Fil d'Ariane
Libertés entravées, disparitions, morts en détention : à la veille de l'arrivée d'Emmanuel Macron à Brazzaville, des organisations congolaises de défense des droits de l'homme ont exposé jeudi leurs préoccupations et demandé au président français de les relayer auprès de son homologue Denis Sassou Nguesso.
"Notre pays étant lié à la France par son histoire, ses relations économiques et diplomatiques, cette visite est pour nous l'occasion de partager les préoccupations et les attentes de la société civile en matière de droits humains", écrit dans une déclaration le Consortium des associations pour la promotion et la gouvernance démocratique et l’Etat de droit (CAPGED).
Cette déclaration, signée par cinq ONG membres du consortium, s'interroge sur le sens de la visite du président français dans un pays constamment épinglé pour ses atteintes à la démocratie et où la corruption, selon le consortium qui s'appuie sur les travaux de Transparency International, est endémique. "De toute évidence, cet acte est interprété comme un soutien au régime en place et par conséquent, constitue un facteur de démobilisation pour ce peuple en quête de liberté", considère le consortium avant de lister les éléments, à ses yeux, problématiques.
Il estime notamment que "la séparation des pouvoirs demeure un chantier inachevé, en ce sens que les pouvoirs législatif et judiciaire sont inféodés à l’exécutif".
Il affirme aussi assister depuis une vingtaine d’années à "un rétrécissement de l'espace civique: pas de libertés d'association, de rassemblement, d'expression et de manifestation".
Dans leur déclaration, les ONG déplorent aussi disparitions forcées, exécutions sommaires, prisons "mouroirs"...
Le document cite des exemples : "Ibara Legrand, âgé de 17 ans, a été froidement abattu le 30 juillet 2022 par un agent de la direction générale de la sécurité présidentielle (DGSP) à Talangaï (Brazzaville). Par ailleurs (...) 13 personnes ont perdu la vie au commissariat de police de Chacona dans la nuit du 22 au 23 juillet 2018".
Au sujet des libertés, la société civile invite Emmanuel Macron, lors du tête-à-tête prévu avec le président congolais Denis Sassou Nguesso, qui cumule quelque 39 ans au pouvoir, à "plaider pour la libération du général Jean-Marie Michel Mokoko et d'André Okombi Salissa".
Respectivement ancien chef d’Etat-major des armées congolaises et ex-ministre, ces deux personnalités ont été condamnées à 20 ans de prison ferme après la présidentielle de 2016 qu’elles ont perdue et contestée.
Pour le consortium, cette visite "justifie les récriminations de la jeunesse africaine en général et congolaise en particulier à l'égard de la France , justifiant ainsi la montée du sentiment antifrançais en Afrique".
"Le président Macron ne vient que pour quelques heures à Brazzaville", regrette Franck Charlin Tchibinda, de l'Observatoire congolais des droits de l’homme (OCDH). "La société civile n'aura pas le temps de discuter avec lui", déclare-t-il à l'AFP. Or, "on a beaucoup de choses à mettre sur la place".