Les résultats provisoires des législatives et des régionales ont été proclamés par la commission électorale. Ils donnent le parti au pouvoir de Faure Gnassingbé largement vainqueur. Mais selon des opposants, ces élections ont été entachées de fraudes, et certains observateurs ont relevé des incidents ou tentatives de fraude.
Une électrice vote lors des élections régionales du 29 avril 2024 à Lomé.
La fête était à son comble, ce dimanche 5 mai, dans un quartier général du parti au pouvoir à Lomé, la capitale togolaise. L'Union pour la République (UNIR) a remporté 108 sièges sur un total de 113 au sein de la nouvelle Assemblée nationale togolaise.
Entourée de ses militants, Kayi Lawson célèbre sa réélection comme députée UNIR: “Nous avons raflé presque tous les sièges de l’Assemblée nationale, parce que nous avons travaillé pour ça. Et il faut dire aussi que l’opposition n’a pas une politique cohérente. Vous avez vu, ces dernières semaines et ces dernières années, l’opposition est toujours en contradiction avec elle-même, donc les électeurs ont voulu les sanctionner de cette façon. C’est pour ça que nous avons remporté une grande victoire sur l’opposition.”
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Un succès consolidé également aux élections régionales, le parti au pouvoir a remporté 137 des 179 sièges de conseillers régionaux.
L’opposition est divisée, nous le reconnaissons. Compte tenu des résultats, cela doit nous amener à réfléchir sur notre stratégie à l’avenir.
Paul Apevon, président des Forces Démocratiques pour la République (FDR)
Face au parti présidentiel, l’opposition n’a récolté que 5 sièges de députés, et dans les conseils régionaux elle n'aura que 42 conseillers élus, répartis en 13 partis.
Paul Apevon, président des Forces Démocratiques pour la République (FDR), occupera le seul siège de député attribué à son parti dans la nouvelle législature.
Il l’admet, l’opposition a une part de responsabilité dans ces résultats : “l’opposition est divisée, nous le reconnaissons. Compte tenu des résultats, cela doit nous amener à réfléchir sur notre stratégie à l’avenir.”
Le double scrutin des législatives et des régionales s'est bien déroulé pour la commission électorale et le parti au pouvoir ; en revanche des partis d’opposition et même des mouvements indépendants dénoncent des “fraudes.”
Pour Brigitte Adjamagbo Johnson, du parti d’opposition Dynamique pour la Majorité du Peuple (DMP) qui a gagné un siège à l’Assemblée, il y a non seulement eu “beaucoup de bourrages d’urnes” mais aussi de nombreux “votes par dérogation,” des “procès verbaux préremplis,” ou encore des délégués de la DMP malmenés le jour du vote.
Certains “indépendants”, qui n'appartiennent à aucun parti politique, vont dans le même sens.
Adje Bédjen Nunyakpen, candidat défait lors de cette élection, membre du mouvement indépendant ABN, affirme que ses délégués, le jour du vote, ont constaté que des personnes ont “mis plusieurs bulletins de vote sous leurs vêtements” pour ensuite les glisser “dans l’urne.” Les délégués ABN auraient aussi intercepté “deux personnes” proposant un “transfert” d’argent à des électeurs pour voter pour tel ou tel candidat.
D’autres partis politiques de l’opposition comme l’Alliance nationale pour le changement (ANC), les Forces Démocratiques pour la République (FDR), le Comité d'Action pour le Renouveau (CAR), l'Alliance des Démocrates pour le Développement Intégral (ADDI), ainsi que d’autres indépendants, parlent de fraudes et envisagent de déposer des recours.
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Le parti d’opposition ADDI, qui a gagné deux sièges aux législatives et 8 aux régionales, va jusqu'à parler de “violences” dans “de nombreux bureaux de vote.” Dans le nord du pays, deux de ses militants ont même été gardés à vue avant d’être relaxés. Un candidat ADDI, Namiguitien Sandja, dit avoir été molesté dans le bureau de Gnakpoung (nord), alors qu’il voulait, selon lui, vérifier un cas de bourrage d’urnes.
Ces élections se sont déroulées de manière apaisée, s’accordent à dire les autorités, même si elles ont relevé une quinzaine d’incidents avec dépôts de plaintes. Le constat de calme est identique chez tous les observateurs, mais ces derniers restent quelque peu divisés sur leurs analyses du déroulement des scrutins le 29 avril.
Les observateurs internationaux (Cedeao, UA, OIF et CEN-SAD) soulignent des scrutins satisfaisants. Dès le 30 avril, dans un communiqué commun, la Cedeao, l’Union Africaine et l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF), ont salué des élections “inclusives” et “la maîtrise des procédures de vote et de dépouillement.”
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Mais pour certains observateurs nationaux, c’est un autre son de cloche. Selon la ligue togolaise des droits de l’homme (LTDH), des délégués de l’opposition ont, par exemple, été empêchés d'entrer dans des bureaux de vote.
Ghislain Nyaku, directeur exécutif du Collectif des Associations Contre l'Impunité au Togo (CACIT) qui a déployé 175 observateurs nationaux, explique que des délégués du pouvoir ont eu du mal à accéder à certains bureaux de vote. Il ajoute que “des assesseurs et certains leaders locaux ont donné des consignes pour voter pour un parti en particulier.” Pour le dépouillement, il s'est “globalement bien déroulé” mais certains bureaux ont été “fermés au public” à ce moment-là. Enfin, selon M. Nyaku, il y a même eu des “bourrages d’urnes.”
L'intervention des forces de l’ordre et des commissions électorales locales, le jour même du vote, a permis d'identifier et régler les cas "documentés par la CACIT".
Le Togo vient de promulguer sa nouvelle Constitution ce lundi, actant définitivement son passage à un régime parlementaire où le chef de l’exécutif est le chef du parti majoritaire à l’Assemblée. Pour ce poste, tous les regards se tournent aujourd’hui vers le président togolais, Faure Gnassingbé, qui est aussi la tête du parti au pouvoir.
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