
Fil d'Ariane
Deux des cinq pays les plus pollués au monde se trouvent en Afrique, selon une étude de l’IQAir. Pourquoi l’air du continent africain atteint des sommets de pollution ?
Les carburants utilisés dans les véhicules sont un des facteurs expliquant l'importance de la pollution de l'air à N'Djamena, au Tchad.
Sur les 138 territoires analysés par l’IQAIR (entreprise suisse de surveillance de la qualité de l'air) dans son rapport annuel sur la qualité de l’air, seuls sept pays et cinq territoires isolés respectent les normes de qualité de l’air préconisées par l’OMS. Au total, uniquement 1 % de la population mondiale vit dans des zones respectant les directives de l’Organisation mondiale de la santé en termes de pollution de l’air.
Quelles sont les normes de qualité de l’air préconisées par l’OMS ?
Selon l’OMS, un air de bonne qualité possède une concentration en particules fines (PM2,5) inférieure à 5 microgrammes par mètre cube (µg/m³).
Les particules fines sont des matières microscopiques en suspension dans l’air ou dans l'eau. Il en existe plusieurs types. Les PM 2,5 (dont le diamètre est supérieur ou égal à 2,5 micromètres) se trouvent principalement dans la suie et la fumée de combustions.
En tête du classement des pays dont l'air est le plus pollué se trouve le Tchad. Avec 91,8 µg/m³ de PM25 présentes dans son air, le pays dépasse 18 fois le seuil de recommandation de l’OMS. La République démocratique du Congo occupe la quatrième place de ce classement, avec 58,2 µg/m³ de PM2,5 dans l’air. C’est plus de 11 fois supérieur aux préconisations sanitaires.
Selon une étude réalisée par l’analyste Guillaume Labarre à l’Université de Sherbrooke en 2024, la mauvaise qualité de l’air de N’Djamena, capitale du Tchad, s’explique par l’utilisation de combustibles dans la vie courante. En effet, “les combustibles solides, également surnommés ‘’carbone noir’’, à l’instar du bois, du charbon ou du fumier, sont la principale source d’énergie au Tchad puisqu’en 2015 seulement 2,2 % des maisons, 12 % dans la capitale, utilisaient l’électricité”, note l’étude. Or, l’utilisation de combustible est une importante source de rejet de Co2 et de particules fines, ce qui nuit à la qualité de l’air.
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En septembre 2024, le climatologue Jean-Pierre Ndjibu expliquait à RFI que la promiscuité des habitants de Kinshasa, capitale de la République démocratique du Congo et l’importante production de déchets de la ville, jouaient sur la qualité de l’air. “C’est la quantité des déchets qui fait que les avenues, les rivières et les rues deviennent des dépotoirs publics. C’est l'une des premières causes et c’est la plus importante car, au moment de la décomposition, les éléments sont importés dans l’atmosphère et constituent des particules en suspension”, analysait-il.
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Le climatologue soulignait aussi les conséquences néfastes du carburant utilisé dans les véhicules congolais, mais aussi l’utilisation du charbon de bois, comme l’étude de Guillaume Labarre le montrait. “Et en dehors de cela, il y a les industries qui sont à Kinshasa et qui produisent aussi énormément de particules en suspension, énumère Jean-Pierre Ndjibu. Avec le mouvement des masses d’air et tout cela rejeté dans l'atmosphère, la qualité de l'air devient très problématique”
Quels sont les dix pays avec la plus mauvaise qualité de l'air en 2024 ?
Tchad 🇹🇩
Bangladesh 🇧🇩
Pakistan 🇵🇰
République démocratique du Congo 🇨🇩
Inde 🇮🇳
Tadjikistan 🇹🇯
Népal 🇳🇵
Ouganda 🇺🇬
Rwanda 🇷🇼
Burundi 🇧🇮
L’Institut de politique énergétique de l’Université de Chicago (Epic) a mené une étude en septembre 2024 dans le cadre de son “Air Quality Life Index”. Celle-ci relève que l’impact de la pollution de l’air sur la mortalité “est comparable à celui du tabagisme, plus de quatre fois supérieur à celui de la consommation excessive d’alcool, plus de cinq fois supérieur à celui des blessures causées par les transports, comme les accidents de la route, et plus de six fois supérieur à celui du sida.” Atteindre les recommandations de l’OMS en matière de qualité de l’air permettait de gagner 1,9 ans d’espérance de vie, selon les chercheurs de cette étude.
IQAir note toutefois que les données de surveillance de la qualité de l’air sont rares sur le continent africain. “Il n'y a qu'une station de surveillance pour 3,7 millions d'habitants.” Pour cette raison, il est difficile de suivre en temps réel la qualité de l’air. Selon IQAir, un meilleur accès aux données sur la qualité de l’air permettrait de “combler les lacunes en matière d'information et d'améliorer les mesures de santé publique”.
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Afin de limiter la pollution de l’air, IQAir incite les États à intégrer les lignes directrices de l’OMS sur la qualité de l’air dans leurs futures normes. Pour cela, il faudrait interdire le brûlage agricole celui de la biomasse, mais aussi pousser les États à s’engager dans la décarbonation.