Fil d'Ariane
L'ANC au pouvoir en Afrique du Sud se dirige-t-elle vers un revers historique aux élections législatives ? Les résultats partiels aux deux tiers du dépouillement ce 31 mai laissent clairement présager que le parti perdra sa majorité absolue au Parlement.
Le ministre de la Police, Bheki Cele, s'adresse aux médias au Centre de collecte des résultats, à Midrand, Johannesbourg, ce 31 mai 2024.
En début d'après-midi, ce 31 mai, le Congrès national africain (ANC) recueillait moins de 42% des voix, selon la commission électorale (IEC), restant sous la barre cruciale des 50% avec 66% des votes comptabilisés. Le parti avait remporté 57% des suffrages exprimés aux dernières législatives, en 2019.
Voir Afrique du Sud : l'ANC en mauvais posture selon des résultats partiels
Le premier parti d'opposition (Alliance démocratique, DA, centre libéral) cumule pour l'instant 22,6% des voix. Le tout récent parti populiste Umkhonto We Sizwe (MK) du sulfureux ex-président Jacob Zuma, fait une percée à 12%, tandis que les radicaux de gauche des Combattants pour la liberté économique (EFF) stagnent à 9,5%.
La participation s'établit actuellement à 58,5%, en baisse par rapport aux 66% enregistrés au précédent scrutin. Les résultats définitifs ne sont pas attendus avant samedi au plus tôt.
À l'issue du scrutin, 400 députés seront élus. Ce sont eux qui désigneront le prochain président. Depuis le début du dépouillement le 29 mai au soir, à la fermeture des bureaux de vote, les résultats partiels ont reflété les prévisions des experts et des enquêtes d'opinion des dernières semaines. Ces dernières accordaient entre 40% et 47% des intentions de vote à l'ANC.
La désillusion des 62 millions de Sud-Africains, nourrie par un chômage endémique, une pauvreté croissante et une criminalité record, semble avoir vaincu la loyauté tenace envers le parti qui a libéré le pays du régime de ségrégation raciale.
Pour nombre d'électeurs, le parti qui a longtemps incarné le rêve d'une nation ayant accès à l'éducation, au logement et aux services de base, n'a pas tenu ses promesses.
Le quotidien est empoisonné par des coupures récurrentes d'eau et d'électricité. Et les scandales de corruption à répétition impliquant de hauts dignitaires du parti ont abîmé la confiance.
Le parti historique, qui détient actuellement 230 sièges de députés (57,5%), devrait toutefois rester la plus grande formation politique à l'Assemblée nationale. Affaibli, il devra se résoudre à former des alliances et tenir des négociations sur la composition d'un gouvernement de coalition.
Experts et observateurs ont encore du mal à prédire quelle pourrait être la formule.
L'ANC devra choisir entre faire des concessions avec les exigences libérales de la DA, qui a promis de "Sauver l'Afrique du Sud" à coup de privatisations et dérégulations. Ou s'il se risque à un rapprochement avec l'EFF et ses revendications incendiaires comme la redistribution des terres aux noirs et la nationalisation de secteurs économiques clefs.
Le parti devra aussi déterminer s'il est prêt à passer un pacte avec le MK, dirigé par l'ancien pilier de l'ANC Jacob Zuma. Mais le fossé entre le président Cyril Ramaphosa et Jacob Zuma, ennemis politiques de longue date, sera difficile à combler, anticipent les spécialistes.
Lire Afrique du Sud : l'ex-président Jacob Zuma déclaré inéligible
Le MK, qui tire son nom de l'ancien bras armé de l'ANC pendant la lutte contre le régime blanc, est en passe de mettre la main sur la province zouloue (Est), fief traditionnel du parti au pouvoir et province essentielle rassemblant plus de 20% de l'électorat. Il y est en tête avec plus de 44% des voix contre moins de 19% pour l'ANC.
Le parti semble avoir tiré profit du fervent soutien populaire dont jouit encore Jacob Zuma, 82 ans, ex-président (2009-2018) lui-même originaire du pays zoulou, malgré son exclusion du scrutin pour cause d'inéligibilité.
Une victoire franche du petit parti dans la région porterait quoiqu'il en soit un autre coup à Ramaphosa, 71 ans, qui compte sur un second mandat, mais dont le maintien pourrait être compromis en cas de résultats désastreux de son parti.