Fil d'Ariane
Loin des tensions sociales qui agitent la France, le chef de l'Etat a respecté une coutume désormais bien ancrée : il a partagé le dîner de Noël avec des militaires sur la base de Port-Bouët, près de l'aéroport d'Abidjan. Il a atterri ce vendredi 20 décembre en fin d'après-midi.
Samedi à Abidjan, Emmanuel Macron et son homologue ivoirien Alassane Ouattara relanceront le chantier, en panne, de l'Académie internationale de lutte contre le terrorisme.
Côté ivoirien, on salue "l'implication forte de la France pour aider les pays africains à faire face au terrorisme", a déclaré à l'AFP le ministre de la Communication et porte-parole du gouvernement Sidi Touré.
"La Côte d’Ivoire est un partenaire fondamental de la France en Afrique", affirme l'Elysée, car "aujourd'hui, l'équilibre de l'économie sahélienne et des mouvements de population (en Afrique de l'Ouest) repose très largement sur la stabilité politique et économique" de ce pays.
Le pays demeure sous la menace djihadiste, trois ans après l'attaque qui avait fait 19 morts dans la station balnéaire de Grand-Bassam. Paris avait alors annoncé une coopération antiterroriste renforcée dans la région. En juin 2017, le président Emmanuel Macron indiquait que les deux pays allaient renforcer leur partenariat militaire, et dans le renseignement, contre le terrorisme.
Après le Niger en 2017 et le Tchad en 2018, Emmanuel Macron rend visite aux Forces françaises en Côte d'Ivoire (FFCI), le deuxième contingent de troupes prépositionnées en Afrique après celui de Djibouti.
Ces forces servent actuellement d'appui aux troupes luttant contre des groupes jihadistes au Sahel. M. Macron s'entretiendra avec des militaires ayant participé à l'opération dans laquelle 13 soldats sont morts en novembre au Mali.
La situation au Sahel, qui inquiète fortement Paris, sera l'un des fils rouges de ce déplacement : M. Macron fera une courte étape dimanche au Niger, pour en parler avec le président Mahamadou Issoufou, avant le sommet prévu dans le Sud de la France à Pau le 13 janvier, avec les dirigeants de cinq pays sahéliens.
Samedi, Emmanuel Macron tentera de faire vivre "l'esprit" de son discours de 2017 à Ouagadougou, où il avait redessiné la relation de Paris avec le continent. Il avait alors assuré qu'il n'y avait "plus de politique africaine de la France".
"Il y a eu des hauts et des bas dans la relation franco-ivoirienne, mais aujourd'hui elle est au beau fixe", a assuré Sidi Touré.
Le pays a longtemps été le meilleur allié de la France en Afrique, pendant le règne (1960-1993) de Félix Houphouët-Boigny, le "père de l'indépendance".
Mais les relations entre Paris et son ex-colonie sont devenues orageuses sous la présidence de Laurent Gbagbo (2000-2011), marquée par l'éclatement d'une rébellion et une intervention militaire française.
Les présidents Ouattara et Macron présideront dimanche une cérémonie en hommage aux neuf soldats français tués en 2004 à Bouaké, la deuxième ville du pays.
Le 6 novembre 2004, neuf soldats français sont tués dans un raid loyaliste à Bouaké, dans le centre du pays. L'armée française riposte en détruisant une partie de l'aviation ivoirienne. Les manifestations antifrançaises et les exactions qui s'ensuivent provoquent le départ de 8 000 Français.
Abidjan accuse l'armée française d'avoir tué une soixantaine de civils ivoiriens lors d'une fusillade à l'hôtel Ivoire le 9 novembre, la France parle d'une vingtaine de morts.
En avril 2008, Laurent Gbagbo salue des relations bilatérales "en voie de normalisation" depuis l'arrivée au pouvoir de Nicolas Sarkozy.
Deux ans après une première visite à Abidjan au cours de laquelle il avait posé la première pierre du métro, le président français et son homologue ivoirien finaliseront le financement de cet énorme chantier de 1,5 milliard d'euros qui doit débuter en 2020.
Une douzaine d'autres accords devraient être discutés pour "renforcer le partenariat économique" avec la Côte d'Ivoire, où vivent quelque 22.000 Français, dont la moitié de binationaux, selon l'Elysée.
L'économie, mais aussi le sport et la jeunesse, sont au centre de la relation franco-ivoirienne. Emmanuel Macron se rend à Koumassi, une commune populaire d'Abidjan, pour inaugurer des infrastructures sportives ce samedi 21 décembre. Il est accompagné du footballeur Didier Drogba, ex-idole de l'Olympique de Marseille et de Chelsea.
Un débat sera par ailleurs organisé avec 300 étudiants dans le domaine de la santé, pour évoquer la lutte contre le sida et les pandémies.
Au cours des discussions, le président ivoirien pourrait soulever la question d'une réforme du franc CFA, demandée par de nombreux économistes africains, et à laquelle le ministre français des Finances, Bruno Le Maire, qui sera présent à Abidjan, s'est dit ouvert.
Parallèlement, les pays d'Afrique de l'Ouest seront en sommet samedi au Nigeria pour réfléchir à une monnaie commune sur le modèle de l'euro, déjà actée sur le principe.
La visite de M. Macron intervient dans un contexte politique tendu en Côte d'Ivoire, à dix mois de la prochaine présidentielle, et près de dix ans après la crise post-électorale de 2010-2011 qui avait fait 3 000 morts.