Élections en Namibie : le parti historique au pouvoir menacé

La Namibie pourrait suivre l’exemple de ses voisins d’Afrique australe et ne pas reconduire au pouvoir le parti historique et ex-mouvement de lutte pour la libération, la Swapo, lors des élections, mercredi 27 novembre. 

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La vice-présidente de la Namibie, Netumbo Nandi-Ndaitwah

La vice-présidente de la Namibie, Netumbo Nandi-Ndaitwah, au centre, de l'Organisation du peuple du Sud-Ouest africain (SWAPO) au pouvoir, assiste à un rassemblement électoral à Windhoek, en Namibie, dimanche 24 novembre 2024, avant les élections du mercredi 27 novembre 2024.

AP Photo/Esther Mbathera
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Aux manettes de la Namibie depuis l'indépendance en 1990, la Swapo craint de connaître le même destin que ses voisins lors des élections, mercredi 27 novembre, après des mois de déconfiture des partis historiques en Afrique australe.

Près de 1,5 million d'électeurs de ce pays aride et riche en uranium élisent Parlement et président, invariablement issus depuis 34 ans de l'Organisation du peuple du Sud-Ouest africain (Swapo), l'ex-mouvement de lutte pour la libération.

À défaut de sondages, l'année 2024 n'a pas de quoi rassurer sa candidate Netumbo Nandi-Ndaitwah. À 72 ans, "NNN" aspire à devenir une des rares femmes présidentes sur le continent, et la première de Namibie.

Mais le recul de l'ANC, privé de majorité absolue en Afrique du Sud, la récente débâcle du BDP au Botswana et la contestation de la victoire proclamée du Frelimo au Mozambique font craindre à la Swapo une contagion "dégagiste".

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Ces précédents dans la région peuvent inverser la tendance à "l'apathie chez de nombreux électeurs", d'après l'analyste indépendante Marisa Lourenço. "S'ils se rendent compte que le changement est possible", alors "la participation électorale pourrait augmenter", explique-t-elle à l'AFP.

Particulièrement chez les jeunes, accablés par le chômage : 46% des 15-34 ans étaient sans emploi lors de la dernière diffusion des chiffres en 2018, avant la pandémie de Covid-19, qui a encore assombri le tableau de l'avis général.

"Ils reprochent au gouvernement de ne pas leur offrir d'opportunités d'emploi", observe Henning Melber, chercheur à l'Institut nordique de l'Afrique d'Uppsala (Suède).

"On a des tas de minerais, même du pétrole maintenant, mais seule une minorité en profite", fulmine Jonas Kambanza, 38 ans, photographe de rue à Windhoek, la capitale namibienne.

Le deuxième pays le plus inégalitaire de la planète

"Il nous faut du changement", professe-t-il entre deux portraits vendus 10 dollars namibiens (0,5 euro). "Et si les nouveaux dirigeants ne font pas mieux, on en changera aussi. C'est comme ça partout dans le monde, on l'a vu aux États-Unis. Pourquoi pas chez nous ?"

Après trois décennies de règne de la Swapo, mouvement d'inspiration marxiste du temps de la lutte, la Namibie demeure, après l'Afrique du Sud, le deuxième pays le plus inégalitaire de la planète, selon la Banque mondiale.

SWAPO

Trente manifestants de la SWAPO Youth League manifestent devant le tribunal de première instance de Windhoek, en Namibie, le 18 septembre 1989, en prévision de la comparution du ressortissant irlandais Donald Acheson, détenu dans le cadre de l'assassinat du dirigeant de la SWAPO, Anton Lubowski, la semaine dernière. Plus tard, une vingtaine de manifestants ont été arrêtés.

AP Photo/Billy Paddock

Les Blancs descendant de Sud-Africains et de colons allemands, très minoritaires dans la population, y possèdent la grande majorité des terres arables.

"Fondée sur l'idéologie de garantir aux Noirs des terres", la Swapo "n'a pas répondu à cette question", estime auprès de l'AFP Tendai Mbanje, chercheur au Centre africain pour la gouvernance.

Second tour "assez réaliste"

Une nouvelle génération de Namibiens ne se sent pas redevable envers la Swapo, qui a libéré le pays de la tutelle de l'Afrique du Sud de l'époque de l'apartheid.

Comme Wilhelm Titus, retraité de 76 ans, qui appelle à "voter pour conserver la terre" et "maintenir ceux qui se sont battus pour offrir la liberté".

Désormais, "une part décisive des électeurs n'était pas née" à l'époque de l'indépendance, relève auprès de l'AFP Henning Melber. Ces "born free" n'ont "aucune dette de loyauté envers la Swapo" et un second tour à la présidentielle est donc pour la première fois une "option assez réaliste", selon lui.

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Avec dans le rôle du compétiteur l'avocat Panduleni Itula, 67 ans, qui a fondé en 2020 le parti des patriotes indépendants (IPC).

Candidat dissident de la Swapo en 2019, il avait réuni, sans parti, 29,4% des suffrages. Quand le président Hage Geingob, mort en février, n'avait été réélu qu'avec 56% des voix, contre près de 87% en 2014.

"La popularité de la Swapo s'est encore affaissée", analyse Marisa Lourenço. "C'est une échéance qu'elle redoute car elle n'a jamais été aussi proche de perdre un scrutin."

L'IPC a ravi aux élections locales de 2020 Swakopmund et Walvis Bay, deux des principales villes du pays, montrant que l'alternance était envisageable.

Mais point d'effervescence dans la capitale Windhoek, où seules les affiches chamarrant les amples avenues rappellent le scrutin de mercredi.

Bals de promo lycéens et traditionnel tournoi de foot inter-mines ont rythmé la fin de semaine. Avant une autre animation le week-end prochain : la publication des résultats des élections. "Si la Swapo l'emporte", prédit Tendai Mbanje, "ce sera avec une marge très mince".