
Fil d'Ariane
Élections, coups d’État, conflits... L’année 2024 aura incontestablement été une année chargée politiquement pour le continent. Mais cette année semble aussi avoir cristallisé la restriction de l’espace démocratique de plusieurs États particulièrement en Afrique centrale. C’est en tout cas ce que dépeint le dernier rapport de l’ONG Human Rights Watch, publié le 16 janvier 2025.
Un enfant portant de l'eau passe devant un membre des Wazalendo, qui combattent les rebelles du M23, à Sake, en République démocratique du Congo, le 31 août 2024.
Une oppression accrue "des opposants politiques, activistes et journalistes". C'est le constat que dresse le 35ème rapport mondial d'Human Rights Watch qui porte sur près de cent pays. "Les dirigeants autoritaires ont resserré leur emprise sur le pouvoir dans des pays comme la Russie, El Salvador et les pays du Sahel comme le Mali, le Burkina Faso et le Niger, se servant de la peur et de la désinformation pour étouffer toute dissidence", s'inquiète la directrice exécutive de l'ONG, Tirana Hassan, en introduction.
Concernant les pays d’Afrique centrale, Human Rights Watch constate que "les gouvernements (…) ont impunément restreint les droits civils et politiques, en particulier lors d’élections" et que "les forces de sécurité gouvernementales et des groupes armés non étatiques ont commis de graves violations du droit international humanitaire".
Parmi les exemple cités, Human Rights Watch revient notamment la mise sous silence des voix dissidentes au Rwanda et en République Centrafricaine ainsi que sur la persécution de "l'opposition politique et des groupes de la société civile" au Burundi, au Tchad et en République démocratique du Congo.
Au Rwanda par exemple, comme le rappelait l’un de nos papiers, publié le 10 juillet 2024, "les voix dissidentes sont étouffées ou contraintes à l'exil." Aujourd’hui au Rwanda, seul un des onze partis d'opposition officiellement enregistrés ne soutient pas Paul Kagame.
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Autre exemple en République démocratique du Congo, le chef de l’État, Félix Tshisekedi a annoncé le 12 décembre dernier, lors de son discours annuel sur l’état de la nation, revoir la Constitution promulguée en 2006. Une initiative dénoncée par l’opposition qui y voit une volonté du chef de l'État de briguer un troisième mandat, ce que lui interdit pourtant la Loi fondamentale.
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L’année 2024 aura été ponctuée par un grand nombre d’élections. Nombre d'entre sont pointées du doigt dans le rapport pour être "ni libres, ni équitables". Citant le Rwanda mais aussi le Tchad, le rapport souligne en effet que "les élections générales (…) se sont déroulées dans des conditions largement considérées comme n’étant ni libres ni équitables, les autorités ayant restreint la liberté d'expression des opposants politiques, des médias et des électeurs".
Des gouvernements en Afrique centrale ont réprimé les droits humains et les libertés fondamentales dans le cadre d'élections et de référendums, laissant parfois penser qu’ils tentent de monopoliser le pouvoir.
Lewis Mudge, directeur pour l'Afrique centrale à Human Rights Watch.
Au Tchad en effet, le parti au pouvoir, Mouvement patriotique du Salut (MPS), a remporté la majorité des sièges lors des élections législatives du dimanche 12 janvier dernier. Il s’agissait là des premières élections législatives organisées depuis 2011 dans le pays. Dès l'annonce des résultats, le premier parti d'opposition, Les Transformateurs a dénoncé des "résultats préfabriqués", qualifiant "d'échec retentissant" le processus électoral.
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Comme souvent malheureusement, les civils ont été les premières victimes de ces coups de force. Human Rights Watch évoque la situation en République démocratique du Congo. "Les civils ont été durement affectés par les conflits en République centrafricaine et en RD Congo, où les actions des belligérants ont aussi entravé l'acheminement de l'aide humanitaire. L'armée congolaise et des milices alliées, ainsi que l'armée rwandaise et le groupe armé M23, ont commis des violations du droit de la guerre dans la province du Nord-Kivu, dans l'est de la RD Congo", note le rapport.
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Face à ces constats, Human Rights Watch appelle les gouvernements d'Afrique centrale à "respecter leurs obligations en vertu du droit international et prendre des mesures plus fortes pour faire respecter l'état de droit et les libertés fondamentales, y compris pendant les élections". L'ONG estime que "les autorités devraient également renforcer la protection des civils lors des conflits armés", en facilitant notamment "l'acheminement de l'aide humanitaire", et "en obligeant les responsables d'exactions à rendre des comptes, quel que soit leur rang ou leur position".