant du "nouveau modèle de développement", qui préfigure une "nouvelle génération de réformes et de projets", comme l'a indiqué récemment Mohammed VI.
Ce modèle, conçu par une commission nommée par le roi, esquisse plusieurs pistes pour réduire les profondes disparités sociales du pays et doubler le PIB par habitant.
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