"Kabila peut-il perdre ?" Onze candidats concourent pour la présidentielle et 18.864 se disputent 500 sièges aux législatives (un record), deux scrutins à un tour auxquels plus de 32 millions d'électeurs sont appelés à voter. Ces élections débutent un cycle (provinciales, sénatoriales, locales) prévu pour s'achever en juin 2013. Héritier du pouvoir à 30 ans après l'assassinat de son père Laurent-Désiré Kabila en 2001, élu en 2006 en promettant le retour à la paix et la reconstruction d'un pays ruiné par deux guerres (1996-1997, 1998-2003), Joseph Kabila brigue un second mandat et se dit "sûr" de ne pas perdre, après avoir opportunément fait réviser la Constitution en janvier pour faire passer la présidentielle de deux à un tour. Un tour de passe-passe qui aurait pu lui coûter cher, comme l'explique Colette Braeckman : " Ils ont pensé que cela allait forcément favoriser le candidat sortant. Ils ont joué avec le feu, car si l'opposition s'était unie derrière un candidat, on aurait pu avoir des surprises ! Chacun a malheureusement joué perso, le vote sera donc dispersé." Et si Kabila l'emporte avec un faible score, cela peut sonner comme un désaveu.
Un bilan contrasté Le chef de l'Etat juge son bilan "positif". La journaliste du
Soir nuance : "Son bilan, ce sont des chantiers ! Des routes, des ponts, des infrastructures... C'est bien mais sur le plan social, le niveau de vie de la population ne s'est pas amélioré". La RDC, pourtant dotée de nombreuses richesses naturelles (minerais, bois, cours d'eau...), a le plus bas indice de développement humain, deux tiers des 67,8 millions d'habitants vivent en dessous du seuil de pauvreté. "Il y a une grande frustration de la population, qui n'a pas vu un réel changement de ses conditions de vie" ajoute Thierry Michel. Le journaliste et réalisateur belge était en RDC en juin dernier pour son dernier documentaire
L'affaire Chebeya. "Le climat des affaires n'est pas bon, la corruption est endémique. La RDC est plongée dans une économie parallèle, qui n'est pas celle d'un Etat moderne." Kabila s'était aussi engagé à ramener la paix. Dans l'est des groupes armés locaux et étrangers demeurent actifs et les civils y sont victimes d'exactions, malgré la présence d'une mission de l'ONU (Monusco) avec 20.000 hommes. Cependant, "les violences meurtrières qui ont caractérisé la décénnie 2000 sont en voie d'apaisement dans les autres provinces" explique l'historien Elikia M'Bokolo
dans un entretien à Jeune Afrique : "Les Congolais en ont assez de la guerre et ont compris que prendre les armes n'était pas la solution pour conquérir ou contester le pouvoir". Pour Thierry Michel, la critique du pouvoir en place est facile : " Est-ce que demain il existe une alternative ? J'en doute. Il y a une responsabilité conjointe de la communauté internationale et des élites du pays qui ont plongé la Congo dans l'abîme". Elikia M'Bokolo explique qu'il y a un tel secret autour de Kabila "qu'on sait peu de choses sur ses capacités de travail, le temps qu'il passe sur ses dossiers". Pour Colette Braeckman, le manque de charisme du président s'explique par son origine : " Il vient de l'est du pays, une région où les gens ne sont pas expansifs. Kabila n'est pas un bon tribun, et cela le dessert forcément, surtout quand on pense à la dégaine et la faconde qu'avait Mobutu." Mais pour la journaliste, l'homme a changé et a abordé cette campagne "à l'américaine", emmenant par exemple sa famille lors des conférences de presse.