Emmanuel Macron en Côte d'Ivoire pour resserrer les liens entre les deux pays

 Le président français a entamé sa visite en Côte d'Ivoire. Un pays avec lequel la France souhaite resserrer ses liens dans la lutte contre le terrorisme. Il a partagé le dîner de Noël avec des militaires français. Retour sur les enjeux de cette visite.
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© Eric Gaillard / POOL via AP
Le président français Emmanuel Macron et son homologue ivoirien Alassane Ouattara lors d'une cérémonie commémorant les 75 ans du débarquement des alliés en Provence (image d'illustration). Saint-Raphaël, France, 15 août 2019.
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Loin des tensions sociales qui agitent la France, le chef de l'Etat a respecté une coutume désormais bien ancrée : il a partagé le dîner de Noël avec des militaires  sur la base de Port-Bouët, près de l'aéroport d'Abidjan. Il a atterri ce vendredi 20 décembre en fin d'après-midi.

  • Lutte contre le terrorisme en Côte d'Ivoire

Samedi à Abidjan, Emmanuel Macron et son homologue ivoirien Alassane Ouattara relanceront le chantier, en panne, de l'Académie internationale de lutte contre le terrorisme.

Côté ivoirien, on salue "l'implication forte de la France pour aider les pays africains à faire face au terrorisme", a déclaré à l'AFP le ministre de la Communication et porte-parole du gouvernement Sidi Touré.

"La Côte d’Ivoire est un partenaire fondamental de la France en Afrique", affirme l'Elysée, car "aujourd'hui, l'équilibre de l'économie sahélienne et des mouvements de population (en Afrique de l'Ouest) repose très largement sur la stabilité politique et économique" de ce pays.

Le pays demeure sous la menace djihadiste, trois ans après l'attaque qui avait fait 19 morts dans la station balnéaire de Grand-Bassam. Paris avait alors annoncé une coopération antiterroriste renforcée dans la région. En juin 2017, le président Emmanuel Macron indiquait que les deux pays allaient renforcer leur partenariat militaire, et dans le renseignement, contre le terrorisme.
 

  • La situation au Sahel, fil rouge de la visite

Après le Niger en 2017 et le Tchad en 2018, Emmanuel Macron rend visite aux Forces françaises en Côte d'Ivoire (FFCI), le deuxième contingent de troupes prépositionnées en Afrique après celui de Djibouti.

Ces forces servent actuellement d'appui aux troupes luttant contre des groupes jihadistes au Sahel. M. Macron s'entretiendra avec des militaires ayant participé à l'opération dans laquelle 13 soldats sont morts en novembre au Mali.

 

La situation au Sahel, qui inquiète fortement Paris, sera l'un des fils rouges de ce déplacement : M. Macron fera une courte étape dimanche au Niger, pour en parler avec le président Mahamadou Issoufou, avant le sommet prévu dans le Sud de la France à Pau le 13 janvier, avec les dirigeants de cinq pays sahéliens.
 

 
  • Relations "au beau fixe" entre Paris et Abidjan

Samedi, Emmanuel Macron tentera de faire vivre "l'esprit" de son discours de 2017 à Ouagadougou, où il avait redessiné la relation de Paris avec le continent. Il avait alors assuré qu'il n'y avait "plus de politique africaine de la France".

"Il y a eu des hauts et des bas dans la relation franco-ivoirienne, mais aujourd'hui elle est au beau fixe", a assuré Sidi Touré.

Le pays a longtemps été le meilleur allié de la France en Afrique, pendant le règne (1960-1993) de Félix Houphouët-Boigny, le "père de l'indépendance".

Mais les relations entre Paris et son ex-colonie sont devenues orageuses sous la présidence de Laurent Gbagbo (2000-2011), marquée par l'éclatement d'une rébellion et une intervention militaire française.

Les présidents Ouattara et Macron présideront dimanche une cérémonie en hommage aux neuf soldats français tués en 2004 à Bouaké, la deuxième ville du pays.
 

Le bombardement de Bouaké

Le 6 novembre 2004, neuf soldats français sont tués dans un raid loyaliste à Bouaké, dans le centre du pays. L'armée française riposte en détruisant une partie de l'aviation ivoirienne. Les manifestations antifrançaises et les exactions qui s'ensuivent provoquent le départ de 8 000 Français.

Abidjan accuse l'armée française d'avoir tué une soixantaine de civils ivoiriens lors d'une fusillade à l'hôtel Ivoire le 9 novembre, la France parle d'une vingtaine de morts.

En avril 2008, Laurent Gbagbo salue des relations bilatérales "en voie de normalisation" depuis l'arrivée au pouvoir de Nicolas Sarkozy.

  • Une douzaine d'accords en discussions

Deux ans après une première visite à Abidjan au cours de laquelle il avait posé la première pierre du métro, le président français et son homologue ivoirien finaliseront le financement de cet énorme chantier de 1,5 milliard d'euros qui doit débuter en 2020.

Une douzaine d'autres accords devraient être discutés pour "renforcer le partenariat économique" avec la Côte d'Ivoire, où vivent quelque 22.000 Français, dont la moitié de binationaux, selon l'Elysée.

L'économie, mais aussi le sport et la jeunesse, sont au centre de la relation franco-ivoirienne. Emmanuel Macron se rend à Koumassi, une commune populaire d'Abidjan, pour inaugurer des infrastructures sportives ce samedi 21 décembre. Il est accompagné du footballeur Didier Drogba, ex-idole de l'Olympique de Marseille et de Chelsea.

Un débat sera par ailleurs organisé avec 300 étudiants dans le domaine de la santé, pour évoquer la lutte contre le sida et les pandémies.
 

La réforme du franc CFA évoquée ?

Au cours des discussions, le président ivoirien pourrait soulever la question d'une réforme du franc CFA, demandée par de nombreux économistes africains, et à laquelle le ministre français des Finances, Bruno Le Maire, qui sera présent à Abidjan, s'est dit ouvert.

Parallèlement, les pays d'Afrique de l'Ouest seront en sommet samedi au Nigeria pour réfléchir à une monnaie commune sur le modèle de l'euro, déjà actée sur le principe.

La visite de M. Macron intervient dans un contexte politique tendu en Côte d'Ivoire, à dix mois de la prochaine présidentielle, et près de dix ans après la crise post-électorale de 2010-2011 qui avait fait 3 000 morts.
 

5 dates-clés des relations entre la France et la Côte d'Ivoire

  • 24 décembre 1999, premier coup d'Etat depuis l'indépendance Le général Robert Gueï annonce la destitution du président Henri Konan Bédié. Le ministre français de la Coopération Charles Josselin met en garde contre une exclusion de la présidentielle de l'ancien Premier ministre Alassane Ouattara. Un ministre ivoirien dénonce le "colonialisme" de la France. Des manifestations anti-françaises s'ensuivent.
  • 19 septembre 2002, déploiement de la force militaire Licorne Une rébellion armée favorable à Alassane Ouattara tente de renverser le régime de Laurent Gbagbo, avant de s'emparer de la moitié nord du pays. Paris déploie la force militaire Licorne, officiellement pour protéger les ressortissants français et étrangers et stabiliser le pays. Les relations entre Paris et Abidjan se dégradent. En 2004, année du bombardement de Bouaké, les effectifs de l'opération Licorne culminent à 5 300 hommes.
  • 2003, accord de Marcoussis Le 24 janvier, Paris organise une conférence inter-ivoirienne à Linas-Marcoussis, près de Paris. L'accord de paix, qui prévoit l'entrée de la rébellion au gouvernement, est rejeté par des pro-Gbagbo. Ses partisans s'attaquent aux symboles de la présence française (écoles, centre culturel). 
  • 2011, Paris aide à installer Ouattara Fin 2010, Laurent Gbagbo refuse d'admettre sa défaite à la présidentielle face à Alassane Ouattara, reconnue par la communauté internationale. Le 11 avril 2011, Laurent Gbagbo est arrêté à l'issue d'une offensive des forces pro-Ouattara, appuyées par les forces françaises et une mission onusienne. En mai 2011, Nicolas Sarkozy est l'unique chef d'Etat occidental à l'investiture d'Alassane Ouattara.
  • 2012, annulation de la dette En juillet, sous la présidence de François Hollande, la France annule la quasi-totalité de la dette ivoirienne. En décembre, les deux pays signent un contrat de désendettement-développement qui doit apporter 630 millions d'euros en trois ans à Abidjan.